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POU VI) lit DU PAPE EN MATIÈRE TEMPORELLE

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sein même de l’État, il j a place pour d’autres souverainetés. La Société des nations n’a telle pas prétendu limiter le pouvoir de l’État jusque dans sa prérogative essentielle. le droit de guerre ? (et voilà qui détruit la plus singulière objection dirigée contre la souveraineté du Saint-Siège, du Saint-Siège dépoim u du droit de guerre, considéré comme la manifestation suprême de la souveraineté). One dire de la puissance qui siège au Vatican depuis des siècles ?

2. Ensuite il apparaît de plus en plus qu’il existe une souveraineté autre que la souveraineté territoriale, nationale ou politique. Et c’est bien celle-là que revendique d’abord le Saint-Siège, aujourd’hui plus et mieux que jamais, en se plaçant délibérément en dehors de toutes les compétitions ou alliances entre Ëtats. A ce titre, il n’y a point de nationalité vaticane proprement dite ; le mot n’est pas dans le traité. Alors que l’idéal du droit international serait que tout homme ait une nationalité et n’en ait qu’une, tout le monde est d’accord pour admettre que la citoyenneté vaticane n’abolit pas la nationalité d’origine.

3. Avant 1870, il y avait des États de l’Église, qui, comme États, étaient « à l’alignement » avec les autres États, régis, comme eux, par le droit international commun, soumis aux mêmes vicissitudes de la politique internationale. Le pape était prince temporel dans toute l’acception ordinaire du terme, en même temps que souverain pontife de l’Église catholique ; et déjà sa souveraineté temporelle n’était pas purement et simplement territoriale, elle débordait sur tout le monde civilisé.

A présent, il y a encore un État, certes, mais un État plus évidemment sui generis.

Il apparaît d’abord comme un emplacement, pourvu de l’exterritorialité et de l’immunité diplomatique, une enclave qui permet l’installation des services centraux du gouvernement ecclésiastique, et qui, de plus, se trouve soustraite à la domination de tout État national : voilà qui recouvre adéquatement l’exemption, l’immunité canonique, réclamées par le droit public de l’Église.

Cette conception s’apparente à celle qui a prévalu aux États-Unis d’Amérique dans la création du district fédéral de Colombie, qui est une enclave entre les États, un emplacement des services centraux de la Confédération.

Toutefois, il s’en faut qu’il y ait parfaite identité. La Cité du Vatican est une institution très particulière, tout entière au service d’une institution plus haute à laquelle elle sert de point d’attache, de racine dans le monde, mais dont l’activité la déborde et s’étend par tout l’univers ; c’est bien ainsi une « spiritualisation de la souveraineté », qui se trouve cadrer au mieux avec les conceptions les plus récentes du droit, avec la théorie institutionnelle, comme avec les thèses fondamentales de la théologie. Mais, à la différence du district fédéral de Colombie, la Cité du Vatican est, en droit comme en fait, un État, un État sui generis, mais un État.

Pour que soit rendue incontestable la souveraineté temporelle du pape, même pour ceux qui n’en admettraient pas l’existence sans une possession territoriale et sans la constitution d’un État indépendant, le traité du Latran prétend couper court à toute controverse plausible sur ce point (préambule et art. 3) : d’accord avec le gouvernement italien, le Saint-Siège a su et voulu créer un État véritable au regard du droit international le plus exigeant.

En effet, la Cité du Vatican doit avoir tout ce qui normalement est requis à l’existence d’un État, non seulement le territoire (dont les dimensions minuscules n’ont évidemment rien à voir à l’affaire), mais encore la population, le régime législatif et judiciaire,

les autorités, la force et les services publics, la condition internationale. Tel est le droit. En l’ait, il faut ajouter que le fonctionnement de la Cité du Vatican a rendu plus certains tels ou tels caractères étatiques que plusieurs juristes, dont le texte seul du traité ne parvenait pas à dissiper les doutes, avaient cru fictifs ou illusoires avant l’entrée en vigueur des accords de 1929. Les réalisations constatées dans l’organisation du nouvel État ne leur permet lent plus un tel scepticisme, celles-là surtout, comme les conventions internationales relatives à la radiodiffusion et au droit privé aérien, qui supposent des rapports temporels entre États.

Que le traité du Latran n’ait pas été présenté à Genève, aux fins d’enregistrement, parl’Italie, membre de la Société des nations, ce fait n’entraîne d’autre conséquence juridique que celle-ci : en cas de litige sur l’interprétation du traité, les signataires ne pourront recourir à aucune des procédures de règlement dont Genève est le centre. Mais précisément les deux puissances contractantes se sont volontairement privées de ce recours, l’Italie, parce qu’elle entend que toujours ce problème demeure italien, le Saint-Siège, parce qu’il ne se départ point de l’axiome : Prima Sedes a nemine judicatur. « Tant vaudra l’Italie, tant vaudra le traité », dit un axiome courant depuis l’acte mémorable du 1 1 février 1929 ; Pie XI répond : « Que sera demain ?… Nous n’en savons rien. L’avenir est dans les mains de Dieu, et doncen de bonnes mains. » Discours adressé, le 9 mars 1929, au corps diplomatique, Acla. ap. Sed., t. xxi, p. 105.

II. LE POUVOIR DU PAPE EN MATIÈRE TEM-PORELLE. — Il ne s’agit plus, dans cette seconde section, d’un pouvoir pontifical se réalisant, au regard du droit des gens, par une institution juridique de souveraineté sui generis ou par un principat civil et politique proprement dit, mais d’un pouvoir découlant logiquement de la juridiction spirituelle du pontife romain et créant chez tous les fidèles une obligation stricte d’obéissance hiérarchique, même lorsque les activités individuelles ou sociales de ceux-ci s’exercent en matière temporelle.

Nécessairement, les circonstances qui intéressent l’homme tout entier, corps et âme, sont multiples ; nécessairement, les fidèles de l’Église sont en même temps les sujets d’un Etat. Le surnaturel n’est pas séparé de la nature, le spirituel se trouve toujours mêlé au temporel. Eh conséquence, et sous peine de se cantonner dans l’absolu et dans l’abstrait, l’Église doil, pour accomplir sa divine mission envers les destinées humaines, entrer dans la mêlée, se rappelant qu’elle est le sel de la terre et la lumière du monde et qu’elle doit enseigner, décider, approuver ou condamner, au nom du Dieu qui ne passe pas, les hommes et les sociétés qui se succèdent sur la terre, et qui se meuvent dans le relatif et le concret.

Comment faut-il entendre ce pouvoir en matière temporelle, et d’abord, comment s’est-il réalisé dans l’Église et dans son chef, le pontife romain, tel est l’objet des pages qui vont suivre.

I. Les dix premiers siècles. IL Le Moyen Age, Xe xv e siècle (col. 2713). III. Les temps modernes, xvi « xx c siècle (col. 2752). IV. Conclusions (col. 270*’.

1. Les dix i’hemiers siècles.

« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu > ; aussi bien « mon royaume n’est pas de ce monde », avait dit le Sauveur. Malth., xx, 21 ; Joa., XVIII, 36. Mais encore avait-il ajouté : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre… Allez donc, … comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie. » Mattli., xxviii, 18, et Joa., xx, 21. Il avait dit : « Tu es Pierre…, ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel, ce que lu délieras sur la terre sera délié dans le ciel », Matth., XVI, 18-19 ; et