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POSTEL (GUILLAUME]

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Mémoires de littérature, t. i. p. 25. Saint Ignace de Loyola avait été séduit par ses multiples talents et, plus tard, à Paris, le jeune Maldonat, qui entendit Postel. sera devant lui en admiration. Mais ce grand érudit est. en même temps, l’esprit le plus chimérique, le plus fumeux, d’un siècle qui en a tant compté. Les plans les plus grandioses se mêlent dans sa tête aux plus invraisemblables rêveries. De bonne heure, il avait cru êtrel’objet des communications d’En-Haut ; la rencontre, en 1517, de Mère Jeanne (celle qu’il appelle aussi la Virgo venetiana) achève de le faire sombrer dans l’illuminismc. C’est dire que son œuvre littéraire, qui est considérable, est extrêmement mélangée et qu’à des vues intéressantes se mêlent les plus folles divagations. On trouvera dans Nicéron, Mémoires, t. viii, p. 322-351Î, une liste qui paraît à peu près complète des ouvrages publiés et de quelques inédits de Postel, liste à compléter pour ce qui concerne ces derniers par les données de Ittig, p. 21. Nous ne relèverons ici que ceux qui ont conservé quelque intérêt pour l’histoire de la théologie.

l°Mettons à part le Proto-Evangelium Jacobi, fratris Domini. de admirabili nalivitale et ineunabulis virginis matris Mariée et ipsius Jesu, Bàle, 1552. C’est l’ouvrage connu depuis Postel sous le nom de Protévangile de Jacques, titre inventé par l’éditeur, qui en avait rapporté d’Orient le manuscrit. Voir ici Évangiles apocryphes, t. v, col. 1635. — 2° On en rapprochera la publication (en une traduction latine) d’un texte pseudo-justinien, Eversio (alsorum Aristotelis dogmalum G. Poslello interprète, Paris, 1552 ; le texte grec était publié au même moment par R. Estienne ; cf. P. G., t. vi, col. 1491-1564. — 3° Alcorani seu legis Mahometi et Evangelistarum concordiæ liber, in quo de calamitatibus orbi christiano imminenlibus trætatur. Accedil conjectatio de universi judicii tempore, Paris, 1543 ; entendre evangelistæ dans le sens de « protestants » ; Postel veut prouver la conformité entre le Coran et la doctrine des luthériens ; les protestants ne le lui ont jamais pardonné. — 4° De orbis lerræ concordia libri quatuor, Bâle, 1544 (le 1. I avait déjà paru seul, sans doute en 1543). C’est une apologie du christianisme, auquel l’auteur veut amener tous les peuples de l’univers. Le 1. I prouve la vérité de la religion chrétienne, mettant en valeur le mystère de la Trinité par plusieurs démonstrations empruntées aux philosophes de l’antiquité, à l’Ancien Testament, à la Cabale, au Talmud ; il passe de là à la création, puis à Jésus-Christ, dont il montre la divinité. La considération des fins dernières l’engage dans la démonstration de l’immortalité de l’âme et de la résurrection des corps. Le 1. II serait « ce qu’il y a de meilleur et de plus curieux dans l’ouvrage » ; il est dirigé contre l’Islam, que l’auteur paraît connaître assez bien. Le 1. III s’écarte un peu du thème général, étant plutôt un traité de droit et de morale, destiné à mettre en évidence les principes fondamentaux sur lesquels s’entend la généralité des hommes. Le dernier livre parle surtout de la manière dont il faut s’y prendre pour convertir les mahométans, les païens et les juifs, et pour démontrer à ces derniers la fausseté de leur religion et la vérité du christianisme. Telle quelle, cette apologie mériterait encore d’être étudiée. — 5° De ralionibus Spiritus Sancti libri duo, Paris, 1543 ; cet opuscule, dit Nicéron, « veut prouver le grand principe de Postel, qu’il n’y a rien dans la religion que de conforme à la nature et à la raison, et dont on ne puisse rendre raison par leur moyen » ; c’est l’idée de tout l’humanisme chrétien du xvie siècle. — 6° Panthenosia seu compositio omnium dissidiorum circa œternam veritatem aut verisimilitudinem versantium, qute, non solum inter eos qui hodie infidelium, judworum, hirreticorum et catholicorum nomine vocantur, orta sunt et

