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    1. PORPIIYHK##


PORPIIYHK. VIE ET ŒUVRES

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Les Hébreux et les Chaldéens ont eu le grand mérite d’adorer le Dieu suprême ; ils sont bien supérieurs aux chrétiens qui adorent Jésus. Celui-ci, en efïet, est « un sage par ses œuvres miraculeuses », « un homme très saint qui est remonté dans les cieux », mais ce n’est qu’ « un homme selon la chair ». Sa mort douloureuse est une épreuve du destin. S’il faut bien se garder de le blasphémer, il importe de ne pas « tomber dans la folie des chrétiens », « haïs des dieux comme des hommes ». Ces « insensés, qui ferment les yeux à la lumière de la vérité », sont opposés aux traditions des juifs et voient dans le Christ un dieu.

En somme, ce premier ouvrage de Porphyre est à la fois un manuel de théurgie et une apologie du paganisme. L’auteur y prend à son compte les croyances superstitieuses des mystères païens et sa sensibilité tout orientale est fortement saisie par le côté le moins noble de ces pratiques cultuelles. S’il ne peut se défendre d’une certaine sympathie pour le Christ, il attaque ouvertement les chrétiens, il se pose en défenseur des antiques traditions : il a trouvé le moyen d’être haineux avec des marques de respect, en distinguant l’Église et Jésus.

Porphyre à Athènes.

Pour achever son éducation

et se familiariser avec la culture hellénique, notre jeune Tyrien se rendit à Athènes, devenue à cette époque une sorte de ville universitaire.

Les données certaines sur son séjour se réduisent à très peu de chose. On possède le nom de quelques-uns de ses professeurs : le mathématicien Démétrius, le grammairien Apollonius et surtout Longin qui enseignait à la fois la rhétorique, la philosophie et la critique. Eusèbe, Prsep. evang., X, ni, 1. L’état d’esprit de ces lettrés nous est également connu. C’est à coup sûr Longin qui exerça sur son disciple la plus grande influence. Il l’avait même pris en amitié, Vita Plolini, 19 sq., et, au dire d’Eunape, op. cit., p. 7, il lui donna le nom de Porphyre, par analogie avec Malchos, la pourpre étant le symbole de la royauté.

On suppose avec beaucoup de vraisemblance que Porphyre composa dès cette époque, soit en Grèce, soit à Tyr, plusieurs ouvrages dont nous possédons quelques fragments. Citons par exemple : Les questions homériques, ’OjjUjptxà Ç7]TY)(i.aTa, sorte de compilation où, pour expliquer le texte d’Homère, l’auteur entasse pêle-mêle les opinions des anciens commentateurs ; L’histoire de la philosophie, OiXôeroçpoç Icrropîx, en quatre livres dont un extrait assez long, La vie de Pythagore, est parvenu jusqu’à nous ; beaucoup d’autres petits traités philologiques et scientifiques, tels que le Commentaire sur les « Harmoniques » de Ptolémée, Eîç rà’Ap|i.ovtxà llToXejxaîou moivqioc, ou V Introduction à l’ « Astrologie », EîaayoJY ?) etç tï)v à7tOTeXea[i.a "UXY)V TOÙ IlTrjXs[J.atOU.

Il est aussi très probable que l’ouvrage de philosophiereligieuseSiir /es images des dieux, ïïsp[ ày^IJ-àTcov, remonte à la même période. Il n’en reste plus qu’une dizaine de fragments. Eusèbe, Prsep. evangel., III, vii, 1, 2-4 ; ix, 1-5 ; xi, 1-2, 5, 7, 9-16, 19-20, 22-44 ; xi, 45-xiii, 2. Néanmoins, il s’y manifeste une nouvelle orientation de la pensée de Porphyre. L’auteur prétend montrer que le culte des idoles ne comporte pas de superstitions grossières : les statues et les autres images vénérées dans les temples ne sont que des représentations symboliques des dieux. Les dieux eux-mêmes figurent les réalités suprasensibles, le monde astrologique ou les forces de la nature. Il n’y a que des ignorants stupides pour ne pas comprendre la valeur traditionnelle de ce symbolisme et reprocher aux païens leurs pratiques cultuelles. Porphyre ici, comme dans la Philosophie tirée des oracles, semble bien viser les chrétiens. Mais, s’il continue de subir, sur ce point, les influences premières, il semble maintenant dégagé

