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    1. PORTUGAL##


PORTUGAL. SITUATION RELIGIEUSE

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situation du catholicisme au Portugal et des rapports de l’Étal avec le Saint-Siège, il faut reculer d’un siècle Et ce fut un mauvais siècle.

L’infiltration libérale.

L’année de Napoléon fut l’un des véhicules des idées libérales au Portugal. Un autre fut les sociétés secrètes. A l’approche des troupes napoléoniennes, le roi Jean VI s’embarqua ppur le Brésil, alors colonie portugaise. Faute d’un gouvernement personnel, les affaires publiques étaient extrêmement troublées. Après la troisième et dernière invasion française, celle de Masséna, l’Anglais Beresford devint le régent du royaume. Le mécontentement était général et la révolution de 1820 se fit plutôt contre cette régence. Lorsque le roi Jean VI revint du Brésil, Beresford rentra dans son pays. Les Cortès réunies votèrent une charte qui établit une constitution libérale.

Le clergé des campagnes se montrait plutôt favorable aux idées nouvelles, car, sous l’ancien régime, les rentes ecclésiastiques appartenaient presque entièrement aux prélats et aux hautes dignités. Le clergé mettait donc son espoir dans la constitution ; mais celle-ci n’établit rien à ce sujet. Le clergé non seulement n’en retira aucun profit, mais, au contraire, il a vu se multiplier le manque d’égards envers la religion.

Malgré la constitution, libéraux et partisans de l’ancien régime restaient en présence. Des deux fils du roi Jean VI, l’un, don Pedro, vivait au Brésil dont il fut proclamé empereur : l’autre, don Miguel, était demeuré en Europe. Les absolutistes soutenaient celui-ci ; les libéraux don Pedro. Le clergé, déçu dans ses espoirs, suivit en masse don Miguel qui, par un coup d’État, se fit proclamer roi (1828). La réaction libérale ne tarda pas à se produire et la guerre civile éclata. Don Pedro, ayant renoncé à la couronne du Brésil, s’empara du gouvernement de Lisbonne au nom de sa fille, Maria II.

Ce fut alors une époque de représailles et de persécutions contre le clergé. Les relations diplomatiques avec le Saint-Siège furent rompues. Quelques ecclésiastiques acceptèrent des charges du gouvernement en dépit des canons et même contre les droits du Saint-Siège. Avec de semblables complicités, la persécution des ordres religieux (1834) ne pouvait que se produire. Leurs maisons furent confisquées. Les biens des religieux, disait-on, serviraient à payer les dépenses de la guerre civile. En fait, ils furent vendus à vil prix à des amis politiques et les dettes restèrent à la charge du trésor public.

Les persécutions, ici comme ailleurs, amènent toujours un besoin de paix. En 1842, le nonce rentra à Lisbonne, et peu à peu les affaires catholiques reprirent leur physionomie habituelle. Par malheur, depuis la Révolution, aucun gouvernement ne fut nettement favorable à la religion. De l’indifférence, parfois de la tolérance, de faveur jamais. Les lois contraires aux congrégations resteront en vigueur sous le nouveau régime monarchique. Cette demi-tolérance suffit néanmoins à la reconstitution de quelques ordres religieux et à l’épanouissement d’une vie catholique assez intense surtout dans les provinces du Nord. Celles du Sud n’en ont pas suflisamment profité. On parvint à fonder une dizaine de bons collèges catholiques, l’Apostolat de la prière obtint des succès, la bonne presse s’affermit. On assista à une expansion missionnaire remarquable qui reçut des subventions officielles. Mais l’atmosphère resta toujours chargée de menaces. Au premier prétexte, on persécutait les catholiques les plus en vue, c’est-à-dire, précisément ceux qui, par leur culture, leur influence ou leur esprit d’initiative, pouvaient gêner les menées des rationalistes ou des sociétés secrètes, et arriver à refaire un Portugal catholique. La politique s’en mêla. Les hommes au pouvoir parlaient de « notre cher clergé paroissial ». On l’adulait dans des buts politiques, pour en obtenir les voix et toujours avec l’arrière-pensée de boycotter les instructions de Rome, les ordonnances des évêques et l’influence des ordres religieux.

