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PONZETTI (FERDINAND]

PORPHYRE

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C.iirdolla. Memorie storiche de’cardinali, t. iv, lT’.Kî. p. 38 ; Maiiiii. Archiairi pontifleii, 178-1. t. i, p. 227. et t. ii, p. 227,

! 45 ; îiiirtcr. Nàmenelator, 3 « éd., t. ii, col. 1281 ; Eubel,

Hierarchia catholica Medii.Ki’i. t. iii, 1910, p. 222 et 258.

F. BONNARD.

    1. PORPHYRE##


PORPHYRE. — Le philosophe néoplatonicien Porphyre est un personnage très divers. Véritable bibliothèque vivante, cet esprit curieux a écrit sur les sujets les plus variés : grammaire et astronomie, histoire et mathématiques, critique et sciences occultes, philosophie et musique. Son activité littéraire s’est exercée dans presque tous les domaines. De plus, amis et adversaires dénoncent à l’envi ses contradictions. Eunape, Y Use philos., éd. Boisonnade, 1822, p. Il sq. ; Eusèbe, Prscp. evang., t. III, c. xiv ; saint Augustin, De civ. Dei, X, ix. On constate, en effet, chez lui, un mélange de sincérité et d’artifice, de naïveté et d’esprit critique, bien fait pour dérouter dès l’abord. Les différentes disciplines qu’il a suivies dans les sciences philosophiques et religieuses ont contribué, de surcroît, aux fluctuations de sa pensée. Il n’y a pas jusqu’à sa fortune qui n’apparaisse singulière, car plusieurs ouvrages de cet adversaire acharné des chrétiens ont été lus, traduits et commentés avec un succès inouï, en Orient et en Occident, à travers tout le Moyen Age. Ces nombreuses anomalies rendent assez difficile le portrait de Porphyre. De même, il n’est pas aisé de préciser son rôle dans le combat qui mit aux prises le paganisme à son déclin et le christianisme sur le point de triompher. C’est là cependant un conflit d’idées d’un grand intérêt et où il importe d’avoir quelques clartés. Tel est précisément le but de cet article où nous envisagerons Porphyre surtout dans ses rapports avec la religion chrétienne. — I. Sa vie et ses ouvrages. II. Son traité Contre les chrétiens (col. 2562). III. Jugement sur son œuvre antichrétienne (col. 2579).

1. La vie et les principaux ouvrages de Porphyre. — 1° Enfance et adolescence. — 1. Porphyre est né en 232-233. Vita Plolini, 4. Lui-même se disait’Tyrien », ib., 7, assertion reproduite par quelques auteurs païens. Longin, ib., 20 ; Libanius, Orat., xviii, 178 ; Eunape, op. cit., p. 7. Toutefois, comme plusieurs écrivains ecclésiastiques l’appellent, avec une nuance de mépris, le « Batanéote », saint Jérôme, P. L., t. xxvi, col. 310 ; saint Jean Chrysostome, P. G., t. lxi, col. 52 ; Anastase le Sinaïte, P. G., t. lxxxix, col. 233, peut-être a-t-il vu le jour, soit à Batanée, aux confins du Hauran, soit à Batanæa, près de Césarée de Palestine. En tout cas, de son affirmation personnelle il est permis de conclure, pour le moins, qu’il fut élevé à Tyr, en Phénicie.

2. Son père s’appelait Malchos, nom syrien qui signifie « Leroy » et que Porphyre porta tout d’abord. Vita Plotini, 17. Sa famille occupait un certain rang et il dut recevoir une éducation soignée. Eunape, op. cit., p. 7. Bien que son érudition semble toujours quelque peu livresque, l’intérêt qu’il porta dès sa jeunesse aux pratiques de la magie, Eunape, op. cit., p. 10, ses remarques détaillées sur les rites des mystères égyptiens, De ahstin., iv, 9, sa grande curiosité d’esprit et la situation même de ses parents, tout laisse à penser que Porphyre, riche adolescent, a visité la Syrie, la Palestine, Alexandrie. C’est ainsi qu’il rencontra Origène avant 249 et probablement à Césarée de Palestine. Lui-même a raconté la chose dans son traité Contre les chrétiens (d’après Eusèbe, Hist. eccl., VI, xix, 5-8). Or, à la façon dont il énumère les sources de la documentation d’Origène (Platon, N’uménius, Cronius, Apollophane, Longin, etc.), on a l’impression qu’il a connu de très près le docteur alexandrin, voire sa bibliothèque. De même, il paraît évoquer, comme à contre-cœur, de lointains souvenirs, lorsqu’il parle de « la gloire » du maître et du succès de son enseignement. Certes, cela ne suffit pas à

prouver qu’il ait été son disciple dans le Christ : le didascalée de Césarée, comme celui d’Alexandrie, devait compter des élèves païens, attirés par la renommée du professeur et le libéralisme des leçons. Il y a, du moins, les plus grandes chances pour que Porphyre ait fréquenté quelque temps cette école célèbre.

