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PORPHYRE. RECONSTITUTION DU TRAITÉ


S. Jérôme, De vir. ill., 81. Harnack prétend que Porphyre a dû le commencer à Rome et C. Schmidt ajoute : à l’instigation de Plotin. Deux hypothèses très peu probables, étant donnés l’esprit de tolérance religieuse pratiqué alors (259-268) par le pouvoir impérial et le noble caractère du chef de l’école néoplatonicienne.

Sans qu’il soit possible de fixer une date précise, on ne risque guère de se tromper en plaçant la composition de cet ouvrage dans les premières années du séjour de Porphyre en Sicile (268-275). Sa publication semble, en effet, en rapport avec la politique de l’empereur Aurélien (270-275), qui visait à restaurer, au besoin par la force, l’unité religieuse de l’État. Sans doute, Porphyre était loin de la capitale, mais il comptait à Rome, parmi ses amis, plus d’un personnage influent. Ils ont pu craindre que cette réaction violente contre le régime de Gallien n’entraînât la ruine de l’école ; ils avaient tout à gagner à vivre toujours en bons rapports avec le pouvoir et à participer, eux aussi, à leur manière, au succès des nouveaux desseins de l’autorité. Il suffisait d’attaquer le christianisme. Porphyre était l’homme de la situation. Ses vastes connaissances, son humeur caustique, son zèle de propagandiste, son mépris pour les religions populaires, sans oublier ses anciens rapports avec l’Église et ses premières attaques contre les chrétiens dans la Philosophie des oracles et dans les Images des dieux, tout le désignait pour cette œuvre.

Chose curieuse, les représentants les plus illustres de l’hellénisme ne parlent jamais de ce grand ouvrage. Ils se contentent de le piller. Tel Hiéroclès, dont le <P’.XaXr ; 8r, ç repôç Xpioriavouç, publié pendant la dernière persécution, n’était, au dire d’Eusèbe, Adv. Hier., 1, P. G., t. xxii, col. 795, qu’un honteux plagiat. Il est vrai que l’évêque de Césarée parle seulement d’emprunts à Celse, ibid., mais le résumé du livre dans Lactance, Inst. div., V, ii-iii, montre que l’auteur ne s’est pas moins inspiré des arguments de Porphyre. A la même époque, un auteur anonyme résume, en deux ou trois livres, les principales objections du philosophe païen et c’est ce nouvel écrit que réfutera plus tard Macarius Magnés dans son’A-oxp’.Tixôç y ; Movoyevyjç. Enfin, si Julien l’Apostat, dans toute son œuvre antichrétienne, se donne garde de nommer Porphyre, il lui doit cependant beaucoup. Au reste, en étudiant plus loin l’influence de Porphyre, nous expliquerons à la fois le caractère de son action et l’attitude réservée de son propre parti.

La célébrité lui vint, semble-t-il, du camp adverse : on compte au moins quatre, sinon cinq réfutations du y.~x Xpumavcâv par les écrivains ecclésiastiques. La plus ancienne est celle de Méthode d’Olympe, mort en 311. Il l’écrivit peut-être du vivant de Porphyre, mais ce n’était pas une critique détaillée, car l’ouvrage n’avait pas plus de dix mille lignes. Saint Jérôme, De vir. ill., 83 ; Epist., lxx, 3, Ad Magnum ; Comm. in Daniel, prolog. ; Philostorge, Hist. eccl., viii, 14, éd. Bidez, p. 1 15. — La réfutation d’Eusèbe de Césarée, probablement une œuvre de jeunesse (Harnack), suivit de près. Nous savons seulement qu’elle comprenait vingt-cinq livres dont trois, les XVIIIe, XIXe, XXe étaient spécialement consacrés aux objections de Porphyre contre les prophéties de Daniel. Saint Jérôme, De vir. ill., 81 ; Epist. ad Magnum ; Philostorge, ibid. ; Socrates. Hist. eccl., III, xxiii. — Au temps de Julien l’Apostat, Apollinaire de Laodicée composa aussi, contre Porphyre, un ouvrage en trente livres dont le XXVI* portait à nouveau sur la question de Daniel. Saint Jérôme, De vir. ill., 104 ; Comm. in Daniel, prol. Dans l’ensemble, c’était un travail approfondi, minutieux, bien supérieur aux précédents. Saint Jérôme, Epist., lxxxiv, 2, Ad Pammachium et Oceanum ; Comm. in Matin., xxiv. 16 ; Philostorge, ibid. — En Occident,