Une jeune fille majeure, dont le père contrariait la vocation religieuse tenta de réaliser son désir (affaire Calmon, 1901). Ce fut le prétexte d’une campagne de presse contre les congrégations, et même de persécutions officielles. Beaucoup de maisons religieuses furent fermées. La monarchie se montrait chaque fois plus faible ou complice des loges. De concession en concession, de persécution en persécution, elle préparait ainsi l’abîme où elle-même allait tomber.

La république et le catholicisme.

Le roi Carlos et le prince héritier furent assassinés le 1er  février 1908. Le 5 octobre 1910, la république fut proclamée. Trois jours après, le 8, furent remises en vigueur les lois périmées de Pombal contre les jésuites (1759) et celles de 1834 contre tous les ordres religieux. La Compagnie de Jésus eut à subir une persécution plus intense. Tandis que la résidence au Portugal était permise aux autres religieux, comme individus, elle était défendue aux jésuites. On les déclara déchus de leur nationalité. Ce fut le plus monstrueux acte juridique que la passion sectaire ait jamais engendré. Tous les rapports avec le Saint-Siège furent rompus, les biens de l’Église confisqués. D’autres graves injustices furent commises. Il suffisait de critiquer les mesures sectaires du gouvernement pour en encourir la colère. Presque tous les évêques furent ainsi chassés de leurs évêchés. Le 3 novembre 1910, fut décrétée la loi de divorce et, le 20 avril 191 1.1a loi de séparation de l’Église et de l’État. Le 19 août 1911, la constitution républicaine fut proclamée.

La Constitution de la république portugaise débute par la promesse d’un régime de « liberté et de justice ». Dans le titre II (des droits et garanties individuelles),
art. 3, la Constitution « garantit aux Portugais et aux étrangers résidant dans le pays, l’inviolabilité des droits concernant la liberté, la sécurité individuelle et la propriété » ;
art. 4, la liberté de conscience et de croyance est inviolable ;
art. 5, l’État reconnaît l’égalité politique et civile de tous les cultes ; il en garantit l’exercice dans les limites compatibles avec l’ordre public, les lois et les bonnes mœurs, pourvu qu’ils n’offensent pas les principes du droit public portugais ;
art. 6, personne ne peut être poursuivi par motif de religion ni interrogé par aucune autorité au sujet de la religion qu’il professe ;
art. 7, personne ne peut être privé d’un droit ni être exempté de l’accomplissement d’un devoir civique pour motif d’opinion religieuse ;
art. 8, le culte public d’une religion quelconque dans les maisons choisies ou destinées à cet effet par les croyants respectifs est libre. Ces maisons peuvent toujours prendre la forme extérieure d’une église. Dans l’intérêt de l’ordre public et de la liberté et sécurité des citoyens, une loi spéciale fixera les conditions de son exercice ;
art. 9, les cimetières publics auront un caractère séculier, il appartient à la liberté de chaque culte religieux d’y pratiquer les rites, pourvu qu’ils n’offensent ni la morale publique, ni les principes du droit public portugais, ni la loi ;
art. 10, l’enseignement donné dans les établissements publics et particuliers contrôlés par l’État sera neutre en matière religieuse :
art. 11, on maintient l’enseignement primaire élémentaire obligatoire et gratuit :
art. 12. on maintient la législation en vigueur qui a supprimé et dissous, au Portugal, la Compagnie de Jésus, les sociétés affiliées à celle-ci, quelle que soit leur dénomination, et toutes les congrégations religieuses et ordres monastiques, qui ne pourront jamais être admis en territoire portugais ;
art. 13, l’expression de la pensée, quelle que soit