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avait eu vent des instructions remises aux légats : « Je ne puis être jugé par vous, dit-il, parce que vous n’avez pas été envoyés pour être mes juges s, Non judicor quia judices missi n<m estis. Tout au rebours, le basileus, Bardas, le concile déclarèrent reconnaître les légats pour juges. A la quatrième et dernière séance, après que l’on eut renouvelé cette déclaration, le procès fut définitivement clos. Il fut prouvé par témoignages qu’Ignace était devenu patriarche sans élection régulière ; que, d’autre part, il avait procédé en dehors du droit contre Grégoire Asbestas et deux autres évêques. Finalement, la déposition d’Ignace fut prononcée. Sur l’ordre des légats, un sous-diacre procéda à la dégradation solennelle du condamné. « Longue vie au pape Nicolas, s’écria tout le synode ; longue vie au patriarche Photius ; longue vie aux apocrisiaires du pape. » Plus touchante unanimité ne se pouvait imaginer. L’entente entre l’Ancienne et la Nouvelle-Rome paraissait plus solide que jamais. D’autant que, un certain temps après, Bardas aurait fini par obtenir d’Ignace un semblant d’acquiescement aux décisions conciliaires, ce qui permettait de lui laisser une liberté relative. L’affaire si laborieuse de l’élection de Photius semblait définitivement liquidée.

/II. ROUE PREND POSITION CONTRE PHOTIUS. — Or, le triomphe remporté par Photius à ce concile de 861 (celui que les canonistes grecs appellent le synode premier-deuxième) serait une victoire sans lendemain. A peine les légats sont-ils rentrés à Rome que leur conduite est désavouée. La curie prend, à l’endroit de Photius, une attitude de plus en plus défavorable ; tout se prépare pour une rupture.

1° Désaveu par Nicolas I er de la conduite de ses légats.

— Zacharie et Radoald rentrèrent à Rome à l’automne de 861. Ils étaient bientôt suivis par une légation impériale qui apportait au pape les actes du concile qui venait de se tenir : la première partie contenait les procès-verbaux des séances dont nous avons parlé ; la seconde, dont il ne reste plus que les canons, était relative aux mesures prises contre l’ieonoclasme et pour le rétablissement de la discipline ecclésiastique. Deux lettres y étaient jointes : l’une du basileus (non conservée, cf. Dôlger, n. 460) qui expliquait à sa manière les résultats du concile ; l’autre de Photius. Epist., i. 2, P. G., t. en, col. 593-617 ; Valettas, n. 3.

Cette longue épître débutait par un bel éloge de la charité fraternelle. Cette charité faisait prendre en bonne part à Photius les termes de la première lettre qu’il avait reçue du pape. La charité toutefois n’interdisait pas la liberté et la franchise du langage. Il allait donc exposer au pape comment, d’ores et déjà, se présentait la situation. Rappelant son curriculum vitse, il répétait qu’on l’avait arraché, contre sa volonté, à une vie de labeur et d’étude. Si les canons avaient été violés, c’était par ceux qui l’avaient appelé, lui néophyte, au siège patriarcal. Ces canons, d’ailleurs, qu’invoquait la curie romaine, l’Église de Constantinople ne les recevait pas ; il n’y avait là qu’un cas particulier de la divergence entre les législations canoniques de l’Occident et de l’Orient. En esprit de paix, le synode avait accepté pour l’avenir la loi qui empêchait dorénavant l’ordination des néophytes. Mais il ne pouvait être question de donner à cette loi un effet rétroactif ; si, à l’heure présente, Photius, pour s’y conformer, descendait d’un siège, dont la possession n’avait certes rien d’enviable, il remettrait en question la légitimité de ses prédécesseurs. La lettre s’achevait en mettant le pape en garde contre les gens qui pourraient venir à Rome clabauder contre Constantinople. Gardien des canons, le pape devait les respecter le premier, c’est le propre de ceux qui sont chargés de commander. On prendra donc soin, à la curie romaine, de ne recevoir que des gens munis des lettres de recom mandation de leurs supérieurs respectifs. C’était le moyen le plus sûr d’empêcher des frictions entre les deux sièges.

