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POSSESSION DIABOLIQUE

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ni par une inhabitation intrinsèque, parce que seule la Trinité pénètre l’âme, mais par un effet de malice. Sum. theol., III q. viii, a. 8.

Saint Bonaventure : » En raison de leur subtilité ou spiritualité, les démons peuvent pénétrer les corps et y résider ; en raison de leur puissance, ils peuvent les remuer et les troubler. Donc, les démons peuvent, en vertu de leur subtilité et de leur puissance, s’introduire dans le corps de l’homme et le tourmenter, à moins d’en être empêchés par un pouvoir supérieur. C’est ce qui s’appelle posséder, obsidere… Mais pénétrer dans l’intime de l’âme est réservé à la substance divine. » In II" m Sent., dist. VIII, part. II, a. 1, q. i et n.

Estius (Guillaume van Est), chancelier de l’Académie de Douai (t en 1613), écrit : « Étant incorporels, rien n’empêche les démons, si Dieu le leur permet, d’entrer dans le corps de l’homme. Comme dit Jean Damascène des anges, bons ou mauvais, ils sont là où ils agissent. Donc, en raison de l’action qu’ils exercent, on peut dire en toute vérité que les anges ou les démons sont substantiellement dans un corps humain, c’est-à-dire selon leur substance. Ce qui, toutefois, ne doit pas s’entendre au sens qu’ils seraient de la substance de l’homme, mettant l’âme en mouvement par manière de forme substantielle ou à la façon d’un principe interne, comme l’âme met en activité le corps. Us sont simplement moteur externe, à la façon dont le pilote commande à son navire. Nombreuses sont les modifications physiques que les démons peuvent faire subir à l’homme : transfert d’un lieu à un autre, maladies, mutité, surdité, cécité… Nombreuses les actions qu’ils peuvent exercer sur les sens : arrêt d’activité ou présentation de fausses images… Mais il n’y a obsession parfaite que dans les cas où le démon agit sur l’imagination au point d’empêcher l’exercice de la raison, chose qui arrive dans la frénésie, sans intervention du démon. Il y a lieu de noter qu’en beaucoup de points les frénétiques ressemblent aux démoniaques, si bien qu’il arrive fréquemment de prendre les uns pour les autres. Les marques de l’obsession démoniaque sont : faire ou dire des choses qui relèvent des purs esprits, comme révéler des faits ou des paroles qu’on n’a pas vus ou entendus, dire ce qui se passe en un lieu éloigné, parler une langue qu’on n’a pas apprise, lire ou écrire des caractères qu’on ne connaît pas. On appelle proprement obsédés, possédés, démoniaques (obsessi, possessi, dit l’auteur), ceux qui sont affectés à un degré intense de ces troubles. Et, ici, nous ne distinguons pas entre obsédés et possédés, comme font plusieurs, entendant par là qu’être possédé est plus fort qu’être obsédé. L’Écriture n’emploie ni l’un ni l’autre vocable. Pour les Pères, ils en usent indifféremment. Général aussi est le terme grec « énergumène », quasi inoperctti, id est ab inopérante spiritu acti. Et l’Évangile atteste des démoniaques que non seulement ils sont tourmentés par les démons, mais encore que les démons sont entrés en eux, pour exercer une action plus forte et plus pleine. En outre, les démons troublent leur raison au point qu’ils n’ont point conscience de ce qu’ils font ou disent quand les démons agissent ou parlent par eux. in cis. In Sent., t. II, dist. IX, § 6.

Pierre Thyrœus, S. J., de Neuss (f en 1601), a composé le Demoniaci, hoc est : de obsessis a spiritibus demoniorum hominibus, dont se sont inspirés la plupart de ceux qui ont écrit depuis sur ce sujet. Pour lui, les signes certains de la possession sont la connaissance des choses secrètes, la connaissance de langues non apprises. Les signes corporels ne fournissent que des probabilités. Il note que les énergumènes, les sorciers, les devins, les hérétiques, ne sont pas nécessairement possédés. Deux choses sont nécessaires pour qu’il y ait vraie possession : que les démons soient dans le corps

de l’homme, qu’ils aient reçu pouvoir sur celui-ci. Si l’une ou l’autre de ces conditions fait défaut, on ne peut parler à bon droit de possession. Les démons sont présents non à la façon des accidents d’un sujet, ou des parties d’un tout, ou d’une nature constituant avec une autre nature une personne. Ils ont fonction de moteurs. l’art. I, c. n.

