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    1. POUVOIR TEMPOREL DU PAPE##


POUVOIR TEMPOREL DU PAPE. LE DECLIN

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Pierre, et l’acte du 9 juin 1815 contient, en outre, les clauses suivantes : « Les Marches, avec Camerino et leurs dépendances, ainsi que le duché de Bénévent et la principauté de Ponte-Corvo seront rendus au Saint-Siège. Il rentrera en possession des légations de Ravenne, de Bologne et de Ferrare, à l’exception de la partie de Ferrare, située sur la rive gauche du Pô. » Mais les diplomates autrichiens, qui n’ont rien oublié des droits des couronnes, rien non plus des prétentions surannées de leur maître, obtiennent que soit ajoutée cette disposition chicanière : « Sa Majesté impériale et royale apostolique et ses successeurs auront droit de garnison dans les places de Ferrare et de Comacchio. »

Pourtant, la souveraineté temporelle du pape est officiellement reconnue et, en 1823, le prêtre apostat espagnol Llorente († 1823) se voit expulser de France, pour avoir publié son ouvrage en deux volumes : Portraits politiques des papes, considérés comme princes temporels et comme chefs de l’Église (1822). Au contraire, l’ouvrage fameux de Joseph de Maistre († 1821), Le pape (1819), justifie éloquemment, au nom de l’histoire et de la philosophie, le principat civil du Saint-Siège.

2° D’une révolution à l’autre (1831-1849). — Avec le mouvement révolutionnaire de 1830, l’action subversive des carbonari et autres membres des sociétés secrètes se développe dans les États de l’Église ; les nations catholiques en profitent pour s’ingérer dans le gouvernement pontifical qu’elles ont secouru.

1. Le règne de Grégoire XVI (1831-1846) s’ouvre au milieu des orages ; l’ordre rétabli, un mémorandum de la diplomatie européenne l’invite à donner à son peuple des réformes et des institutions libérales. De 1843 à 1845, de nouvelles révoltes éclatent, qu’il faut réprimer par la force.

2. Pie IX (1846-1878) accorde une large amnistie, donne ou prépare des réformes excellentes et promulgue, le 14 mars 1848, un « statut fondamental » qui est une charte constitutionnelle relativement libérale. On connaît la suite : Mazzini, chef révolutionnaire de la « Jeune Italie », organise « une émeute permanente, l’émeute des ovations » ; l’assassinat du ministre Rossi (15 sept. 1848) et les hideux désordres qui le suivent déterminent le pape à quitter Rome, pour se réfugier à Gaéte, en réclamant l’intervention des puissances. La République romaine est proclamée avec la déchéance du pape-roi. L’Autriche occupe les Légations, une armée française reprend Rome aux bandes de Mazzini et de Garibaldi et Pie IX rentre dans sa capitale (12 avril 1850). La IIe République française a réparé l’attentat de la I re.

3. Cependant, les doctrines libérales qui, au lendemain de la révolution de juillet, avaient envahi tous les terrains, s’emparent de ce qui bientôt sera la question romaine.

Le sulpicien Gosselin († 1858) réédite en 1845 son ouvrage paru en 1839, après en avoir considérablement augmenté le contenu et le titre : Pouvoir du pape au Moyen Age, ou recherches historiques sur l’origine de la souveraineté temporelle du Saint-Siège et sur le droit public au Moyen Age relativement à la déposition des souverains. Cet ouvrage connaîtra plusieurs rééditions et traductions ; il fournira des armes aux polémistes qui prendront la défense du pape-roi : M{.r Dupanloup, dans son livre De la souveraineté temporelle du pape (1848), Montalembert et Falloux dans leurs discours à la tribune sur les affaires de Rome (1848-1849). Thiers lui-même le proclamait avec eux, « l’unité catholique, qui exige une certaine soumission de la part des nations chrétiennes, serait inacceptable, si le pontife qui en est le dépositaire n’était complètement libre et indépendant, si, au milieu du territoire que les siècles lui ont assigné, que toutes les nations lui ont main tenu, un autre souverain, prince ou peuple, s’élevait pour lui dicter des lois. Pour le pontificat, il n’y a d’indépendance que la souveraineté même ; c’est là un intérêt de premier ordre, qui doit faire taire les intérêts particuliers des nations, comme dans un État l’intérêt public fait taire l’intérêt particulier. » Rapport à l’Assemblée nationale, 13 oct. 1848.