3. Au fait, Porphyre a-t-il jamais embrassé la foi chrétienne ? Socrates, Hist. eccl., III, xxiii, P. G., t. Lxvii, col. 444, raconte qu’ « à Césarée de Palestine il reçut des coups de la part de quelques chrétiens et que, cédant à la colère, par suite de son humeur sombre, il abandonna le christianisme ». Aristocritos (ve siècle), dans sa Théosophie, éd. Buresch, Klaros, 1889, p. 124, expose le même fait, en ajoutant que Porphyre fut frappé « pour des affaires d’ordre privé ». Enfin, un scoliaste de Lucien sur le Pérégrinus, 11e éd. Rabe, Scholien zu Lucian, 1906, p. 216, affirme que l’élève d’Origène retomba « dans l’ancienne superstition ».

Selon le dernier témoin, Porphyre appartenait à une famille païenne ; c’est d’ailleurs l’avis de tous les critiques. Sa conversion au christianisme et son apostasie sont, au contraire, fort discutées par les historiens (von Harnack est pour, Bidez est contre). L’opinion d’Harnack nous semble pourtant plus vraisemblable. En effet, les récits de Socrates et d’Aristocritos, indépendants l’un de l’autre, paraissent, d’après le contexte, se rattacher au témoignage d’Eusèbe de Césarée, bien placé en la circonstance pour être exactement renseigné, écrivant pour des contemporains de Porphyre, peut-être même de son vivant, en tout cas dans le milieu où se sont passés les événements. Comment aurait-il pu compromettre le succès de sa réfutation doctrinale par des inventions aussi puériles ? Toutefois, il est possible que Porphyre n’ait été que catéchumène, christianus et non fidelis. Quoi qu’il en soit, la persécution de Dèce, qui éclata peu de temps après (250) et qui sévit avec violence à Césarée et à Tyr, ne pouvait qu’éloigner définitivement de la religion chrétienne un adepte aussi peu ferme.

4. D’après Eunape, op. cit., p. 9, Porphyre a composé dans sa jeunesse La philosophie tirée des oracles, ITepi tyjç éx XoytMv cpoXoaoçlaç. C’était un ouvrage en plusieurs livres dont il ne reste que de maigres fragments : dans Eusèbe, Præp. evang., III, xiv ; IV, vu, ix, xx, xxii-xxiii ; V, vi, vii, viii, xi-xii, xiii, xiv-xv ; VI, i, ii, iii, iv, v (bis) ; Demonst. evang., III, vu ; dans Lactance, Inst. div., i, vii, 6 ; IV, xiii, 11 ; VII, xiii, 5 ; De ira, xxiii, 12 ; dans saint Augustin, De civ. Dei, XIX, xxii, xxiii, xxviii ; dans Théodoret, Grœc. afject. cur., Disp., 1, 3, 10 ; dans Firmicus Maternus, De errore prof, relig., 13.

L’auteur s’adresse à une élite, à ceux qui comprennent l’importance de la vie comme préparation à la mort. Il se propose de leur exposer « la philosophie », c’est-à-dire la vérité et la vertu, les enseignements religieux et les règles morales propres à assurer le salut de leur âme. Doctrines et pratiques, il les tient de la bouche même des dieux et son livre sera précisément un recueil d’oracles, de paroles sacrées (xà Xôyia), réponses faites par les dieux consultés dans leurs temples, en particulier par Apollon, Esculape, Pan, Hécate, Sérapis. C’est ainsi que nous apprenons à connaître la classification des dieux et la manière de les honorer. Les oracles s’étendent longuement sur la nature et le choix des offrandes, la façon de fabriquer et d’orner les idoles, les rites à observer pour obliger les dieux à paraître ou à répondre par l’intermédiaire des hiérophantes, les ressources merveilleuses de la magie qui paralyse l’influence des astres, et éloigne les esprits mauvais. Les divinités helléniques enseignent encore l’immortalité de l’âme après la mort. Mais, chose curieuse, elles consentent à répondre sur des sujets, moins communs : les juifs, Jésus, les chrétiens.