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POUVOIR DU PAPE. LES ATTAQUES PROTESTANTES

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aliquo modo jurisdiclioncm in temporal Uni s in toto orbe christiano, non tainrn ita amplam, sive plenariam, aut extensam, siait illi de secundo modo asserunt sire dogmatizant, sed quantum necesse est pro bono spirituali conservando ipsius et aliarum, sive quantum Ecclesi ; v nécessitas exigit, aut debitum pastoralis of/icii in eorreetione peccatorum exposât. Et notre théologien s’explique : « …le pontife romain, bien qu’il n’ait pas regulariter sive directe sur le temporel une puissance aussi pleine que sur le spirituel, possède cependant un pouvoir sur le temporel ex consequenli, et cela par un droit propre, à savoir pour autant que l’exigent la conservation des choses spirituelles, la direction des fidèles vers leur salut éternel, la correction des pécheurs et le maintien de la paix dans le peuple chrétien. » Sum. de Ecclesia, Venise. 1561, t. II, c. cxiii-cxiv, fol. 2(53-209. Torquemada, du reste, précise que le pouvoir du pape est directivus et pnveeptivus à l’égard des puissances séculières, in adminislrationem sui officii secundum exigentiam finis ultimi ; car la félicité politique est subordonnée à la félicité suprême. Ainsi, le pontife romain se comporte envers les rois et les princes comme l’architecte envers les artisans : celui-là sait le propterquid ; ceux-ci, tout experts qu’ils soient en bien des points, savent bien le quia, mais ignorent le propter quid. Nous voilà en plein thomisme : le disciple renchérit à peine sur le maître quand il affirme que le pape possède de droit divin la juridiction temporelle d’une manière plus noble et plus excellente que les princes séculiers, ou lorsqu’il note que le pape peut non seulement frapper de censures ecclésiastiques, mais encore déposer les princes indignes ou incapables. Bellarmin ira jusque-là ; mais le cardinal de Saint-Sixte en est encore à l’argument des deux glaives, tous deux en la possession et à la disposition du pontife romain, avec cette réserve qu’il ne peut manier lui-même le glaive temporel.

Plus moderne, le théologien de Tubingue, Gabriel Biel († 1495) ne s’embarrasse plus de l’exégèse consacrée et ne veut plus voir dans les deux glaives que le symbole de la distinction des deux pouvoirs et cette distinction fondamentale commande ses vues très modérées sur le pouvoir du pape, qui n’est pas, à ses yeux, illimité comme celui du Christ. Expos, in can. missæ, lect. 23, Lyon, 1517, fol. 33.

Le Français Jacques Almain († 1515), dans ses commentaires d’Occam (1512), est loin d’offrir une doctrine orthodoxe sur l’autorité du pape et du concile. Par contre, il revendique, pour le pontife romain, un véritable pouvoir sur le temporel. Sans doute, à ses yeux, l’autorité civile dérive de Dieu par le peuple et le pape n’a directement aucune juridiction sur les princes comme tels ; mais, indirectement, le pape pourra intervenir dans leur gouvernement, au besoin même il déposera les souverains coupables d’hérésie ou de schisme, de négligence ou de crime contre l’ordre social. Exposilio circa decisiones M. G. Occam, super potest. S. pontificis, de potest. ecclesiastica et laica, q. ii, c. 8 et 12, parmi les Œuvres de Gerson, t. ii, Anvers, 1706, p. 1080 sq. et 1093.

John Mair ou Jean Scot Major († 1550), docteur en Sorbonnc comme Almain et comme lui imbu des thèses ecclésiastiques de Gerson, s’en prend au texte de saint Bernard et dénie toute valeur de preuve au sens mystique, d’autant plus que le forsitan (luo forsitan nutu, etsi non manu tua evaginandum) enlève toute sa force au passage fameux de l’abbé de Clairvaux. Jean Major n’accorde donc pas au pape toute suprématie dans le temporel. Texte dans les Œuvres de Gerson, t. ii, p. 1 128.

Mais avec Jean Major l’occamisme va tomber sous les coups de l’humanisme et de la Réforme ; une théologie renouvelée achèvera la systématisation de l’ecclésiologie et fera prévaloir les thèses modérées.

