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PHOTIUS. HESITATIONS DE ROME


circonstances, le « fait du prince » avait tout couvert et l’on avait pu donner aux choses, ultérieurement, une apparence de légalité. Jean le Grammairien, accusé et convaincu de crime, avait été régulièrement déposé ; Nicéphore avait donné sa démission.

On s’explique assez bien, dès lors, que, devant les instances qui lui furent faites. Photius, comme dit Nicétas, P. G., t. cv, col. 512, « n’ait pas refusé l’Église qui indûment lui était offerte ». A tout prendre, il y avait à jouer, à Constantinople, un rôle de pacificateur, où l’intelligence, les connaissances acquises aussi pouvaient être d’un grand secours. Photius, à coup sûr, ne sous-estimait pas ses qualités personnelles : il était savant en théologie plus qu’aucun de ses contemporains, il était éloquent, la pratique des affaires civiles lui avait donné une grande habitude des hommes. Il ferait, en somme, un patriarche tout aussi convenable que nombre des anciens titulaires de Constantinople. Il accepta.

Restait à s’arranger de la résistance d’Ignace. Photius essaya d’abord d’un compromis (Nicétas, col. 513) : on conserverait au patriarche déchu une sorte d’honorariat ; au besoin, on le consulterait sur les affaires ecclésiastiques. Le compromis fut-il accepté par Ignace ? on ne saurait le dire. Photjus crut qu’il pouvait en faire état. Dans les jours qui précédaient Noël, il reçut les ordinations inférieures et, le jour même de la fête, la consécration qui le faisait patriarche de Constantinople. Le fait que les ordinations lui furent conférées par Grégoire Asbestas est certain. Cela devait faire soulever la question de la validité de ces ordinations et, dès lors, de celles qui seraient données par Photius. Grégoire avait été déposé et frappé d’anathème par Ignace ; il avait donc perdu, diront ultérieurement les ignaciens, tout pouvoir de faire des ordinations valides. "Voir l’art. Réordinations. De ce chef, tous les actes ecclésiastiques de Photius étaient frappés de nullité. Bien entendu, nous n’avons pas à établir ici le vice de cette argumentation théologique, mais cette erreur était pour lors commune.

Les premières oppositions.

En pensant qu’il

pourrait mettre un terme à l’agitation religieuse, Photius se flattait évidemment. Ignace avait des partisans, qui commencèrent à s’intéresser à son sort. Les plus entreprenants étaient Métrophane, évêque de Smyrne, et Stylien, évêque de Néocésarée, qui reparaîtront indéfiniment dans cette affaire. Réunissant les amis d’Ignace, ils déclarèrent Photius déchu du patriarcat. Ceci n’aboutit qu’à rendre plus pénible la captivité de leur protégé ; des sévices furent exercés sur quelques ignaciens trop bruyants, sévices contre lesquels protesta d’ailleurs Photius. Epist., i, 6, P. G., t. en, col. 024-G25 ; Valeltas, n. 159. De toute nécessité il fallait mettre fin aux troubles ; au patriarcat et au Sacré Palais, on ne vit plus d’autre moyen qu’une déposition régulière d’Ignace. C’est à quoi pourvut un synode réuni aux Saints-Apôtres, dont nous avons pour témoins le Synodicon vêtus (ci-dessus, col. 1551), Anastase et Nicétas, et qui dut se tenir au printemps de 859. Un certain nombre d’évêques, partisans d’Ignace, furent également déposés et remplacés. Sur le nombre de ces exécutions, voir Aristarchos, Oiotîou Xôyot, xoeî ôluXîoei, introduction, p. iy’, et cf. p. iÇ’-17)’, et aussi p. x6’et XÇ’; de ces données, il ressort qu’un très grand nombre d’évêques furent remplacés durant le premier pontificat de Photius : ce n’est pas une marque, à coup sûr, que celui-ci eût recueilli l’approbation générale dans le ressort de Constantinople. Les moines du Stoudicn étaient hostiles ; leur abbé, Nicolas de Crète, fut exilé en Bithynie, puis à Cherson. Sur l’attitude des différents groupes monastiques, voir F. Dvornik, op. cit., p. 141 sq. En définitive, il est permis de dire que le coup de force

de novembre 858 n’avait fait qu’augmenter la confusion dans le patriarcat.

