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POUVOIR TEMPOREL DU PAPE. LA RUINE


de la ville et dont la Loi des garanties n’avait ensuite voulu rien dire. Mais le président du Conseil italien opposa son veto, en déclarant qu’un tel accord ne serait jamais accepté par le parlement et compromettrait l’avenir de la dynastie. « Lorsqu’il soupçonna sa mort prochaine, vers L901, le pape remit à Mgrvngeli, un pli… L’enveloppe contenait un écrit à lire dans l’une des premières réunions du conclave et qui était l’apologie de la conduite tenue par le souverain pontife à l’égard de l’Italie. Léon XIII s’y élève avec force contre toutes les tentatives qui ont été faites pour le contraindre à accepter des accommodements dont le but réel n’était autre que de le réduire à une véritable dépendance. De la coexistence, à Home, du pouvoir civil et du pouvoir pontifical, il déclare appréhender une sorte d’ « italianisation de la papauté « qui serait une calamité redoutable. Il se formerait autour du pape une ambiance à laquelle il ne pourrait que difficilement se soustraire ». E. Renard, Le cardinal Mathieu, P ?ris. 1925. p. 369.

b) Pie X, dans sa première encyclique E supremi apestolatus, du 4 octobre 1903, rappelle brièvement et discrètement le principe : « Il sera manifeste à tous, dit-il, que l’Église, telle qu’elle fut instituée par Jésus-Christ, doit jouir d’une pleine et entière liberté et n’être soumise à aucune domination humaine, et que Nous-même, en revendiquant cette liberté, non seulement nous sauvegardons les droits sacrés de la religion, mais Nous pourvoyons aussi au bien commun et à la sécurité des peuples. » Le Livre blanc sur la séparation de l’Église et de l’État en France (1905) est plus explicite encore. Il contient la protestation motivée contre la visite officielle de M. Loubet au Quirinal (doc, xxvi) ; mais on peut y lire, en outre, un exposé succinct de la doctrine catholique sur le pouvoir temporel du Saint-Siège (doc. vin).

c) En dépit des incartades de quelques publicistes, Curci ou autres, préconisant des solutions prématurées ou inacceptables de la question romaine, c’est toujours, en substance, la même doctrine que professent, unanimement les théologiens. Ainsi Billot (+ 1931) : Qucd summus pentifex de jure divino habet plenam et absolulam ab omni jurisdiclione sœculari exemptionem. Et quod hsec exemplio convenienti et regulari modo acluari non poluit, prsesertim post romani imperii dislocationem, ejusdemque in multa régna divisionem, nisi medianle civili principalu quo ab antiquo, previdente Deo, Sedes apostolica potita est. Et Billot de préciser que, s’il ne s’agit pas ici de jus divinum positivum, i) s’agit tout au moins de jus divinum naturelle : qualenus, supposita dignitate supernaturali a Deo pontifia collala, immunitatis privilegium secundum rectum rationem necessario ex ea consequi ostenderetur : siquidem ab eo a quo est forma, ab eodem etiam sunt quæ naturaliler et per se conscquuntur ad jormam. Porro, hoc secundo saltem mrdo, de jure divino esse immunilalem ponlifuium, concors est omnium theologorum et canonistarum sentent ia. Tractatus de Ecclesia Christ i, t. n., th. xx, § 1.

2. Cependant, les faits ont-ils justifié l’attitude protestataire des papes et le mot si fréquemment répété par Léon XIII : sub hostili potestate conslitus ? On ne pi ut le nier. Et d’abord en Italie et à Rome même, un anticléricalisme agressif se donne libre carrière : en 1881, les restes de Pie IX, transférés du Vatican, à Saint-Laurent-hors-les-Murs, sont l’objet des insultes de la populace ; en 1882, le centenaire des Vêpres siciliennes est célébré à grand renfort de manifestations contre la papauté ; en 1889. l’érection, à Rome, du monument de Giordano Bruno déchaîne les passions irréligieuses, qui, d’ailleurs, se traduisent, cette même année, dans le Code italien, par des dispositions qui abolissent implicitement et pratiquement la Loi des