l’igenl, sed jam ab admissis per peccatum circa noslrum intellectum tenebris juere inter Ecclesiw ]>articularis ac communis membra, lîàle, s. d., l’auteur se cache sous le pseudonyme d’Elias Pandocha’us ; l’idée générale est analogue à celle des deux ouvrages précédents, mais avec une tendance, paraît-il, à abaisser les barrières qui séparent les conf.essions religieuses. — 7° De nativitale medialoris ultimu et loti orbi terrarum in singulis rationc præditis manifestanda opus, in quo totius natures obscuritas, origo et creatio ila cum sua causa itlustratur exponilurque, ut vel pueris sint manifesta quie in theosophiie et filosophite arcanis haclenus juere. Auctore Spiritu Christi, exscriptore G. Postello, a/ioslolica pro/essione sacerdole, Bâle, 1547. On en remarquera la date ; le livre est publié après la rencontre avec Mère Jeanne ; l’esprit visionnaire se manifeste dès le titre : Postel n’est que le transcripteur d’une révélation dont il a été favorisé : « une lumière supérieure, dit-il dans la préface, me presse de vous communiquer ces choses ». Plus encore que dans l’ouvrage précédent l’auteur préconise la tolérance religieuse. Les « vérités » dont il annonce le triomphe ne sont pas seulement des vérités religieuses, mais des données d’ordre philosophique et même scientifique. Il développe, en particulier, l’idée de « l’âme du monde », empruntée aux philosophies antiques et que l’humanisme remettait à la mode. Des thèmes analogues sont repris dans les deux opuscules suivants. — 8° Absconditorum a constitution mundi clavis, Bâle, s. d. — 9° Liber de causis seu de principiis et originibus natures utriusque, in quo ita de eeterna rerum veritate agitur ut et authoritate et ralione non tantum ubivis particularis Dei providentia sed et animorum et corporum immorlalilas ex ipsius Aristotelis verbis recte intellectis et non detortis demonstretur clarissime, Paris, 1552 ; remarquer le sous-titre : Contra alhœos et hujus larvée Babylonicæ alumnos, qui sua ; favent impietati ex magnorum authorum perversione ; cela coupe court aux reproches d’athéisme et de matérialisme que l’on a faits à Postel ; mais il faut bien reconnaître que sa complaisance à l’égard de certains thèmes philosophiques de l’aristotélisme, en particulier de VIntelleclus agens, est génératrice de confusion. A ces données de philosophie grecque se mêlaient, pour achever de tout brouiller, les rêveries orientales, dont le livre suivant nous indique la source. — 10° Abrahami patriarches liber Jezirah, sive formationis mundi, patribus quidem Abrahami lempora prseeedentibus revelatus, sed ab ipso etiam Abrahamo expositus Isaaco, et per prophetarum manus posteritati conservatus, ipsis autem 72 Mosis auditoribus in secundo divinæ veritatis loco, hoc est in ratione, quee est poslerior authoritate habitus, Paris, 1552 ; c’est la traduction d’un livre cabalistique sur la création, muni de commentaires par Postel. Sur ce curieux traité, voir l’art. Jezira de l’Encyclopeedia judaica, Berlin, t. ix, col. 104-111. L’ouvrage est sui’vi de la traduction d’un texte apocryphe hébreu, attribué à Élie : Restitutio rerum omnium conditarum per manum Elise, projeta’terribilis ut fiât in toto mundo conversio perfecta et maxime inter Judœos. — 11° Il faut signaler enfin, parce qu’il a donné lieu aux interprétations les plus bizarres, le célèbre ouvrage intitulé : Les très merveilleuses victoires des femmes du Nouveau Monde et comme elles doivent à tout le monde par raison commander et même à ceux qui auront la monarchie du monde civil, Paris, 1553. Bèze y voyait cette doctrine monstrueuse qu’ « ainsi que Jésus-Christ avait racheté les hommes, ainsi fallait-il, que les femmes fussent rachetées par une femme qu’il appelait sa grand’mère Jeanne, qui était une courtisane de Venise ». Jurieu a emboîté le pas à Bèze. Kn fait, il n’y a absolument rien de cela dans le livre en question et l’opinion de Chaufepié paraît bien la