Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/658

Cette page n’a pas encore été corrigée

2 743 POUVOIR DU PAPE. LA CHRETIENTE MEDIEVALE, XIV* SIÈCLE 2744

raie non recipit esse a spiritual/, nec virtutem qua est ejus auctorilas, nec eliam operalionem simpliciter, sed bene ab eo recipit ut virtuosius operetur per lucem graliæ quant in cxlo et in terra beuedietio siuwni ponti/icis infundit illi. Ibid., 4, p. 103. La place que le Florentin accorde au pape dans son système politique, pour n’être pas celle que lui assignaient les apologistes de Boniface VIII, reste encore considérable. Ce ne sera point la dominât ion immédiate sur le temporel ; ce sera pourtant une réelle suprématie, à laquelle l’empereur ne devra pas se dérober : llta igitur reverentia Ceesar utatur ad Petrum qua priniogenitus ftlius débet uli ad patrem, ut luee paternes gratiee illuslralus virtuosius orbem terres irradiet, cui ab illo solo preefeclus est qui est omnium spirilualium et lemporalium gubernator. Ibid., 16, p. 140.

Visiblement, cette philosophie politique rejoint celle que professaient en France Jean de Paris et les théologiens nationalistes comme Lupold de Bebenburg ( ; 1363) en Allemagne. Comme Dante, ce dernier est un impérialiste ; s’il soutient la cause de Louis de Bavière, c’est avec une modération qui le sépare nettement du radicalisme de Marsile de Padoue comme du nominalisme aventureux d’Occam ; chez lui, le théologien reste attaché aux thèses de l’ecclésiologie traditionnelle ; mais le juriste l’emporte pour revendiquer l’indépendance politique de l’empire et en général de tous les États.

2. En France.

C’est surtout en France que fleurit l’école moyenne. Déjà l’auteur de la Quæslio in utramque parlem est remarquable par la modération, non seulement de son langage, mais encore de sa doctrine : quel que soit l’objet en discussion ou en litige, debent duæ potestates remanere distinctes sicut sunt diuinilus institules. Quæslio, art. 2, éd. Goldast, Monarchia, t. ii, Francfort, 1668, p. 99. Il exploite à son profit l’exégèse des deux glaives, l’exemple du Christ et des apôtres, les conseils de saint Bernard au pape Eugène III, la supériorité du sacerdoce dans la nouvelle Loi, l’autorité des papes Gélase I effet Innocent III. Il sait déjà distinguer les causes purement spirituelles de celles qui sont purement temporelles, causes feudales et causes sanguinis et hujusmodi, relevant du pouvoir civil immédiate et principaliter, enfin les causes mixtes, causes temporales ques connexionem quamdam habent cum spirilualibus. La ratio peccati qui peut s’y introduire justifie l’intervention du pape, mais seulement par voie indirecte.

A peine peut-on relever dans ce petit écrit une tendance à une sorte de gallicanisme avant la lettre, simple effet des controverses du moment. Le dominicain Jean de Paris (Jean Quidort, t 1306), penseur plus vigoureux, nourri d’Aristote et de saint Thomas, se libère davantage de ces contingences, pour exposer une doctrine méthodiquement ordonnée dans son De potestate regia etpa ali. S’il prend parti contre 128 vaudois, il s’oppose aussi à Gilles de Borne et à son école, et prétend tenir le vrai et juste milieu : scilicet quod preslatis Ecclesies non répugnât habere dominium in lemporalibus et jurisdiclionem… Nec debetur eis per se ralione sui status et rutionc qua sunt vicarii Jesu Christi et aposlolorum successores ; sed eis convenire potest habere talia ex concessione et permissione principum, si ab eis ex devotione aliquid fuerit collatum eis, vel si habuerint aliunde. Op. cit., proœmium, dans Goldast, op. cit., t. ii, p. 109.