garanties, et bientôt par la confiscation des biens des œuvres pies. Il y eut bien d’autres incidents significatifs, dont le plus caractéristique fut peut-être ce procès intenté au Saint-Siège par l’architecte Martiniani, pour lequel les tribunaux italiens se déclarèrent compétents (1882), tandis que le secrétaire d’État rédigeait un mémoire de protestation où, écartant formellement le statut légal de 1871, il revendiquait l’existence, en l’ait comme en droit, de la juridiction et de la souveraineté pontificales. Il y eut des tracasseries quotidiennes de la presse et du pouvoir, des attentats perpétrés dans l’ombre contre la liberté de la correspondance du Vatican. La situation fut à ce point tendue, sousLéon XIII, vers 1887, que le pape songea sérieusement à quitter Rome.

La situation s’améliora quand la maison de Savoie sentit le besoin qu’elle avait de l’Église. Après s’être servie des forces révolutionnaires et hostiles au Saint-Siège, pour faire l’unité italienne, elle en était demeurée la prisonnière, et la nation entière fléchissait sous la poussée continue des partis subversifs. Les catholiques, tenus à l’écart de toute activité politique, s’étaient organisés sur le terrain social et constituaient une réserve précieuse : Pie X la mit au service du bien public en levant le Non expedit porté par Pie IX et maintenu par Léon XIII. Dès lors se produisit un apaisement progressif, que la guerre de Libye, les entreprises coloniales, et surtout la Grande Guerre devaient accentuer. Benoît XV ayant continué le geste de Pie X, les catholiques groupés dans le parti populaire italien devinrent vite un des éléments les plus importants de la vie nationale.

3. Mais, sur le terrain du droit international, une évolution non moins remarquable se produit. Au lendemain de l’annexion de Rome, avant même que soit promulguée la Loi des garanties, l’Italie tient à rassurer les chancelleries, en déclarant « que le monde catholique ne sera pas menacé dans ses croyances par l’achèvement de notre unité. … La grande situation qui appartient personnellement au Saint-Père ne sera nullement amoindrie… » Dépêche de Visconti-Venosta, min. des Afl. étrang., 18 octobre 1870.

Cette promesse est réalisée à la lettre, et moins par l’Italie que par les autres nations. Les chefs d’État continuent à prévenir le pape de leurs démarches de courtoisie ; partout leurs ambassadeurs cèdent le pas à ses nonces ; le corps diplomatique accrédité au Vatican est toujours composé d’agents parvenus au plus haut grade de la carrière et, surtout, chaque fois que sont modifiées les limites des états, le sort des peuples qui ont des éléments catholiques ne se règle définitive ment que par un recours au Saint-Siège. Pour le Maroc, dans le traité franco-espagnol, la République française essaiera bien de se décharger sur l’Espagne seule du soin de ce règlement ; elle n’obtiendra la solution des difficultés pendantes qu’après une entente directe avec le souverain pontife. Bien plus, on voit Léon XIII choisi par l’Allemagne et l’Espagne comme arbitre dans un conflit relatif aux îles Carolines. A ce propos, Guillaume I er fait déclarer par la Gazette de la Croix qu’il s’est adressé au pape comme à un souverain, « dignité que l’histoire et le droit lui reconnaissent depuis des siècles » ; et cet arbitrage du souverain pontife n’est pas demeuré unique, il s’est renouvelé à plu sieurs reprises.

a) Cependant, il faut avouer que, de 1870 à 191 I, l’attitude des chancelleries à l’égard du Saint Siège fut loin d’être constante ; à la veille de la Grande Guerre, nombreux étaient les États qui avaient cesse de prendre le chemin du Vatican ; et c’est un remarquable résultat du douloureux pontificat deBenoît XV que des relations diplomatiques aient été nouées ou renouées avec le pape par tant de nations diverses. Ou