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PHOTIUS. ÉLÉVATION Al" SIÈGE PATRIARCAL


/ « the accession oj Basil I (802-867), Londres, 1912, appelai, n-iv.

De cette énumér-ation un pou longue retenons que le plus elair de nos connaissances sur l’affaire photienne remonte à NFicétas et à Génésios. Ni l’un ni l’autre ne sont des garants de tout repos, et les historiettes que leur ajoute pseudo-Syméon inspirent moins de confiance encore. C’est assez dire que ce sera surtout aux pièces officielles qu’il faudra demander nos informations.

II. Le prkmier pontificat de Photius. La ruptiiu : avec Rome (858-867). — 1° La déposition d’Ignace et l’installation de Photius. 2° Hésitations de la curie romaine. 3° Rome prend position contre Photius. 4° L’affaire bulgare. 5° La rupture. ti° La revanche de Rome.

I. LA DÉPOSITION DV PATRIARCHE ION ACE ET SON

remplacement l’Ai : PHOTIUS. — Ne voulant pas écrire ici une histoire du schisme oriental, nous pouvons nous jeter de prime abord in médias res. Qu’il suffise de rappeler que l’harmonie entre Rome et Constantinople avait été mise à une rude épreuve par la crise iconoclaste et les remous divers qu’elle avait provoqués soit en Orient, soit en Occident. Virtuellement terminée par le « triomphe de l’orthodoxie » en 843 (la « fête de l’orthodoxie » fut célébrée pour la première fois le. Il mars de cette année), l’agitation ecclésiastique ne laissait pas de continuer de manière plus ou moins sourde. Quand mourut, en juin 847, le patriarche Méthode, la pacification de Constantinople n’était pas encore terminée.

Le patriarche Ignace.

Méthode fut remplacé par

le fils de l’empereur Michel I er Rhangabès, Ignace, qui, lors de l’usurpation de Léon l’Arménien, en 813, avait été contraint d’embrasser la vie monastique et qui, sous Théophile (829-842), avait été un des plus ardents défenseurs des images. Pieux, zélé, il eût voulu rétablir dans le patriarcat byzantin la paix religieuse si troublée depuis plus de cent ans. Mais il y fallait une souplesse qui n’était pas, semble-t-il, la qualité maîtresse de ce porphyrogénète. On le vit bien dans une affaire qui aura par la suite beaucoup de retentissement. En 843, était arrivé à Constantinople, fuyant l’invasion sarrasine, l’archevêque de Syracuse, Grégoire Asbestas, qui entretint, pense-t-on, de bons rapports avec le patriarche Méthode. Pour quelles raisons Ignace, depuis le jour de sa consécration, se brouillat-il avec lui, il est assez difficile de le dire. Toujours est-il que Grégoire fut, par Ignace, déposé et remplacé, sans préjudice d’autres peines ecclésiastiques qui l’atteignirent ultérieurement. L’affaire fut portée à Rome ; le pape Léon IV d’abord, en 855 (voir Jaffé, n. 2661), le pape Renoit III ensuite, en 857 (Jaffé, n. 2667), invitèrent les deux parties à se présenter soit personnellement, soit par représentant, à la curie romaine. Rien n’était encore réglé, quand survint l’incident qui allait déterminer la déposition d’Ignace.

Depuis que Michel III, fils de Théophile, avait été proclamé majeur, mars 856, le pouvoir exercé jusquela par Théoctiste au nom de l’impératrice mère, Théodora, était passé aux mains de Bardas, oncle du souverain, qui deviendra curopalate en 859 et césar en avril 862. Ignace était naturellement pour la pieuse princesse et d’autant plus que Bardas, s’il était cultivé, intelligent et habile, semble avoir été de mœurs assez libres. Est-il exact qu’il ait eu l’intention délibérée de corrompre et d’avilir son impérial neveu ? Le continuateur de Théophane raconte a ce sujet d’horribles histoires, voir P. (i., t. cix, col. 213-216. 257 sq. Quoi qu’il en soit, raisons politiques et raisons religieuses amènent Ignace a faire opposition a Bardas. A la fête de l’Epiphanie 858, il lui refuse publiquement la communion. A quelque temps de là,

