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PORPHYRE. VIE ET ŒUVRES


dans un tel milieu. Il raconte lui-même quelles difflcultés il rencontra avanl de comprendre certain point de la métaphysique du maître : l’identification de l’esprit avec l’idée. Il dut réclamer aussi une démonstration spéciale touchant la triade des hypostases divines, « système compliqué d’émanations en cascades ». Son initiation, sous la conduite d’Amélius, demanda quelque temps. Mais, une fois convaincu, il devint un des adeptes les plus remarquables de l’école où, d’après son nom patronymique, on l’appela PœaiXs’jç, Vita Plolini, 17. En véritable collaborateur, il se chargea de former les commençants à l’étude de la logique ; cf. Élie, In Porphyrii Isagogen. éd. A. Busse, 1900, p. 39. Ardent néophyte, il avait un goût prononcé pour la polémique et la propagande. Aussi Plotin fit-il souvent appel à son érudition pour des travaux importants. Vita Plotini, 15-10. On peut également rapporter à son premier séjour à Rome, les nombreux commentaires de Platon et d’Aristote qu’il devait publier plus tard. Mais, son action la plus profonde, i ! devait l’exercer sur Plotin lui-même. On a remarqué que la partie la plus claire des Ennéades (Y, v) avait été élaborée au cours de discussions avec Porphyre. Le disciple obligeait le maître, par des questions précises, à compléter son argumentation, à rendre son exposé plus correct et plus méthodique. Vita Plotini, 13.

5. Toutefois, à ce commerce intime entre maître et disciple, celui-ci devait gagner bien davantage. Certes, Porphyre restera toujours un peu l’Asiate crédule et superstitieux de son adolescence. Vita Plotini, 2, 10. Il se plaira encore à des argumentations puériles. Toutefois, avec Plotin, le voilà initié aux problèmes de la vie intérieure et si bien disposé aux plus hautes contemplations qu’il parviendra une fois à l’extase. Vila Plotini, 23. Sans jamais atteindre les régions sereines de la pensée du maître, il finira par acquérir une fermeté de conviction qui n’était pas, semble-t-il, dans sa nature. A dire vrai, il variera encore dans sa doctrine et dans sa conduite. Néanmoins, il gardera toujours les principes de l’école néoplatonicienne opposés au dogme et à l’idéal chrétiens : une conception de l’univers strictement rationaliste, où la création, la chute, la rédemption n’ont aucunrôle à jouer ; la croyance à des dieux inférieurs, les âmes des astres, dont le culte peut être toléré au vulgaire ; un profond dédain pour cette foule incapable de s’élever à la religion du Dieu suprême. Porphyre est maintenant séparé de plus en plus du christianisme.

Porphyre en Sicile.

Après six années de travail

à Rome, notre philosophe, surmené et affaibli par le régime débilitant de l’école, tomba dans une grande dépression morale. Il songea au suicide. Plotin, en directeur perspicace, lui conseilla de changer d’air et de milieu. Porphyre obéit et alla se fixer en Sicile à Lilybée. Vita Plotini, 6, 11. Il y resta quelque temps en relations avec ses anciens maîtres. Plotin lui envoya plusieurs livres des Ennéades ; mais bientôt, atteint, lui aussi, d’une fatigue nerveuse, il se retira en Campanie où il mourut peu après (270). Vita Plotini, 2, 6. Longin était alors à Palmyre, conseiller de la reine Zénobie. Loin de tout centre intellectuel, il échangea quelques lettres avec son disciple et l’invita même à la cour. Vita Plotini, 19. Quelques mois plus tard, après la victoire d’Aurélien (272), il devait marcher au supplice.