Les deux glaives évangéliques ne trouvent pas Jean de Paris au dépourvu ; il en cite les interprétations symboliques, si diverses dans la tradition, et il poursuit : > Étant admis que, …par ces deux glaives, on entend mystiquement les deux puissances, cette interprétation est en faveur de notre thèse ; il y avait bien deux glaives, en effet, mais Pierre n’en a gardé qu’un :

seul en sa possession. » On peut même admettre que les deux appartenaient aux apôtres ; « mais l’un leur appartenait per se, c’est celui qu’ils ont reçu du Christ ; l’autre leur appartenait aptitudine, parce que rien ne s’y oppose et qu’il devait leur être confié plus tard, par mandat et permission des princes. » Le commentaire de saint Bernard sur le fameux texte ne le gêne guère : dictum hoc non est magnes auctorilatis, prononce-t-il, et il affirme que « le seigneur pape n’a pas l’un et l’autre glaive ni une juridiction sur le temporel, à moins que le prince ne la lui concède par dévotion ». Ibid., 19, p. 135 ; 10, p. 118-120. Et, reprenant la doctrine traditionnelle de l’École sur l’origine du pouvoir, notre dominicain a cette affirmation très claire : Poleslas regia nec secundum se nec quantum ad execulionem est a papa ; sed est a Deo et a populo regem eligente in persona vel in domo. Dans les cas d’interférence, dans les causes mixtes, la distinction des deux puissances doit persister ; en effet, voluil (Deus) istas potestates esse distinclas re et subjecto… ut propter muluam ihdigentiam et subminislralionem membrorum Ecclesies dileclio et carilas servenlur… dum princeps indigel sacerdote in spirilualibus ete converso sacerdos principe in lemporalibus. Quod non essel, si unum ulrumque habcret.Ibid., 10, p. 119. Et ici Jean de Paris rend à l’abbé de Clairvaux son autorité : « Bernard dit que le pape a le glaive matériel in nulu ; ubi innuit papa propter necessitatem boni spiritualis, imperalor débet exercere jurisdiclionem sescularis potestatis ; mais s’il ne le veut pas, ou s’il ne le juge pas expédient, le pape n’a rien d’autre à faire, parce qu’il n’a pas le glaive in jussu, mais seulement l’empereur. » Ibid., 11, p. 121.

Jean de Paris, en effet, , n’accorde au pape, en fait de pouvoir coercitif ordinaire, que le droit de porter des peines spirituelles ou des censures canoniques ; il n’a pas à connaître de peccalo in lemporalibus nisi sub conditione et per accidens, mais seulement de peccalo opposilionis seu erroris, qui compromet gravement la foi ou la morale, dont il est le gardien suprême. Si les censures sont sans effet, et inutiles toutes les monitions, le pape agira sur le peuple, au besoin par la menace de l’excommunication, pour obtenir la déchéance d’un prince coupable.

La justification de ces interventions, Jean de Paris la trouve dans la supériorité du spirituel sur le temporel et dans la métaphysique aristotélicienne de la cause finale ; c’est toujours en vertu de son autorité proprement religieuse que le pape exerce cette action régulatrice et c’est à la conscience du souverain ou des sujets qu’elle s’adresse : Nec eum (regem) dirigil (papa) per se ut rex est, sed per accidens in quantum convenu regem fidclem esse, in quo inslruitur a papa de fide et non de regimine… El ila débet concludi quod potestas lerrena est a Deo immédiate, liccl ipsa ad bealam vitam dirigatur per potestatem spiritualem. Ibid., 18, p. 132.

Bien en tout cela que de parfaitement orthodoxe, en dépit d’une ecclésiologie entachée par ailleurs des théories conciliaires, épiscopaliennes, voire presbytériennes, qui vont bientôt être débattues.

Une glose anonyme de la bulle Unam sanctam, contemporaine du traité de Jean de Paris, se préoccupe pareillement de réagir contre les théories extrêmes. Si l’auteur affirme la distinction des deux pouvoirs, il proclame la primauté du spirituel. Mais peut-être avons-nous ici des précisions moindres quant au rôle de direction attribué au pape à l’égard du temporel ; notre glossateur ne paraît pas avoir envisagé d’autres conséquences des peines spirituelles que les effets ordinaires de l’excommunication et il s’abstient d’aborder le cas de la déposition du souverain. L’action de l’Église sur la société civile lui paraît devoir résulter logiquement de son ministère ordinaire et de son action sur les consciences individuelles : preedicare,