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tions qui y sont traitées. Son œuvre écrite se borne donc aux articles de revue et de dictionnaire dont on trouvera la liste exacte à la fin de la notice que lui a consacrée le Bulletin de littérature ecclésiastique dans sa chronique de 1909. Elle est due aux PP. Tustes, Besson et à M. Saltet. Un tirage à part en a été fait qui contient aussi l’allocution prononcée aux funérailles par M. le doyen Maisonneuve. Les Éludes du 5 mai 1909 ont aussi consacré quelques pages à leur collaborateur, t. cxix, p. 297-302.

F. Cavallera.

    1. PORTALIS Jean-Étienne-Marie##


PORTALIS Jean-Étienne-Marie, jurisconsulte et homme politique français, né au Bausset (Var), le 1 er avril 1746, mort à Paris, le 23 août 1807.

D’une famille bourgeoise, fixée dans les professions libérales, il fit ses études classiques chez les oratoriens, à Toulon, puis à Marseille, et son droit à Aix. De bonne heure, il affirme sa valeur intellectuelle et son esprit religieux qui ne se démentit jamaif. Dès 1762, il publie un petit écrit intitulé Des préjugés, où il étudie les préjugés de toutes catégories, ceux d’usage et de société, ceux de parti, ceux qui tiennent à l’époque… et où, nécessairement, suivant le mot de Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. v, 1862, art. Portalis, p. 354, « il y a du tâtonnement et du mélange ». En 1763, il fait paraître des Observations sur une œuvre intitulée : Emile ou de l’éducation, in-12, Avignon. Il y accuse Rousseau — à qui les Préjugés reprochaient déjà ses vues et ses prophéties démocratiques — de penser moins à former l’homme qu’à le déchristianiser. En 1765, il est avocat au parlement d’Aix. Il y prend aussitôt figure de novateur, se dégageant, dans une mesure restreinte toutefois, des formes traditionnelles, c’est-à-dire, substituant aux commentaires des textes et de la jurisprudence une éloquence plus humaine, basée davantage sur les considérations morales, philosophiques et historiques. « Il fut en quelque sorte, dit Sainte-Beuve, loc. cit., p. 355, le Daguesseau de la Provence. »

Durant vingt-trois ans, jusqu’aux édits du 8 mai 1788, sa haute valeur professionnelle et morale lui assure, non seulement auprès du parlement de Provence, mais dans toute la province, un rôle de premier plan et le fait connaître jusqu’à Paris et à Versailles. Avocat, il figure en deux procès fameux : contre Beaumarchais à propos de son règlement de comptes avec le financier Paris-Duverney, mort le 17 juillet 1770, pour le comte de La Blache et, en 1782, contre Mirabeau dans le procès en séparation de corps et de biens que lui intente la comtesse. Dans l’intervalle, en 1771, il a publié, sur la demande de Choiseul, une Consultation sur la validité des mariages des protestants de France, in-12, La Haye et Paris, où il soutient qu’au point de vue civil la validité du mariage est indépendante de la bénédiction religieuse et qui prépare ainsi l’édit de tolérance de 1787. En 1778, il fut élu assesseur d’Aix, c’est-à-dire, l’un des quatre administrateurs électifs de la province.

Après les édits Brienne-Lamoignon du 8 mai 1788, il rédigea la protestation des avocats au parlement d’Aix, sous ce titre, Lettre au garde des sceaux et il publia un Examen impartial des nouveaux édits. « Ces deux écrits, dit Sainte-Beuve, loc. cit., p. 356, nous le montrent dans sa modération, ses réserves et ses timidités même, et aussi dans son fonds de solidité et de doctrine. » Cf. Aubépin, Portalis, avocat au parlement de Provence, dans Revue historique du droit français et étranger, t. ii, p. 180. Malgré cette forte situation, il ne fut pas des États généraux, sans doute écarté par Mirabeau, tout-puissant en Provence. Pendant la Révolution, il vécut dans sa terre des Pradeaux, au Bausset, puis à Lyon, à Paris, où il fut emprisonné, fin 1793. L’intervention de Desvieux, membre de la Commune de Paris, qui l’avait connu à Aix, ayant retardé sa