le patriarche est prié de prêter son concours à l’internement, dans un monastère, de l’impératrice mère et d’une de ses filles. Il s’y refuse ; on prétend voir un lien entre ce refus et une tentative de rébellion découverte sur les entrefaites. Le même jour où est exécuté le révolté, Ignace est enlevé du patriarcat et interné à l’île du Térébinthe, dans l’archipel des Princes. C’était le 23 novembre 858 (date préférable, nous semble-t-il, à celle de 857, mais que nous n’entendons pas discuter ici). Sur cette date, voir J. B. Burv, op. cit.. app. vii, p. 469-471.

Élévation de Photius au siège patriarcal.

Nous

avons dit ci-dessus, col. 1537, ce qu’avait été jusqu’à cette date la carrière de Photius. Il occupait à ce moment une des situations les plus en vue au Sacré Palais. On aurait mauvaise grâce à le mêler aux scandaleuses aventures qui, depuis quelque temps, déshonoraient la cour ; il était à coup sûr, néanmoins, un des bons serviteurs de la politique de Bardas. Ultérieurement, on a prétendu qu’il s’était compromis dans le parti qui, groupé autour de Grégoire Asbestas, cherchait à créer des difficultés à Ignace (Nicétas, Anastase, Stylien) ; Hergenrôther parle presque d’un complot monté contre le patriarche en exercice. Op. cit., t. i, p. 364. Mais ceci ne nous paraît nullement démontré ; ce que l’on peut dire, c’est que Photius, en fonctionnaire correct, avait pris le parti de son chef, lequel soutenait Grégoire. Lui prêter, dès ce moment, l’ambition de supplanter Ignace, c’est ne pas tenir compte de ses affirmations indéfiniment répétées. Quant à l’histoire racontée par Anastase sur l’hérésie « des deux âmes », ballon d’essai lancé par Photius pour démontrer l’incapacité théologique d’Ignace, on aimerait à en avoir de plus sérieux garants. Voir PrseI. in VIII Synod., P. L., t. cxxix, col. 14.

Quand, le 23 novembre 858, Bardas se fut débarrassé d’Ignace, il fallut songer à lui donner un successeur. Est-ce le ministre, est-ce le « synode permanent » qui songea à Photius ? Il est impossible de le dire, toujours est-il qu’après une longue délibération le synode, après avoir vainement demandé à Ignace sa démission, passa outre à son refus et choisit, pour le remplacer, le protasecretis Photius.

Cette promotion était incontestable-ment irrégulière. D’abord l’élu était simple laïque et le droit coutumier prohibait cette ordination d’un « néophyte ». Voir l’art. Néophyte. Sur ce point, d’ailleurs, les sources byzantines insistent peu, à l’exception de Nicétas. Il y avait eu à Constantinople des précédents qui n’étaient pas oubliés, Taraise en 784, Méthode en 843 avaient été désignés dans les mêmes conditions, de par la volonté de souverains qui voulaient mettre un terme aux agitations religieuses, en choisissant comme patriarches des personnes moins compromises que n’eussent pu l’être des ecclésiastiques. L’Occident serait plus méfiant. L’ « usurpation » de Constantin M, en 767, avait fait renforcer les règles sur l’élévation des laïques aux suprêmes dignités de l’Église. Dès le début des pourparlers avec Rome, le caractère de « néophyte » sera le premier grief que l’on fera à Photius.

Il en était un autre qui nous frappe davantage ; c’est qu’en réalité le siège où l’on entendait élever le protasecretis n’était pas vacant. Ignace s’était refuse. dès la première minute, à donner sa démission ; il devait indéfiniment persévérer dans cette attitude, quelque pression que l’on ait tenté d’exercer sur lui. Ici encore, sans doute, il y avait des précédents loul proches. Méthode, en 843, avait élé substitué par la volonté de Théodora à Jean le Grammairien, favorable aux iconoclastes, et, trente ans auparavant, on avait vu le phénomène inverse : l’iconoclaste Théodote Cassitéras avait, en 815, par ordre de Léon l’Arménien, remplacé l’orthodoxe Nicéphore. En l’une et l’autre