3° La ruine du pouvoir temporel (1850-1870). — Pie IX, devenu plus circonspect, s’en tient désormais aux réformes administratives.

1. Le Piémont n’en poursuit pas moins une politique réfléchie contre la souveraineté pontificale, qu’il présente comme une institution vieillie, en contradiction flagrante avec la civilisation moderne. Allié sournois de Garibaldi et de Mazzini, se servant, pour mener son jeu, des doctrines et des efforts de la « Jeune Italie », du Risorgimento et du libéralisme italien, Cavour gagne la complicité tacite de Napoléon III. Les attaques de la presse officieuse française contre la politique papale, l’exploitation haineuse de l’affaire Mortara, montrent à l’évidence où veulent en venir agitateurs et diplomates : la belle campagne de l’Univers ne manque pas de le souligner.

Après la guerre d’Italie (1859), il est d’abord question d’organiser une confédération italienne, dont la présidence honoraire serait dévolue au pontife romain, qui introduira dans ses États les réformes nécessaires. Bientôt, c’est le Piémont qui remplace l’Autriche dans l’occupation des Romagnes, non pas en protecteur, mais en conquérant, après sa honteuse victoire de Castelfidardo (1860).

2. Des brochures, Napoléon et l’Italie (févr. 1859)’, Le pape et le congrès (déc. 1859), La France, Rome et l’Italie (1861), rédigées par le vicomte de La Guéronnière et inspirées par Napoléon III, prétendent, au nom du principe des nationalités et des libertés, amener Pie IX à se contenter de Rome et de la campagne voisine, ou, comme on l’a dit « réduire le Saint-Père à la vigne de Naboth, sans réprimer chez ses voisins les convoitises d’Achab ». Pierre de La Gorce, Hist. du second Empire^ t. iii, p. 17. E. About et John Lemoinne mènent le chœur des pamphlétaires qui commentent les brochures officieuses, tandis que les pastorales des évêques du monde entier, les livres ou articles de Crétineau-Joly, Gorini, Ventura, Falloux, Poujoulat, Montalembert, Balmès, Dôllinger, etc., défendent les droits du Saint-Siège. Louis Veuillot se distingue parmi les publicistes, avec ses ouvrages : De quelques erreurs sur la papauté (1858), Le pape et la diplomatieet Le guêpier italien (1861). Pavy, Gerbet, Parisis, Donnet, Pie, Dupanloup sont à la tête des évêques français, le dernier surtout, avec son célèbre traité : La souveraineté pontificale selon le droit catholique et le droit européen (1860), qui comprend un triple exposé doctrinal, historique et polémique. Cependant, en Italie, tandis que la Civiltà catlolica tient ferme, des prêtres ou des religieux, comme Gioberti, Rosmini-Serbati, Mongini, Reali, Passaglia, Liverani, Curci, ont peine à se dégager des conceptions ou des utopies qui sacrifient ou accommodent le pouvoir temporel à l’unité italienne.’3. Pie IX, néanmoins, n’a pas cessé d’affirmer lui-même la nécessité de l’indépendance du pontife romain : « Il est évident, dit-il, le 20 avril 1849, que les peuples, les rois, les nations ne se tourneront jamais vers l’évêque de Rome avec pleine confiance et dévotion, quand ils le verront sujet d’un souverain ou d’un gouvernement et ne le sauront pas en pleine possession de sa pleine liberté. Car, alors, ils pourront toujours soupçonner et toujours craindre que le pontife, dans ses actes, ne subisse l’influence du souverain et du gouvernement sur le territoire desquels il demeure. Et, sous ce prétexte, il arrivera souvent que les déterminations du pape ne seront pas obéies. » Allocution