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PORPHYRE. SA POLÉMIQUE
« Votre père, c’est le diable », Apocril., ii, 16 ; Joa.,

xii, 31 : « Le prince de ce monde va être jeté dehors », Apocrit., ii, 15 ; lui qui ose faire récompenser la lâcheté de saint Pierre, Joa., xxi, 15 : « Pais mes agneaux ». Apocrit., iii, 22. Aussi bien, lorsqu’il raconte des choses impossibles, par exemple, dans l’épisode du coup de lance, xix, 31-37, l’eau et le sang qui sortent d’un cadavre, il a beau déclarer que son témoignage est véridique, on. sait à quoi s’en tenir. Apocril., ii, 13.

Saint Matthieu n’est guère moins stupide. Il attribue à Isaïe un psaume d’Asaph, Matth., xiii, 25. Jérôme, Tract, de psalmo LXXVI1, Anecd. Mareds., t. m b, p. 60. Il se trompe dans la généalogie de Jésus et fait de Jéchonias un fils de Josias, Matth., i, 11-12. Jérôme, In Daniel., i, 1 ; Pacatus, éd. Pitra, op. cit., p. lviii sq. Il attribue au Créateur, Matth., xrx, 5, les paroles d’Adam, Gen., ii, 23. Pacatus, Pseudopolgc, n. 1, P. G., t. v, col. 1025 sq. Lors de sa vocation, Matth., ix, 9, quand il suit inconsidérément le premier venu qui l’appelle, il a bien l’air d’un insensé, à moins qu’il ne soit un imposteur. Jérôme, In Matth., ix, 9. Il fait dire à Jésus que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre Pierre, Matth., xvi, 18, et celui-ci sera cependant crucifié après quelques mois d’apostolat. Apocrit., iii, 22.

Porphyre devait attaquer saint Marc et saint Luc avec moins d’acharnement. En tout cas, nous n’avons pas conservé un aussi grand nombre de critiques à leur égard. Il reprochait toutefois au premier d’avoir confondu Isaïe et Malachie, Marc, i, 2 ; cf. Jérôme, In Matth., ni, 3 ; Tract, in Marci evang., Anecd. Mared., t. m b, p. 320, et d’avoir exagéré à plaisir, Marc, v, 13, le nombre des pourceaux dans l’épisode du démoniaque au pays des Géraséniens. Apocrit., ni, 4. Il traitait aussi le second de plagiaire, à propos d’Act., xv, 20, dans Eusèbe ; cf. v. d. Goltz, op. cit. Mais sa verve s’exerçait beaucoup plus librement encore sur les contradictions flagrantes entre les évangélistes et sur leur façon légendaire d’écrire l’histoire. Luc dans Act., i, 16 sq., et Matthieu, xxvii, 3 sq., sont en opposition au sujet de la mort de Judas. Apocriticus, d’après la note marginale d’un manuscrit étudié par Schalkhausser, Zu den Schri/ten des Makarios Magnes, Leipzig, 1907, p. 13, dans Texte und Unters., t. xxxi, fasc. 4. Marc, xv, 25, et Joa., xix, 14, ne s’entendent pas sur l’heure du crucifiement. Jérôme, Tract, de psalmo LXXVII, Anecd. Mareds., p. 60 ; Pacatus, éd. Pitra, op. cit., p. lxiv. Tous les quatre commencent le récit de la vie du Sauveur d’une manière complètement différente. Pacatus, Pseudo-Polyc, n. 3, P. G., t. v, col. 1025 sq. Tous les quatre aussi racontent la mort du Christ avec tant de variations qu’on est en droit de se demander s’il s’agit bien du même personnage. Apocrit., ii, 12. L’un fait dire à Jésus : « Je remettrai mon esprit entre vos mams », Luc, xxiii, 46 ; l’autre : « C’est consommé », Joa., xix, 30 ; celui-ci : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » Matth., xxvii, 46 ; celui-là : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous déshonoré ? » Marc, xv, 34, dans D. On ne sait à qui entendre. De même, dans Marc, xv, 36, on offre au Christ du vinaigre, qu’il accepte, Joa., xix, 30, tandis que, dans Matth., xxvii, 34, on lui présente du vin mêlé à du fiel qu’il ne veut pas boire. Tout autant de contradictions formelles.

