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sophe païen contre le Nouveau Testament. Il tâche insuite d’y répondre. Or, il est on ne peut plus vraisemblable que ces difficultés représentent, au moins substantiellement, les attaques du traité de Porphyre contre les chrétiens. Sans entrer dans le détail des preuves, il est du moins utile d’indiquer les principaux points de la démonstration.

a) Les objections de l’Apocriticus n’ont pas été composées par Macaire, mais elles sont l’œuvre d’un adversaire païen. Leur ton blasphématoire ne s’explique guère dans l’hypothèse d’un auteur chrétien. La faiblesse générale des réponses laisse aussi supposer que les questions n’ont pas été inventées par l’apologiste. Enfin, les divergences profondes de langue et surtout de style entre les objections et les réponses font encore ressortir davantage la dualité d’auteurs. Ce premier point est d’ailleurs admis aujourd’hui par tous les critiques.

b) Les objections de l’Apocriticus n’ont pas été formulées dans une réelle conférence contradictoire, mais elles sont tirées d’un ouvrage contre les chrétiens. A priori, la chose est fort probable, car ce genre de discussion, par demandes et réponses, était un procédé littéraire bien connu à l’époque : par exemple, les Dialogues de Justin avec Tryphon, de Jason et Papiscus, de l’Octavius, du De recta in Deum fide, etc. En réalité, le caractère factice de ce débat ne peut laisser de doute. Les citations de la Bible sont faites d’une manière différente dans la partie-objections et dans la partie-réponses : dans la première seulement, l’auteur suit un témoin du texte dit occidental. Les objections elles-mêmes ne se présentent pas dans le désordre inévitable d’une controverse publique. Elles portent successivement sur Notre-Seigneur : ses miracles et sa doctrine ; sur la personne des apôtres Pierre et Paul ; sur l’enseignement apostolique en général. C’est là un plan assez net, qui semble reproduirel’ordonnanced’un livre bien composé. Mieux encore. Alors que la plupart des questions s’enchaînent les unes les autres, il y a parfois entre elles des heurts qui dénotent visiblement des lacunes. Ce fait ne peut s’expliquer que si l’apologiste, en puisant lui-même les objections dans un ouvrage de polémique, en a écarté quelques-unes qui ne lui paraissaient pas convenir à son dessein.

c) Cet ouvrage, utilisé par Macaire, date de la seconde moitié du iiie siècle (252-302). Il n’a pu être écrit avant la persécution de Dèce (250) : certain membre de phrase (iv, 4) semble y faire allusion. En outre, l’auteur se place à un point de vue critique trop différent de celui de Celse pour n’avoir pas vécu assez longtemps après. Toutefois, plusieurs détails de son livre sur la situation légale des chrétiens et sur la compétence du Sénat en matière criminelle, ii, 14 ; iv, 4, ainsi que d’autres menus traits ne permettent pas de descendre au delà de la persécution de Dioclétien (303).

d) L’ouvrage de polémique qui est à la base de l’apologie de Macaire doit avoir été composé par Porphyre. Il y a, en effet, de grandes ressemblances, de fond, et même de style, entre certains arguments présentés par le philosophe païen de l’Apocriticus et d’autres objections attribuées à Porphyre par les Pères de l’Église. Ces rapprochements, qu’il serait trop long d’énumérer ici, apparaîtront d’ailleurs dans les références jointes à l’exposé que nous ferons plus loin de’a critique de Porphyre. Il suffît de noter que ces points de contact sont relativement nombreux, plus nombreux qu’il ne paraît au premier abord, puisque, malgré la rareté des restes authentiques du Kœrà Xp’.aT’.avwv, la moitié environ des attaques de l’Apocriticus y trouvent une correspondance assez exacte. Au reste, cette thèse est encore confirmée par plus d’un rapport frappant entre le caractère, la situation et les idées de

Porphyre, d’une part, et celles du philosophe païen chez Macaire, de l’autre : tous deux sont des Grecs vivant en Occident, ils ont le même goût pour la philosophie néoplatonicienne et pour les discussions érudites, ils se placent au même point de vue humanitaire, ils semblent, l’un et l’autre, avoir connu d’assez près le christianisme.