au commencement du ve siècle, Porphyre fut encore réfuté par un certain Pacatus, probablement le rhéteur aquitain Drepanius Pacatus. De cet écrit on ne sait presque rien, sinon qu’il comprenait plusieurs livres et que l’auteur devait sans doute utiliser Eusèbe ; cf. Harnack, Silzungsberichte d. Akad. d. Wiss. zu Berlin, t. i, 1921, p. 266-284. — On compte aussi, à l’ordinaire, Philostorge parmi les écrivains qui luttèrent contre Porphyre ; voir le témoignage de Photius dans Philostorge, Hist. eccl., x, 10, éd. Bidez, p. 130. Toutefois, on ignore s’il s’agit d’une réfutation en règle ou de simples attaques en passant.

Le traité de Porphyre contre les chrétiens devait être d’ailleurs de moins en moins répandu. Déjà, avant Nicée, Constantin avait ordonné la suppression de tous ses « livres impies ». Cf. Socrates, Hist. eccl., i, ix. Jean Chrysostome, Liber in S. Babijlam et contra Julianum et ad Grsecos, 1, 2 (en 382), constate, d’une façon générale, que les œuvres antichrétiennes ne se retrouvent plus entre des mains païennes. Il devait cependant circuler encore quelques exemplaires de l’ouvrage de Porphyre, ou du moins des extraits, puisque les empereurs Théodose II et Valentinien III, par un décret du 16 février 448, prescriventde les livrer aux flammes. Cod. Justin., t. I, tit. i, lex 3.

Sources.

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant

que le Karà Xpia-riavôiv ait aujourd’hui disparu et qu’il faille en rechercher les débris dans les citations des auteurs ecclésiastiques. Par malheur, leurs volumineuses réfutations n’ont pas davantage subsisté. C’est ainsi que des travaux de Méthode, d’Eusèbe, d’Apollinaire et de Pacatus il ne reste plus que des traces très légères. L’ensemble tiendrait en moins de dix pages. Mais si les témoins directs font, pour ainsi dire, défaut, nous avons, dans Macaire de Magnésie, dans saint Jérôme, dans saint Augustin, et chez quelques autres écrivains postérieurs, des témoignages plus importants, quoique indirects, sur le traité de Porphyre. De tous ces textes, il est possible de dégager les traits essentiels de l’ouvrage. Il convient toutefois de préciser auparavant l’étendue et la valeur de ces données traditionnelles.

1. Méthode d’Olympe.

De son Ka- : à Ilopepuptou,

on ne possède plus que cinq courts fragments tirés du Monacensis græc. 498 (xe siècle), éd. Bonwetsch, p. 503507. Les deux derniers, dont l’authenticité est attestée par le titre : MeGoSîou èx tcôv Kaxà IIopepupîoo, ne fournissent aucun renseignement précis. Quant aux trois autres, ils ne sauraient être attribués aussi nettement à l’ouvrage de Méthode. Toutefois, leur allure apologétique et la citation textuelle d’une de leurs phrases dans un autre ms. Rupefucaldinus (xiie xiii e siècle), aujourd’hui à Berlin, sous la mention : toû àytou MeGoSîoo èx twv Kacà IIopçupîoo, rendent cette attribution très vraisemblable. Or, chose singulière, ils débutent, au moins deux d’entre eux, par des objections que l’évêque d’Olympe s’efforce ensuite de réfuter. Il est donc à croire que ces difficultés ont été soulevées par Porphyre lui-même et que nous avons là, du moins pour le sens, quelques-unes de ses attaques sur l’inutilité de l’incarnation et de la rédemption, sur l’inconvenance de la mort de Jésus en croix, sur l’impossibilité de la souffrance chez un être impassible. Conclusion peu ferme, il est vrai, mais l’état des documents ne permet guère d’aller au delà.

2. Eusèbe de Césarée.

Comme Méthode, Eusèbe est un contemporain de Porphyre. II est même un peu son compatriote, cf. col. 2555. On comprend qu’Eusèbe ait tenu à répondre par le détail à un tel adversaire qui. en outre, attaquait Origène. Cette réfutation, composée par un homme plus archiviste que théologien, serait aujourd’hui fort précieuse. Elle le serait même d’autant plus que l’auteur, dans ses nombreux écrits.