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POSSESSION DIABOLIQUE


jugé ordinaire, était attribuée à l’espril mauvais. Dans les guérisons qu’ils rapportent, les évangélistes ont

soin de distinguer les démoniaques des malades. « On lui présenta des gens ayant des démons, des lunatiques, des paralytiques, et il les guérissait. » Mat th., iv, 2t. « Sur le soir, on lui présenta plusieurs démoniaques et, d’un mot, il chassa les esprits, et il guérit tous les malades. » Matth., viii, lli. « Il guérit beaucoup de malades affligés de diverses infirmités, et il chassa beaucoup de démons. » Marc, i, 34. « A ce moment, Jésus guérit nombre de gens de leurs maladies et de leurs infirmités et des esprits malins, et il rendit la vue à plusieurs aveugles. » Luc, vii, 21. Aux pharisiens qui l’engageaient à quitter le pays pour échapper aux menaces d’Hérode, Jésus lui-même répond : « Allez dire à ce renard : Voici que je chasse les démons et que j’accomplis des guérisons. » Luc, xiii, 32. Quand il envoie ses apôtres vers Israël, il leur dit : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. » Matth., x, 8.

Jésus se serait-il, dans sa façon de parler, accommodé à l’erreur commune qui confondait maladie et possession ? Lorsque, à propos de la guérison de l’aveugle-né, il entend la foule attribuer sa cécité à quelque faute ou de l’aveugle lui-même ou d’un de ses ascendants, il prend soin de la détromper : toute maladie n’est pas la suite d’une faute. Joa., ix, 3. Autrement grave était l’erreur présente : ce que l’on croit effet de l’action du démon est maladie naturelle, et Jésus se serait tu ! Bien plus, il aurait accrédité, par sa façon de parler, l’erreur commune !

Plus explicite encore, s’il est possible, est la façon dont Jésus défend ses exorcismes contre les pharisiens. Il avait expulsé un démon muet. Les pharisiens l’accusent de chasser les démons par Béelzébul. Jésus répond : « Comment Satan peut-il chasser Satan ? Si Satan chasse Satan, il est divisé contre lui-même. Si c’est par Béelzébul que je chasse les démons, vos fils par qui les chassent-ils ? (on sait que les juifs pratiquaient l’exorcisme). Mais si je chasse les démons par l’Esprit de Dieu, c’est donc que le règne de Dieu sur vous est arrivé. » Luc, xi, 17-22 ; Marc, ni, 23-27 ; Matth., xii, 25-29. Loin de mettre en doute la valeur des exorcismes pratiqués sous la Loi ancienne, il revendique hautement, pour lui-même, le pouvoir de chasser les démons, pouvoir, d’ailleurs, autrement décisif et absolu. Bien dans ses paroles qui soit une atténuation quelconque du concept strict de l’exorcisme, conséquemment. de l’état démoniaque.

Si la possession diabolique, dit Plummer, St. Luke, p. 136, est une fausse croyance, il faut choisir entre trois hypothèses : ou Jésus n’employait pas l’exorcisme pour guérir ceux qui se croyaient possédés, mais les évangélistes le lui ont attribué par erreur ; — ou Jésus pratiquait l’exorcisme, bien qu’il connût qu’il n’y avait pas de démons à chasser ; — ou Jésus faisait des exorcismes, parce qu’il partageait en cette matière l’erreur de ses contemporains. Cité par J. Lebreton, La vie et l’enseignement deJcsus-Christ, t. i, Paris, 1931, p. 125. Dans une solution ou une autre, on nie la véracité des évangiles ou la divinité de Jésus.

La possession morale et non plus physique.


A côté de la possession décrite jusqu’ici, qu’on peut appeler physique, parce qu’elle se manifeste par des effets sensibles, le Nouveau Testament en présente une autre qu’on peut dire morale (A. Saudrcau dit latente). De Marie de Magdala, il est dit que Jésus chassa sept démons. Marc, xvi, 9. Bien n’indique qu’elle ait été sujette à des troubles ou à des manifestations de nature physique. De même, il est dit de Judas : « Et Satan entra en Judas. » Luc, xxii, 3. Dès qu’il eut pris la bouchée, Satan entra en lui. » Joa., xiii, 27. Expressions qui marquent un empire du démon sur la volonté

de celui qui lui est livré, empire que ne comporte pas, considérée en elle-même, la possession physique.

