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POSSKSSION DIABOLIQUE

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gieuse. La [orme passive exprime une force, une puissance, une énergie subie, que le sujet y coopère ou non. John Smit insiste sur la particule èv : Energumeni in quantum a principio distincte inlus delitescente sunt moti. De dœmoniacis in historia evangelica, p. 50. Celle insistance ne semble pas justifiée : elle ne l’est pas poulies mots èvspyeïv, èvépyeta, qui ont, dans le Nouveau Testament, un sens d’influence, de coopération, sans plusde spécification. En tout cas, il n’y a pas à tenir compte de l’opinion de Candidus Brognolus, Menuale exorcistarum, Lyon, 1058 : Energumeni, quod est inlus làborantes dicuntur, sir dicti ab en quod est iii, et ehge quod est LABOR, et mené quod est DEFECTUS : quod est quasi in opère deficiens. J. Smit, p. 57.

3° Cette prise de possession, dans les textes évangéliques, apparaît diverse et comportant des degrés. — La syro-phénicienne dit simplement de sa fille qu’elle est tourmentée par un démon. Quand elle rentre chez elle, elle trouve l’enfant jetée sur son lit. Épuisement physique, sans indication de troubles qui accompagneraient la possession.

De son fils qu’il présente à Jésus, à la descente du Thabor, le père déclare qu’il a un démon muet et qu’il est sujet, sous son action, à des crises convulsives. Sans doute, ce sont là les dires du père, - mais la suite répond à ce diagnostic, Ces mouvements désordonnés et convulsifs, ces agitations nerveuses de nature ou d’aspect hystéro-épileptique, étaient sans doute les manifestations les plus fréquentes, celles par où se trahissaient les démoniaques, soit guéris par Jésus, soit guéris par les disciples. Rien n’empêche que ces troubles qui, dans le cours ordinaire des choses, ont une cause naturelle, soient produits, comme dans le cas en question, par l’action démoniaque, soit que le démon ait visé directement à les produire par perversité ou pour quelque autre dessein, soit qu’ils résultent de la seule violence faite à l’organisme par l’intrusion du mauvais. La cause posée, les manifestations morbides suivront le processus normal, sans qu’on soit en droit de conclure nécessairement de ce processus à un point de départ naturel, à l’exclusion d’une cause préternaturclle, cause dans le cas présent diabolique. Ainsi pense le P. Huby pour qui l’épilepsie du jeune garçon serait causée par la possession. Yerbum salutis. Évangile selon saint Marc, Paris, 1924, p. 207.

Pour le P. Lagrange, l’épilepsie aurait plutôt précédé la possession. « Peut-être la dépression physique et morale causée par l’épilepsie oppose-t-elle moins d’obstacle à l’action du démon qu’un tempérament sain. > Il note que la guérison de la maladie est distincte de l’expulsion du démon. « Dans Marc, c’est quand l’esprit est sorti que l’enfant subit la crise suprême. Et c’est alors que Jésus le rend pour ainsi dire à la vie, quand on le croyait mort. » L’Évangile de Jésus-Christ, p. 203-204 !

Double opinion probable. Mais, d’une part, on conçoit aussi que, dans l’hypothèse où l’épilepsie aurait été causée par la possession, l’expulsion du démon ne remette pas nécessairement, à l’instant même, l’organisme en état, pas plus que l’expulsion d’un poison ou l’ablation d’une tumeur. D’autre part, il est dit non seulement que « lorsque l’enfant vit Jésus, il fut agité convulsivement », mais encore que « le démon sortit en l’agitant convulsivement », comme il avait agité, en sortant, le possédé de Capharnaum. Ce qui tendrait à montrer que le démon n’était pas étranger à ces désordres physiques.

Nous voyons dans les récits évangéliques que l’esprit mauvais pousse des cris, des vociférations, par les organes du démoniaque : phénomène qui semble avoir été fréquent. Ou encore, il donne au possédé un accroissement extraordinaire de force, comme dans le cas du possédé de Gérasa.