II. LES EÊ3ITA.TI0NB DE LA CVRIE ROMAINE. — De temps immémorial, Rome était considérée comme l’instance suprême où devaient se dirimer les questions de doctrine, aussi bien que les conflits personnels. Rome était, en même temps, le centre de l’unité ecclésiastique ; à la communion avec le Siège apostolique tous les patriarcats orientaux attribuaient une grande importance. Si Rome se prononçait en faveur de Photius, si le pape Nicolas I er (858-807) lui écrivait la lettre traditionnelle de communion, tout était gaRiié et l’opposition ignacienne serait vite désarmée. Photius ne songea donc pas un instant à se soustraire au devoir d’entrer en rapport avec Rome. Mais la curie reste méfiante dès les premières démarches ; elle veut des précisions et entend demeurer auparavant dans l’expectative.

La lettre synodique de Photius.

Sous le nom de

synodique ou encore d’enlhronistique on désignait la lettre par laquelle un patriarche nouvellement élu se mettait en rapport avec les titulaires des autres patriarcats. Parmi ces titulaires, d’ailleurs, celui de Rome était considéré comme digne d’une spéciale considération. Voir ici l’art. Patriarcats, t. xi, particulièrement col. 2272 où est exposée la conception de saint Théodore le Studite, partisan très décidé de la primauté pontificale.

La synodique de Photius est conservée. Epist., i. 1, P. G., t. en, col. 585 sq ; Valeltas, n. 1. Le nouvel élu commence par y exprimer le sentiment de son indignité devant la grandeur de la charge dont il vient d’être revêtu. Il n’avait certes pas d’ambitien pour les honneurs ; ceux de la carrière civile lui étaient venus sans qu’il les eût désirés, moins encore aurait-il eu la pensée de rechercher le siège patriarcal. Mais il n’ignore pas non plus l’histoire du serviteur paresseux qui a caché en terre le talent qui lui avait été remis. Il a donc confiance que les prières du pape l’aideront à gouverner comme il convient le troupeau qui lui a été attribué. Très rapidement la synodique passe sur la façon dont l’ancien détenteur de la chaire patriarcale a dû quitter sa fonction. Cette place il a été contraint, lui, Photius, de la prendre, malgré la résistance qu’il a d’abord opposée. Suivait la profession de foi proprement dite, où le nouvel élu affirmait son attachement aux dogmes essentiels du christianisme et particulièrement aux décisions des sept conciles œcuméniques.

La manière dont Nicétas parle de cette lettre ne correspond pas entièrement à l’analyse que nous venons de donner. P. G., t. cv, col. 516. Photius, dit Nicétas, priait le pape d’envoyer à Constantinople des légats, en présence desquels on pourrait, synodalement, mettre fin aux derniers efforts des iconomaques.. Il lui représentait à sa manière le cas d’Ignace : accablé par les infirmités, celui-ci avait donné sa démission et s’était retiré dans un monastère, où il était entouré d’honneurs, soit par les chefs civils (l’empereur Michel et Bardas), soit par les citoyens, soit par l’Église.

— Ceci, à notre avis, exprimerait plutôt le contenu de la lettre impériale (sacra, diva) qui, souvent, accompagnait la lettre des patriarches byzantins. Nous savons en tout cas par le Liber pontiftealis, éd. cit., t. ii, p. 154, que l’ambassade constantinopolitaine apportait à Rome des cadeaux de l’empereur et une lettre impériale. Cf. Dôlger, Rcgeslen, n. 457.

2° Attitude exspectante de Nicolas I". — On a marqué à l’art. Nicolas I er quel était le caractère de ce pontife. Ordonné depuis le 24 avril 858, il n’avait pas encore pu donner les preuves de l’énergie un peu intransigeante, dont il ferait montre par la suite pour défendre ce qu’il considérait comme les droits impres-