en partie de l’emprise qu’exerçaient autrefois sur lui les religions populaires de l’Orient. Son œuvre ne porte encore aucune trace néoplatonicienne. Elle révèle toutefois chez lui quelques transformations : une idée plus pure de la divinité, un certain dédain pour les rites grossiers de la magie, une confiance plus grande dans les forces de la raison. Mais c’est à Rome, et auprès de Plotin, qu’il se devait de compléter sa formation intellectuelle.

3° Premier séjour de Porphyre à Rome (263-268). — 1. Quand Porphyre arriva dans la capitale, Plotin y tenait école depuis près de vingt ans. Vita Plolini, 4-ô. j C’était une espèce de cénacle de gens cloîtrés, qui se livraient à la méditation philosophique et pratiquaient au milieu du monde, en pleine Rome, un renoncement hautain à toutes les vanités. La plupart des adeptes étaient déjà des hommes faits, appartenant à la bourgeoisie riche, tels les médecins Eustochius, Paulin et Zéthus, le poète Zoticus, le banquier Sérapion, les sénateurs Marcellus Orontius, Sabillinus, Rogatianus. L’institution comptait aussi plusieurs femmes de qualité, comme la patricienne Gemina et la veuve Chioné. En somme, les auditeurs de passage et les simples curieux mis à part, c’était un petit cercle d’esprits distingués, qui resta très en faveur auprès du pouvoir impérial pendant tout le règne de Gallien (253-268). V /ta Plotini, 12, cꝟ. 13 et 16.

2. Personnalité très puissante, Plotin exerçait sur ses disciples une véritable fascination. Rien qu’il fût de constitution maladive, il menait la vie d’un ascète et n’avait que mépris pour la matière. La droiture de son caractère, un désintéressement parfait, la profondeur et l’élévation de ses pensées, un vif enthousiasme intellectuel lui facilitaient la conquête des âmes. Il y avait, en effet, chez lui, plus du directeur de conscience que du pédagogue, plus du mystique que du professeur. Dédaigneux des succès vulgaires et des artifices de la rhétorique, il visait avant tout à faire l’éducation spirituelle de ses auditeurs ou, mieux encore, de ses amis.

3. Aussi bien, son école ne ressemble guère à une maison ordinaire d’enseignement. Plotin, dans ses entretiens, évite avec grand soin les thèmes rebattus. Les nouveaux élèves doivent donc être initiés aux thèses fondamentales de la philosophie et aux principes de la doctrine néoplatonicienne par leurs condisciples plus anciens. Le maître ne parle pas selon un plan préconçu, il demande fréquemment à ses auditeurs de lui poser des questions et ces interrogations sont comme un stimulant à son inspiration. En dehors de ces conférences, il y a surtout à l’école des réunions où l’on explique quelques morceaux choisis des philosophes anciens et contemporains. Mais, là encore, Plotin ne se borne pas à un simple commentaire ; « il y ajoute des spéculations propres et originales » ; il cherche à développer chez ses élèves le goût de la réflexion et de l’eiïort personnel. Toutefois, le trait le plus caractéristique de sa méthode, ce sont les exercices mystiques. Le philosophe doit se détacher de tout et de soi-même. Ce renoncement, fait d’une.indifférence complète pour les choses terrestres et d’actes positifs de mortification pour dégager l’âme de la servitude de la chair, est considéré comme le point de départ indispensable de toute activité *ritellectuelle et morale. Ainsi détachée, l’âme peut se recueillir et mener une vie intérieure intense par la réflexion. Petit à petit, elle dépasse ce premier niveau pour atteindre, par la contemplation, la pensée intuitive. Il peut même lui arriver, dans cette sorte d’ascension spirituelle, de parvenir jusqu’à la transe mystique, jusqu’à l’extase. Tel est le programme qui, sur le papier, fait ressembler l’institut de Plotin à un couvent de contemplatifs. Voir Vita Plotini, 14, 18.

4. Porphyre, au premier abord, se trouva dépaysé