comparution devant le tribunal révolutionnaire, il fut délivré après le 9 thermidor. Il reste alors à Paris et y reprend sa profession d’avocat. Aux élections de l’an III, élu à Paris et dans les Bouches-du-Khône, il opte pour Paris et entre au Conseil des anciens. En juin 1796, il sera même président de cette assemblée. Il s’y montre avide de justice et hostile aux mesures d’exception. Ainsi, le 9 fructidor an IV (26 août 1796) il fit rejeter par les Anciens la résolution votée par les Cinq-Cents le 17 floréal (6 mai) précédent, qui condamnait à la déportation les prêtres présents sur le territoire français et qui n’avaient pas prêté les serments de 1790 et de 1792. Il montra que la proposition était injuste et serait inefficace. Que l’on punisse les prêtres factieux, bien ; mais c’est par la liberté seulement que l’on tue le fanatisme. Aussi n’échappa-t-il que par la fuite aux proscriptions du 18 fructidor ; il se réfugia dans le Holstein où il écrivit un ouvrage publié seulement après sa mort sous ce titre : De l’usage et de l’abus de l’esprit philosophique au XVIIIe siècle…. ouvrage posthume, publié par le comte Joseph-Marie Portalis, précédé d’une introduction sur la vie de l’auteur et d’un Discours préliminaire, par l’éditeur, 2 vol. in-8°, Paris, 1820 ; 2e édit., précédée d’un Essai sur l’origine, l’histoire et les progrès de la littérature française et de la philosophie, par M. le comte Joseph-Marie Portalis, 2 vol. in-8°, 1827 ; 3e édit., revue et augmentée d’un Avertissement inédit, 2 vol. in-8°, Paris, 1833. Portalis, comme Bonald, de Maistre, Chateaubriand, Rivarol, et tous les émigrés qui pensaient (cf. Baldensperger, Le mouvement des idées dans l’émigration française, (1789-1815), 2 vol. in-8°, Paris, 1925), recherche les causes de la situation où est la France et quels remèdes y conviennent. Il montre en cette étude sa pondération habituelle et ses tendances professionnelles. C’est l’abus de l’esprit philosophique par les sophistes qui a décomposé la société. Il croit à la raison humaine et à la réflexion saine, mais la pire des corruptions est bien celle qu’un faux esprit philosophique répand dans la morale publique et dans la législation. A un peuple ainsi corrompu il faut, pour le régénérer, ou la domination d’.un autre peuple plus sain ou un libérateur. Chemin faisant, dans cet ouvrage touffu, se rencontrent des vues que la critique contemporaine a reprises : ainsi l’influence du mouvement scientifique au xviiie siècle sur l’esprit philosophique pour le déshabituer de l’idée de Providence. Loc. cit., 3e édit., t. ii, p. 173 sq. ; cf. Maigron, Fontenelle, in-8°, Paris, 1906, p. 287 sq., et Lanson, La formation de l’esprit philosophique, dans Revue des cours et conférences, 26 novembre et 8 décembre 1908.

Rentré en France après le 18 brumaire, présenté au « libérateur » Bonaparte, par Lebrun, nommé presque aussitôt commissaire au Conseil des prises, conseiller d’État en septembre 1800, il travailla avec Tronchet. Bigot de Préameneu et Maleville à la rédaction du Code civil et à sa défense devant les assemblées. Cf. Discours, rapports et travaux inédits sur le Code civil, par Jean-Étienne-Marie Portalis, publiés par le vicomte Frédéric Portalis, Paris, 1844, in-8°. Chargé des affaires concernant les cultes, en octobre 1800, et, en juin 1804, ministre des Cultes, il fut un auxiliaire important de Bonaparte dans la réorganisation religieuse. Il apporta à cette tâche ses préoccupations de croyant mais aussi de gallican et son constant esprit de justice.

Son petit-fils, le vicomte Frédéric Portalis, a publié, de même que pour le Code civil, les Discours, rapports et travaux inédits sur le concordat de 1801 (26 messidor an IX), les articles organiques publiés en même temps que ce concordat (loi du 18 germinal an X, 8 avril 1802), et sur diverses questions du droit public concernant la liberté des cultes… par Jean-Étienne-Marie Portalis, in-8°, Paris, 1845, volume important pour quiconque