Porphyre retrouva bien vite en Sicile et la santé et l’ardeur au travail. C’est là, en effet, qu’il publia, d’après une tradition assez sûre, plusieurs ouvrages de philosophie. Le plus célèbre est sans contredit l’opuscule connu sous le nom d’Isagogc, EUraytiiY^ mais intitulé parfois Sur les cinq termes, Tlsçi -îvte fxovâv. Cette Introduction aux Catégories d’Aristote, composée à la demande du sénateur Chrysaorios, nous

révèle les qualités de Porphyre vulgarisateur : simplicité, clarté, précision. L’auteur n’avait sans doute pas prévu le succès immense de ce petit manuel scolaire sans prétention et, pourtant, c’est surtout grâce à lu* que notre philosophe antichrélien eut son nom en honneur dans les siècles de foi. Outre VIsagoge, Porphyre écrivit encore deux commentaires des Catégories d’Aristote ; l’un, aujourd’hui perdu, devait être une étude détaillée en sept livres ; l’autre, conservé en grande partie, était destiné aux commençants et développait la doctrine par demandes et réponses, à la manière de nos catéchismes.

Porphyre, après la mort de Plotin, donna plus libre carrière à ses tendances naturelles à la polémique. Il composa, en ce genre, deux écrits importants. Le premier, le traité Contre les chrétiens, fera plus loin l’objet d’une étude détaillée. Le second, la Lettre au prêtre égyptien Anébon, IIpoç’Av£60j S7uaTûXr ;, est pour ainsi dire le pendant du Karà Xpwmavôv. Après avoir attaqué les origines divines du christianisme, Porphyre s’en prend aux religions populaires. Toutefois, au lieu de heurter de front les mystagogues et leurs adeptes, il semble plutôt les inviter à une discussion sur la valeur des croyances religieuses de la populace. De ce document, on ne possède plus que des extraits dans Eusèbe, Prsep. evangel., III, iv ; V, ix, x ; XIV, x, un résumé dans saint Augustin, De civ. Dei, X, xi, et une réfutation publiée sous le nom d’Abammon et conservée dans les Mystères de Jamblique, éd. Parthcy, Jamblichi de n ysteriis liber, Berlin, 1857, p. xxix sq. Mais cela suffit pour se rendre compte des principales difficultés soulevées par Porphyre, en vue de mettre son correspondant dans l’embarras. Comment expliquer les contradictions qui foisonnent dans le culte des dieux ? L’usage de vocables inintelligibles ne serait-il pas un vil artifice pour en imposer au vulgaire ? Les pratiques de la divination, si souvent trompeuses, peuvent-elles se concilier avec le libre arbitre ? N’y aurait-il pas intérêt à épurer les dévotions populaires ? On devine aisément pourquoi la Lettre à Anébon ne devait jamais être pardonnée à son auteur dans les milieux païens. Au rebours, les apologistes de la foi chrétienne ne pouvaient manquer d’exploiter à l’envi une critique aussi sévère du paganisme.

Porphyre composa enfin en Sicile plusieurs ouvrages d’histoire et de philosophie religieuse. Signalons simplement sa Chronographie, sorte de compilation historique qui s’étendait depuis la prise de Troie jusqu’au règne de Claude II. Quant au traité De regressu animæ, dont il existe encore une quinzaine d’extraits dans saint Augustin, De civit. Dei, X, ix, xvi, xxi, xxiii, xxvi, xxvii, xxix, xxx, xxxii ; XII, xxi, xxvii ; XIII, xix ; XXII, xii, xxvii, il renfermait, semble-t-il, une méthode de vie religieuse en vue du bonheur éternel. Seul le philosophe peut prétendre, par la science et la continence, à la délivrance absolue des liens du corps et au retour de son âme auprès de Dieu, où elle jouira d’une félicité sans fin. Cependant, ceux dont l’intelligence est incapable de s’élever aussi haut ne doivent pas désespérer de leur salut. Ils n’ont qu’à s’initier à certains mystères, à ceux des théurges chaldéens, par exemple, tout à fait différents de la magie vulgaire. Certes, c’est là une voie toujours longue et plusieurs réincarnations successives seront parfois nécessaires pour arriver à la libération philosophique, la seule définitive. Encore est-il que la dévotion bien entendue y prépare, d’où l’utilité de quelques religions de mystères.

Les mêmes idées se retrouvent aussi dans l’ouvrage Sur l’abstinence de la chair des animaux, Qepl à-v/r, : è[jn["Jxtov. Porphyre y défend contre Firmus Castricius, son condisciple à l’école de Plotin, la stricte observance du maître touchant le végétarisme. Pour cela, il se