III. Les temps modernes (xv-xx 1’siècle). — Repoussant l’autorité spirituelle de la papauté, les protestants entendaient moins encore lui reconnaître un pouvoir temporel quelconque. Leurs élucubrations haineuses furent d’une violence inouïe, leurs pamphlets ne reculèrent devant aucune injure, aucune calomnie. Leurs historiens, même les plus graves, reproduisirent avec complaisance les fables les plus invraisemblables qui pouvaient illustrer les abusives prétentions de Boniface VIII, de Grégoire VII et des autres papes du Moyen Age. — 1° Les attaques protestantes ; 2° l’attitude doctrinale des théologiens catholiques du xvie siècle ; 3° la controverse autour du gallicanisme. 4° le système du pouvoir directif ; 5° faits et doctrines à l’époque contemporaine.

I. les attaques PROTESTANTES.

L’idée dominante de la polémique protestante contre le Saint-Siège, c’est l’assimilation de la papauté à l’Antéchrist. Bien que destinée surtout à l’enseignement des masses populaires, cette idée prend chez les théologiens réformateurs une importance extraordinaire qui dépasse de beaucoup, à tous égards, l’engouement des auteurs catholiques pour l’argument symbolique des deux glaives.

Luther.

Déjà en 1518 et en 1519, Luther

(† 1546), dans sa correspondance, établit expressément un rapprochement entre le pape et l’Antéchrist. Grisar, Martin Luther, trad. franc., Paris, 1931, p. 74. En 1520, il publie son livre De la papauté à Rome, où il a cette assertion significative que le pape, en prétendant établir, déposer et transférer à son gré les rois et les princes, agit tout comme l’Antéchrist. Von dem Papstum zu Rom, éd. de Weimar, t. vi, p. 308. Le pape-Antéchrist, dira le réformateur dans ses Propos de table, s’est emparé de la totalité du pouvoir spirituel peu après Grégoire I er, du temps de l’empereur Phocas ; ensuite, il y a un peu plus de quatre siècles, il a ravi le pouvoir temporel, lorsqu’il s’est mis à déposer les rois. Tischreden, xxvii, 2, Eiiangen, 1854, t. lx, p. 179-180 ; Weimar, t. iii, p. 645 sq.

Les « centuriateurs de Magdebourg », reprenant la pensée du maître, parodient grossièrement les formules canoniques traditionnelles et appliquent au Saint-Siège le texte de l’Apocalypse montrant la Bête régnant sur le monde et s’y faisant adorer : « D’après l’enseignement des apôtres, l’Antéchrist portera les deux glaives, politique et ecclésiastique ; il se donnera pour Dieu, vicaire du Christ, et chef de l’Église ; il aura autorité sur toute magistrature civile, sur l’Église, sur tous les conciles ; en lui comme dans un écrin (in eujus peetoris scrinio) seront déposées toutes les lois divines et humaines ; il pourra façonner et refaçonner des articles de foi ; il aura pouvoir de commander même aux anges de Dieu ; il sera de nécessité de salut de se soumettre à ses ordres en quelque matière que ce soit ; personne ne devra le juger ni lui demander raison de sa conduite, quand bien même il induirait en erreur des multitudes d’âmes. » Centuria I, Bâle, 1560, t. II, c. iv, p. 435. David Chytræus institue un parallèle entre la doctrine du Seigneur dont le royaume n’est pas de ce monde et celle de l’Antéchrist qui « se glorifie de posséder les deux glaives, et cela de droit divin ». Comment, in Apocal., Wittenberg, 1575, p. 200 sq.

2° Calvin († 1564) en arrive à égaler la violence luthérienne, lorsqu’il rencontre, dans ses commentaires évangéliques, le texte célèbre de Luc : « Quant à ce que les docteurs qu’on appelle de droit canon tirent de ce passage, que les évêques cornus ont double juridiction. c’est non seulement une allégorie inepte, mais une moquerie détestable, laquelle ils dégorgent à lin contre de la parole de Dieu. Mais il a fallu que les suppôts de l’Antéchrist soient tombés jusqu’en celle forcenerie, de fouler ouvertement les saints oracles de