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PORTIONCULE. HISTOIRE

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auraient donné à l’église le nom de Marie-de-Josaphat. Non moins légendaire est le récit, d’après lequel saint Benoit, en 516, aurait agrandi la chapelle et bâti un couvent autour d’elle, sur un terrain concédé par Assise. Comme la pièce de terre était petite, on l’appela Purticella et ensuite Portiuncula. L’église aurait été le théâtre d’apparitions angéliques accompagnées de chants : d’où le nom de Notre-Dame-des-Anges. Ce double récit rapporté par le P. Vitale ne présente aucune garantie d’authenticité, comme l’a abondamment prouvé le P. Edouard d’Alençon, O. M. Ci.p., Des origines de l’église de la Portioncule et de ses diverses de’nominations, dans Éludes franciscaines, t. xi, 190-4, p. 585-598. Les historiens primitifs de saint François se contentent de dire que c’était une chapelle de construction ancienne (mot très vague) et que les vieilles gens la désignaient du nom de Sainte-Marie-des-Anges, qui aurait été son nom primitif, à moins qu’il ne lui fût venu d’apparitions angéliques dont elle avait été le théâtre. Du temps de saint François, elle appartenait à l’abbaye des bénédictins du Mont-Soubase, auprès d’Assise. D’où l’on peut légitimement supposer que ce petit sanctuaire avait été bâti par eux à une époque assez éloignée de saint François (xe siècle). Mais, en dehors de cela, on ne peut rien affirmer, car toute preuve fait défaut.

A la fin du xiie siècle, le sanctuaire était abandonné et tombait en ruines. Après avoir restauré la Portioncule, saint François aimait à demeurer près d’elle et c’est là qu’il assistait à la messe, quand, le 24 février 1209, la lecture de l’Évangile lui révéla sa vocation. Bientôt, des disciples se groupèrent autour de lui et l’abbé du Mont-Soubase leur céda la jouissance de la Portioncule et du terrain qui l’entourait.

II. L’indulgence de la Portioncule. Son histoire. — Ce sanctuaire de la Portioncule est particulièrement célèbre à cause de l’indulgence du même nom, qui y est attachée. Si, au point de vue juridicocanonique, aucun doute ne peut subsister au sujet de l’authenticité et de la légitimité de cette indulgence, cependant, au point de vue historique, les origines en sont encore enveloppées dans d’épaisses ténèbres.

Le problème historique.

Parmi les multiples problèmes

de la question franciscaine, il n’y en a aucun qui ait été aussi ardemment débattu que celui de l’authenticité historique de l’indulgence plénière de la Portioncule. Elle a fait couler l’encre dès le dernier quart du xiii c siècle et, depuis lors jusqu’à maintenant, elle a compté autant d’adversaires que de défenseurs. Ce n’est point ici l’endroit de refaire l’histoire de cette controverse séculaire ; nous dirons seulement où en sont arrivées les études sur l’authenticité historique de l’indulgence de la Portioncule.

De nos jours, comme pendant les siècles antérieurs, les historiens sont divisés en deux camps, dont les uns acceptent et les autres rejettent, comme un fait dûment établi, qu’il faut faire remonter l’origine de l’indulgence de la Portioncule à saint François, qui, en 1216, aurait demandé et obtenu de vive voix, du pape Honorius III, alors à Pérouse, une indulgence plénière en faveur de tous ceux qui, contrits et confessés, visiteraient chaque année l’église de la Portioncule, depuis les vêpres du 1° août jusqu’aux vêpres du jour suivant.