L’action démoniaque peut aussi se manifester par la mutité soit accompagnée d’autres phénomènes, soit sans autre indication du texte sacré. Ht ils lui présentèrent un homme muet, ayant un démon. Et le démon expulsé, le muet parla. ».Matth., ix, 32-33.

Le P. Lagrange estime que « la cécité ne semble pas avoir jamais élé attribuée à une influence démoniaque ». Sur le texte de Matth., xii, 22 : « Alors lui fut amené un démoniaque aveugle et muet. Et il le guérit, de sorte que le muet parlait et voyait », il note : i Saint Matthieu dit que Jésus guérit cet homme, dont la vue redevint saine. En même temps, il chasse le démon qui, d’après saint Luc, xi, 14, était cause du mutisme (il chassa un démon muet). On voit donc ici, plus clairement que pour l’épilepsie, un cas où la maladie et la possession affectaient la même personne. » Op. cit., p. 325. Argumentation qu’on voudrait moins subtile. Il arrive enfin que, par la bouche du possédé, le démon manifeste des choses dont celui-ci ne peut avoir, la connaissance naturelle. Le démoniaque de la synagogue de Capharnaum s’écrie : « Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es : le saint de Dieu. » L’énergumène de Gérasa interpelle Jésus, longtemps avant la confession de Pierre, comme « Fils du Dieu suprême. » L. de Grandmaison : Jésus-Christ, t. ii, p. 340. D’où le possédé tenait-il pareille connaissance ? D’où lui venait cette assurance ? Un autre que lui, à l’intelligence supérieure, parle par sa bouche. C’est celui dont Jésus était venu pour ruiner la domination. Il parle — aveu ou colère — sous le coup de la défaite qui s’annonce.

Il y a encore connaissance préternaturelle, mais d’un degré moindre, dans l’esclave que saint Paul délivre à Philippes de Macédoine. « Il arriva, dit saint Luc, comme nous allions au lieu de prière, qu’une esclave ayant un esprit python, nous vint au-devant. Elle procurait un grand gain à ses maîtres par ses divinations. Nous ayant suivis, Paul et nous, elle criait disant : « Ces hommes sont des serviteurs du Dieu Très-Haut, lesquels nous annoncent une voie de salut. » Elle fit cela pendant plusieurs jours. Mais Paul, importuné (ne supportant pas que l’Évangile fût annoncé par un mauvais esprit), se retourna et dit à l’esprit : a Je te commande, au nom de Jésus-Christ, de sortir d’elle. Et il en sortit à l’heure même. » Act., xvi, 10-18.

Python était le serpent qui rendait des oracles à Delphes ; Apollon le mit à mort et se substitua à lui dans sa fonction de devin, d’où il fut appelé Apollon Pythien. Ovide, Métam., t. I, v. 434 sq. Le python était un esprit de divination, twz~)l<x jjiavTtxôv, qui habitait dans le corps du devin ; celui qui le possédait passait pour être inspiré par Apollon Pythien. A bon droit, Paul ne pouvait voir dans la femme qui vaticinait qu’une démoniaque. Au surplus, le témoignage de la prophétesse rappelle celui que les démoniaques rendirent à Jésus. Et ce témoignage, l’esprit de divination le rendait soit qu’il fût contraint à proclamer la vérité de la mission de Paul, soit qu’il voulût lui créer des difficultés dans son apostolat. Quoi qu’il en soit, l’esclave perdit son pouvoir de divination et ses maîtres, se voyant privés de leur gain, traînèrent Paul et Silas devant les magistrats.

Les auteurs ecclésiastiques, Tertullien, saint Augustin, saint Jérôme, donnent assez communément aux devins et pythonisses le nom de ventriloques. Ramsay. Paul, p. 215, ne veut voir dans l’esclave de Philippes qu’un cas de ventriloquie. S’exaltant par la croyance même en son pouvoir surnaturel, son esprit en aurait acquis une force merveilleuse de pénétration et d’intuition. E. Jacquier, Les Actes des apôtres, Paris, 1920, p. 490-497.

Réponse à une objection.

Et qu’on ne dise point

que les démoniaques dont il est question dans l’Évangile étaient des malades dont la maladie, selon un pré-