Cette dernière recommandation n’était pas superflue. Au moment même où Photius écrivait ces lignes, l’archimandrite Théognoste se mettait en route pour Rome, porteur de l’appel interjeté devant Nicolas par le patriarche dépossédé.

Cet appel dut mettre quelque temps pour arriver a Rome.. Il ne semble pas, quoi qu’en pense Aristarchos, que ce soit lui qui ait déterminé la première réaction pontificale. L’examen des actes du synode constantinopolitain suffisait à révéler l’irrégularité de la procédure. En interrogeant les deux légats, on pouvait se rendre compte mieux encore de ce qui s’était passé sur les rives du Bosphore. Aussi le synode romain, tenu au mois de mars 862, et auquel assistèrent les représentants du basileus, annula-t-il purement et simplement la procédure dirigée contre Ignace par Radoald et Zacharie ; le pape n’acceptait pas la démission extorquée à Ignace. C’est ce qu’expliquèrent à Photius et à Michel deux lettres qui sont de capitale importance ; elles sont datées du 18 mars de la Ne indiction (1 er sept. 861-31 août 862). Jaffé, n. 2691, 2692.

S’adressant au patriarche, le pape commençait par se recommander de son titre de vicaire de Pierre, d’héritier de la primauté conférée à celui-ci par le Christ. A cause de cette primauté, l’ensemble des croyants vient demander à l’Église romaine, tête de toutes les Églises, les directions doctrinales ; mais cette primauté implique aussi que les décisions prises par le pape de sa pleine autorité ne peuvent être contestées, même en matière disciplinaire. Les précédents allégués par Photius pour légitimer son ascension trop rapide à la dignité patriarcale n’ont pas d’application dans le cas présent : un double empêchement s’opposait à l’élévation de Photius, sa qualité de néophyte, mais le fait aussi que le trône patriarcal n’était pas vacant. Que Photius n’excipe pas de la diversité des deux législations occidentale et orientale ; il devrait connaître les règles canoniques qu’il prétend ignorer. En tout état de cause, le pape se refusait à sanctionner le jugement porté au concile de Constantinople ; il n’entendait pas condamner Ignace avant d’avoir tiré au clair toute son affaire. — C’était la même décision que Nicolas signifiait au basileus : nec venerabilem Ignatium patriarcham in aliquo damnamus, écrivait-il, neyue Photium quolibet modo suscipimus. — On remarquera la position prise par Nicolas. Il n’est pas encore parlé, dans ces deux lettres, d’une condamnation portée contre Photius ; la question paraît encore entière ; seule est cassée la sentence portée par les légats romains au synode de Constantinople.

Or, le même jour où il signait ces deux lettres, Nicolas en signait une troisième adressée aux autres patriarcats orientaux. Le ton en est bien différent. Jaffé, n. 2690. Après avoir exposé sommairement l’état de la question, le pape déclarait que l’Église romaine n’avait pas rejeté Ignace, que ses sévérités allaient au contraire au scélérat Photius : sed magis repulso a sacro Ecclesiee viscère pervasore conjugis viri vivenlis scelestissimo Photio. Ce considérant, du reste assez peu juridique, aboutissait finalement à une décision’analogue à celle que mentionnent les deux lettres envoyées à Constantinople : Jusqu’à nouvel ordre et à plus ample informé, c’est Ignace qui est considéré par Rome comme le véritable patriarche, et les Églises d’Orient devront régler leur conduite sur cette décision de l’Église romaine. Cette lettre, beaucoup plus dure que les deux précédentes, montre qu’en mars 862 le pape a commencé à prendre position. Il soupçonne que la déposition d’Ignace a été une injustice, il refuse de l’approuver ; le fait que Photius s’en est rendu com-