1. Les défenseurs de l’authenticité et leurs arguments.

— Parmi les défenseurs récents de l’authenticité historique de l’indulgence de la Portioncule, il faut noter avant tout P. Sabatier, qui, après avoir rejeté en bloc, pour des raisons d’ordre psychologique et historique, tout ce qui avait trait à ce fameux pardon dans sa Vie de saint François d’Assise, Paris, 1894, p. 412-418, est arrivé par de nouvelles études à en défendre l’authenticité dans Étude critique sur la concession de l’in dulgence de la Portioncule, dans Revue historique, t. lxii, 1896, p. 282-318, et dans Francisci lUirlholi tractatus de indulgentia S. Mariée de Portiuncula, Paris, 1900, p. xvii-ciii. Cette nouvelle attitude du biographe de saint François eut pour résultat d’amener un certain nombre d’historiens à examiner de plus près, au point de vue de son origine, la célèbre indulgence de la Portioncule. Mais, chose étrange, tandis qu’après une étude approfondie des sources publiées par P. Sabatier, l’école protestante allemande, représentée par K. Muller et Zôckler, tendait à admettre les conclusions du critique français, des historiens catholiques abandonnaient la thèse de l’authenticité de cette indulgence, refusaient de rattacher plus longtemps à saint François l’origine du pardon de la Portioncule et soutenaient qu’Honorius III n’avait jamais accordé une indulgence plénière à la chapelle de la Portioncule. Tels sont le P. Fr. Van Ortroy, bollandiste, P. A. Kirsch, et surtout N. Paulus, le célèbre historien des indulgences, qui, après avoir défendu l’authenticité de l’indulgence, la nia énergiquement après. Les enfants de saint François se crurent le devoir de rompre le silence, en face de cette nouvelle croisade entreprise contre l’une des plus chères traditions de l’ordre séraphique, et s’efforcèrent de prouver que rien n’autorisait la critique moderne à reléguer dans le domaine de la légende un fait universellement admis dans l’histoire et solennellement reconnu par l’Église. Parmi eux il faut citer notamment les PP. H. Holzapfel, L. Lemmens, St. Van de Velde, L. Oliger, A. Fantozzi, E. Giusto, Bené de Nantes, auxquels il faut ajouter M. Faloci Pulignani et A. Fierens. D’après ces derniers auteurs, des témoignages irrécusables établiraient l’authenticité historique de l’indulgence de la Portioncule, obtenue du pape Honorius par saint François, en 1216. P. Sabatier divise les documents en trois séries dont les deux premières constitueraient la tradition officielle de l’ordre jusqu’aux environs de 1330 et la dernière contiendrait la tradition populaire. La I’e série, de beaucoup la plus importante par le nombre des témoignages et leur autorité, date de 1277 et contient des attestations juridiques notariées. Les actes certifiant la vérité historique de l’indulgence accordée à saint François, qui appartiennent à ce groupe, sont les suivants : Benoît d’Arezzo et Raynier d’Arezzo (qu’on ne peut point confondre avec le bienheureux Raynier de Borgo San Sepolcro, comme tous les historiens l’ont fait à tort jusqu’ici, cf. L. Kern, Le bienheureux Raynier de Borgo San Sepolcro de l’ordre des frères mineurs, dans Revue d’hist. francise, t. vii, 1930, p. 233-283), auraient entendu le récit de l’indulgence de la bouche même du frère Massée, qui avait accompagné saint François à Pérouse ; Jacques Coppoli rapporte, de son côté, le témoignage de frère Léon ; Pierre Zalfani soutient avoir assisté en per sonne à la consécration de la chapelle de la Portioncule et avoir entendu saint François promulguer l’indulgence en présence de sept évêques et d’une foule nombreuse ; il y a enfin les témoignages du frère Marino, neveu de frère Massée ; du frère Oddo d’Acquasparta : du frère PierreJean Olivi, qui écrivit une Quæstio en faveur de l’authenticité de l’indulgence (publiée d’abord dans les Acta ordinis minorum, t. xiv, 1895, p. 139-145, et ensuite à part, à Quaracchi, en 1895). A cette brusque éclosion de certificats notariés succède un silence complet. Selon les défenseurs de l’indulgence, la réponse faite en 1277 aux adversaires fut si péremptoire que, pendant une génération, elle enleva aux envieux toute velléité de reprendre L’offensive. Mais, au commencement du xiv c siècle, continuent-ils, l’ordre avait essuyé une crise si terrible, l’affaire des fraticelli avait tellement ému la papauté, que les ennemis des franciscains reprirent courage et allèrent