Ajoutez à cela les invraisemblances les plus criantes. Ainsi, dans l’histoire des porcs jetés à la mer, comment pouvait-il y avoir dans la région un si grand nombre de ces animaux considérés par les juifs comme impurs ? Comment surtout auraient-ils pu tous se noyer dans cette mare qu’est le lac de Tibériadee Apocrit., ni, 4. Les évangélistes l’appellent bien un ? t mer » pour donner le change, Apocril., ni, 6 ; Jérôme,

Quæsl. in Gènes., i, 10, mais ceux qui connaissent le pays savent qu’il s’agit d’un très petit lac qu’on peut traverser en moins de deux heures, sans avoir à redouter ni vagues, ni tempête. L’épisode de la marche de Jésus sur la mer, Marc, vi, 45-52 ; Matth., xiv, 22-33, où les apôtres luttent contre les flots pendant neuf heures, est donc encore une invention ridicule, un conte pour les petits enfants. Apocril., iii, 6.

3. Saint Pierre, saint Paul et les premiers apôtres. — Les violences de Porphyre à l’adresse des évangélistes ne sont rien, toutefois, en comparaison de celles dont il gratilie les compagnons du Sauveur et les premiers ouvriers apostoliques. Saint Pierre est particulièrement visé. « Ce coryphée des apôtres, ce porte-clés du royaume des cieux ! » Apocril., ni, 19, est avant tout un lâche. Au seul nom de Jésus, prononcé par une pauvre servante, il se met à trembler de tous ses membres et se parjure jusqu’à trois fois. Apocrit., iii, 19 et 21. Loin de mépriser la mort, il s’échappe de prison pendant la nuit, Act., xii, 3-11, 18-19, sans s’inquiéter des conséquences déplorables de sa fuite pour ses gardiens, Apocrit., iii, 22. A Antioche, c’est aussi par crainte qu’il agit, lorsqu’à l’arrivée des envoyés de Jacques, Gal., ii, 12, 13, il règle sa conduite sur l’opinion des hommes et se met à vivre dans la dissimulation. Apocrit., iii, 22. Quel étrange « prophète de la voix de Dieu » ! Sa poltronnerie n’a d’égale que sa cruauté. Bien qu’il ait reçu l’ordre de pardonner soixante-dix fois sept fois, Matth., xviii, 22, du premier coup il tranche l’oreille du serviteur du grand prêtre, Matth., xxvi, 51, qui n’a fait qu’obéir à son maître, Apocrit., ni, 20, et, plus tard, il met à mort, sans autre forme de procès, Ananias et Sapphire dont le seul crime était de n’avoir pas donné toute leur fortune. Apocrit., iii, 21 ; Jérôme, Epist., cxxx, 14. Saint Paul l’a bien jugé dans son épître aux Galates, Apocrit. , iii, 22 ; Jérôme, In Gal., prol., i, 1, 16 ; ii, Il sq. ; v, 10, 12, tout spécialement lorsqu’il l’a traité d’hypocrite. Gal., ii, 13, et quand il l’a couvert de mépris, ainsi que les autres colonnes de l’Église, par cette expression : « ni la chair ni le sang », Gal., i, 16, car il dit ailleurs, I Cor., xv, 50 : « la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu ». Ce prétendu chef, qui vivait avec une femme, I Cor., ix, 5, n’est donc qu’un faux apôtre et un mauvais ouvrier, II Cor., xi, 13. Apocrit., iii, 22. Sa mort honteuse est le juste couronnement de sa vie. Apocrit., iv, 4.

Si Porphyre s’appuie sur saint Paul pour condamner saint Pierre, ce n’est pas qu’il ait dessein de ménager l’apôtre des gentils. Tout au rebours, il s’acharne contre lui avec une rigueur implacable. Lors de l’incident d’Antioche, Paul a fait preuve d’abord d’impudence, en osant s’élever contre Pierre, ensuite de jalousie, véritable motif de sa résistance, enfin peut-être aussi de vantardise, car son récit ne doit pas être pris au pied de la lettre. Jérôme, Epist., cxii, 6, 11. Ses conquêtes apostoliques sont le résultat de son amour de la vaine gloire et de sa cupidité. Il pousse même si loin son âpreté au gain qu’il va jusque fausser le sens des Écritures, I Cor., ix, 7-10, cf. Ps., viii, 8 sq., pour justifier ses vues intéressées. Apocrit., iii, 32 ; Jérôme, Tract, de psatm. LXXXI, Anecd. Mareds., p. 80. Sa rhétorique grossière est remplie d’absurdités. Il suffit, pour s’en convaincre, d’examiner un peu sa façon de raisonner, I Cor., vii, 29-31 : « Celui qui possède doit être comme celui qui ne possède pas, celui qui se réjouit comme celui qui ne se réjouit pas. » Apocrit., iv, 1. Après cela, comment se fier à un tel maître, lorsqu’il vous enseigne, I Thess’., iv, 17, au mépris de toutes les lois fixant l’ordonnance du monde, que les justes voleront dans les airs lors de la parousie prochaine du Seigneur ? Apocrit., iv, 2. Comment croire ce singulier prophète, qui s’est trompé de la manière