IL Aux temps postévangéliques. — Le rituel romain renferme un chapitre intitulé : De exoreizandis obsessis a dsemonio. Léon XIII, le même qui a prescrit d’invoquer, après la messe, l’archange saint Michel contre l’action de Satan et des autres esprits pervers, a promulgué de nouveau la formule du grand exorcisme. Le Codex juris canonici, édité par ordre de Benoît XV, règle par les art. 1151, 1152, 1153, la pratique de l’exorcisme. Et il n’y a nulle apparence que l’Église songe à « abandonner jamais la pratique des exorcismes, même des exorcismes au sens plein et primitif du mot, c’est-à-dire des rites destinés à expulser le démon des personnes, des lieux ou des objets où sa présence et son influence se trahissent par des manifestations sensibles. » Voir Exorcisme, col. 1775.

De ce maintien de la discipline ecclésiastique, on doit inférer la possibilité de la possession même de nos jours, possibilité qui, selon toute vraisemblance, se réalise quelquefois. Les textes ecclésiastiques s’abstiennent de définir l’action de l’esprit malin. Le terme obsessi, dont ils se servent, s’applique à toute action démoniaque, mais, semble-t-il, se manifestant par un effet sensible.

Au cours des âges, la pratique fréquente, quelque peu abusive à certaines époques, de l’exorcisme, a enrichi ou surchargé le chapitre de la possession de quelques détails nouveaux. Les démons ont dit leur nom : non seulement, Béelzébul ou Asmodée, mais Léviathan, Béhémoth, Isacaron, Balam, Zabulon, Cédon, et d’autres d’un rang inférieur, Tralinus, Capicius, Uguiccion de Calavorna, Gentiane de Corsica… Mais il est vraiment trop difficile de prendre plusieurs de ces noms au sérieux. De même, dans les récits de. délivrance, l’expulsion des démons se manifeste sous des aspects variés et étranges. Le démon sort de la bouche des possédés comme une vapeur infecte, une fumée qui s’évanouit dans l’air sous forme d’une mouche (Béelzébul, d’après une traduction, ne serait-il pas le roi des mouches ?), d’un scarabée, d’un lézard, d’une grenouille, d’un rat. Notons que les récits évangéliques et les récits des premiers auteurs ecclésiastiques ne mentionnent rien de tel.

III. Théologie de la possession.

Des textes scripturaires est sortie une théologie de la possession, possession désignée d’ordinaire par les auteurs sous le nom d’obsessio. Cette théologie s’applique à maintenir la réalité de l’action démoniaque, tout en sauvegardant les droits de Dieu sur l’âme humaine et la liberté de celle-ci.

Saint Thomas : « Les anges bons et les anges mauvais ont le pouvoir, en vertu de leur nature, de modifier nos corps, comme tout autre objet matériel. Et comme ils sont là où ils opèrent, ainsi pénètrent-ils nos corps : nostris corporibus illabuntur. Conséquemment encore, ils impressionnent les facultés liées à nos organes : aux modifications des organes répondent les modifications des facultés… Mais l’impression ne retentit pas jusqu’à la volonté, parce que la volonté, ni dans son exercice, ni dans son objet, ne dépend d’un organe corporel ; elle reçoit son objet de l’intelligence selon que celle-ci dégage de ce qu’elle perçoit la notion d’être bon. « In II’"" Sent., dist. VIII, q. un., a. 5, sol.— « Être en une chose, c’est être contenu entre ses limites. Mais dans le corps on distingue les limites de quantité et les limites d’essence. L’esprit qui opère dans l’intérieur des limites de quantité pénètre vraiment le corps, sans toutefois franchir les limites de l’essence, ni comme élément de cette essence ni comme puissance communiquant l’être, car l’être vient de la puissance créatrice de Dieu. » Ibid., ad 3um. — Le diable est dans l’Antéchrist non toutefois par une union personnelle.