e) Toutefois, Macaire n’a pas emprunté directement ses objections au traité de Porphyre Contre les chrétiens ; il a puisé dans un pamphlet anonyme du début du ive siècle, qui reproduisait en substance, sinon toujours textuellement, les attaques de Porphyre. La preuve en est dans une des réponses (m, 42) où Macaire oppose à son adversaire une sentence de la Philosophie tirée des oracles. S’il avait vu Porphyre dans le philosophe païen qui réfute, il n’aurait pas manqué de le mettre en contradiction avec lui-même. De plus, si l’on compare les quelques débris du Korrà Xpicruavcôv, conservés par les Pères de l’Église avec les objections de l’Apocriticus, on constate, malgré les grandes ressemblances de fond que nous avons signalées, quelque diversité dans le ton de la polémique, dans la longueur des développements et dans l’ordonnance probable des matériaux. De là, on est porté à croire que l’ouvrage dont s’est servi Macaire n’était qu’un résumé-plagiat du traité de Porphyre. Au lieu de quinze livres, il n’en comportait vraisemblablement que deux ou trois. Au début de la dernière persécution, l’œuvre du philosophe néoplatonicien a dû être ainsi allégée, en vue de la propagande, des parties trop savantes qui n’avaient aucune chance de succès auprès de la masse. Quel est l’auteur de ce pamphlet anonyme ? Est-ce Hiéroclès, plagiaire émérite, au dire d’Eusèbe, Adv. Hier., 1, et dont le Philalèlhès en deux livres rappelle, d’après le résumé de Lactance, Inst. div., V, ii, plus d’un point de l’Apocriticus ? Est-ce l’autre philosophe, dépeint aussi par Lactance, ibid., comme l’auteur d’un ouvrage en trois livres sur le même sujet et dont le portrait correspond assez bien à celui de Porphyre ? La question importe peu. Il suffit que l’adversaire païen de Macaire reproduise, au moins pour le fond des choses, les arguments du Kaxà Xpiemavâ>v.

6. Saint Jérôme.

Au premier abord, son témoignage semble très autorisé. Le fait qu’il renvoie volontiers aux objections de Porphyre, tout spécialement dans son Commentaire sur Daniel, le projet qu’il a formé de le réfuter en détail, In Gal., ii, 1 sq., la façon dont il l’accable de ses traits : stultus, impiissimus, blasphemus, uesanus, sceleratus, impudens, sycophantes, calumnialor Ecclesiæ, latrans et rabidus adversus Christum canis, tout porterait à croire qu’il a examiné les attaques du philosophe païen dans le texte même.

A la réflexion, il est permis d’en douter. Souvent, en effet, lorsqu’il cite Porphyre, il nomme en même temps Méthode, Eusèbe ou Apollinaire : on dirait que ce sont là ses garants et qu’il n’en a pas d’autres. De plus, à de rares exceptions près, ses citations ne sont pas textuelles et ne font que résumer la difficulté. Il n’y en a même aucune qui témoigne clairement d’une connaissance personnelle du traité Contre les chrétiens. On se tromperait donc singulièrement si l’on tenait pour certain que saint Jérôme, dans sa critique de Porphyre, est un témoin direct.

Ses attestations n’en gardent pas moins une réelle valeur. On en compte plus d’une vingtaine. Quelquesunes, il est vrai, sont seulement probables : In Gai.. i, 1 ; v, 10, 12 ; In Matth., xv, 17 ; xxr, 21 ; xxvir, 45 : In Os., i, 2, 8 sq. Mais, dans l’ensemble, elles permettent tout d’abord d’authentiquer les objections du philosophe païen de Macaire. De plus, certaines d’entre elles, qui portent sur de simples détails du texte sacré, manifestent combien était minutieuse l’exégèse de Porphyre : In Cal., t. 16 ; De psalm. /va i // ; Qusest. in