Aug. Martin Delrio, S. J., d’Anvers (t en 1608), rappelle la distinction que les théologiens, dit-il, établissent communément entre les obsessi et les possessi. « Au sujet de ces derniers, les théologiens et les saints disent que le démon entre dans le corps des démoniaques, arreptitii, et en sort. Il ne s’y introduit pas pour V informer ou pour intégrer le corps à la manière d’une partie, mais seulement pour s’en servir comme d’un lieu de séjour ou d’un instrument organique… Le démon ne s’unit pas substantiellement à l’âme ni à l’être intime de celle-ci. Il se rend présent à l’âme applicatione tantum et oppressione per energiam seu operationem : par là il s’unit à l’homme et le pénètre en quelque sorte… Mais, pour sortir, il faut avoir été dedans. » Disquisilionum magicarum libri sex, t. III, part. I, q. iv, sec. 7.

Gaspar Schott, S. J., de Kœnigshofen (f en 1666), après avoir énuméré les appellations diverses d’energumeni, obsessi, infesti, possessi, xaT£/_ô(i.svot., distingue une action démoniaque intellectuelle, qui s’exerce sur l’esprit et le cœur, et une action corporelle. Celle-ci peut s’exercer seulement sur le dehors : elle comprend les multiples vexations que le démon peut faire subir à l’homme. Elle peut se faire sentir au dedans. C’est le cas de la possession proprement dite. « Dans le cas de possession, le démon est dans tel homme personnellement, ou en propre personne, sans intermédiaire, localement, à la façon dont un esprit est dit se trouver présent en un objet ; de plus, le démon opère sur le corps non comme la forme sur un sujet, mais comme le moteur sur le mobile, moteur interne. Cependant, il ne semble pas nécessaire, pour qu’il y ait possession, que la substance diabolique soit tellement enfermée dans le sujet humain que rien n’en soit au dehors. Cela, sans doute, est ordinaire. Mais, si le démon qui possède se dilatait dans la sphère de son extension de façon à être tout ensemble à l’intérieur et à l’extérieur du corps de l’homme, celui-ci pourrait encore être considéré à bon droit comme un possédé. » Physica curiosa sive mirabilia naturse et artis, t. IV, c. i.

JeanJoseph Surin (f en 1665) : « L’essence de la possession consiste en une union que le diable a avec l’âme, étant insinué dans toutes ses facultés et dans les organes du corps, et ayant droit d’y agir comme s’il était l’âme de la personne qu’il possède. Il la tient captive de telle sorte qu’elle ne peut agir, ni par le principe de la grâce, ni par celui de la nature, dans le temps qu’il en est possesseur… Il pourrait, par sa propre nature, faire à tous moments des choses au-dessus des forces de l’homme, et qui étonneraient tout le monde. Mais la nature humaine qu’il possède borne son action et arrête sa rage, sa fureur et sa malice. De même que le rayon du soleil est tempéré par le cristal et le milieu, qui modère sa force sans empêcher son opération. » Histoire abrégée de la possession des ursulines de Loudun, Paris, 1828, p. 25-26.

Avec l’école mystique du xvir 3 siècle, la théologie de la possession est fixée. Sans entrer dans des précisions minutieuses, on s’accorde à considérer le possédé comme un instrument soumis au pouvoir contraignant, despotique, de l’esprit mauvais. C’.est le sens à donner aux expressions péripatéticiennes molor et mobile. Benoît XIV : « Dœmones in hominibus, quos possident, sunt ut motores in corporibus, quæ movent, ita videticet ut nullam corpori hominis qualitatem impri-