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POMÈRE

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Passant aux questions concernant la pratique de l’abstinence, Pomère explique qu’il ne suflit pas de s’abstenir de mets recherchés, mais qu’il faut aussi se restreindre par rapport aux aliments communs ; que c’est « la volonté qui doit mettre fin à nos repas et non la satiété », car c’est le désir immodéré de nourriture qui est condamnable, et non la nourriture elle-même. Col. 468. Pour ce qui concerne le viii, Pomère citant I Tim., v, 23, le permet quand la nécessité l’exige, le vin en lui-même n’étant pas mauvais, mais sa consommation en trop grande quantité. Col. 468. Il blâme ceux qui croient pratiquer l’abstinence en se privant de viande de quadrupèdes, mais en se nourrissant de faisans, d’oiseaux et de poissons fins. Il n’approuve pas non plus ceux qui s’abstiennent de viii, mais boivent des liqueurs extraites de fruits rares. Col. 469. Il recommande fermement de subordonner l’abstinence à la charité qui l’amène à sa perfection. Ainsi il blâme ceux qui pratiquent des restrictions sur la nourriture, quand ils donnent l’hospitalité à des frères. Col. 470. Pour terminer, Pomère recommande aux « abstinents » de ne pas se croire supérieurs aux frères qui, ne pouvant ou ne voulant pas « s’abstenir », mangent de tout cum gratiarnm actione, ces derniers ayant peut-être plus de vertus cachées que les « abstinents » eux-mêmes. Col. 470.

3. Le 1. III répond aux questions de l’évêque Julien sur la distinction à faire entre les vertus et les semblants de vertu (similitudines virtutum), sur l’origine et la croissance des vertus et des vices, sur les quatre vertus cardinales et les quatre sources de vices.

Pomère explique que la « similivertu » n’a que l’apparence de la vertu, qu’elle se rapporte à elle comme l’erreur à la vérité : telle l’avarice qui n’est qu’une contrefaçon de l’économie, la témérité qui n’est qu’une fausse bravoure, la verbosité, qui n’est qu’une fausse éloquence. Sans le don de Dieu, l’homme ne peut ni rechercher, ni conserver la véritable vertu. Les infidèles qui, extérieurement (per corpus), pratiquent certaines vertus n’en ont aucun profit, parce qu’ils ne croient pas les avoir reçues de Dieu et ne les ordonnent pas vers lui qui est la fin de tout bien. Après avoir cité Rom., xiv, 23, Pomère continue : « L’Apôtre n’a pas dit : « tout ce qui n’est pas de la foi n’est rien » ; en disant : « tout ce qui n’est pas de la foi est péché », il déclare que toutes les bonnes œuvres, omnia bona, si elles sont de la foi, sont des vertus qui justifient, ou, si elles sont (accomplies) sans la foi, ne sont pas à considérer comme bonnes (bona), mais comme des vices (vitia), qui non seulement n’aident en rien ceux qui les accomplissent, mais les condamnent et les précipitent, infatués qu’ils sont, et les éliminent du salut éternel. » Col. 474. Quant aux fidèles, s’ils attribuent leurs vertus à leurs propres forces, elles ne leur seront d’aucune utilité pour le ciel.

Pomère voit dans l’orgueil la cause de tout vice. C’est par orgueil que le démon a péché ; de même, le premier homme. Celui-ci a corrompu par sa superbe, a voué à la mort et à la corruption (morale) toute sa postérité qui était en lui en germe ( radicaliler). Col. 476. Par suite de cette corruption, nous ne pouvons plus résister au péché comme Adam. Sa nature saine l’aidait à éviter le mal, tandis que nous, comme l’indique le ps. xxiv, 14, nos cogit plerumque peccati jam fada nécessitas. Col. 477. Cette corruption atteint tout homme et l’orgueil de nos premiers parents est la cause de nos péchés, car nous ne devenons pas corrompus, corrupli biles, parce que nous péchons, mais nous péchons parce que nous sommes corrupti biles. Cette « concupiscence viciée » ne nous est pas naturelle ; elle a été insérée (inserta) à notre nature, comme une punition, pœnaliter. Nous l’aurons toujours dans notre vie mortelle, mais nous pouvons la vaincre ; ce

n’est que le fait d’y consentir qui est péché. Col. 477. Après avoir rappelé la connexion de tous les péchés avec l’orgueil, Pomère affirme que ce dernier n’est pas invincible, « les hommes pouvant lui résister s’ils le veulent », possint si voluerint, par l’arbitre de la volonté libre, libérée et fortifiée par le don du Saint-Esprit. Col. 485.

Passant des vices aux vertus, Pomère voit dans la charité l’union de l’âme avec Dieu, union « allumée » (incensa) par le feu du Saint-Esprit. La charité est « la cause des mérites », la récompense des parfaits ; elle « ressuscite ceux qui sont morts dans le péché » ; « la foi la conçoit, l’espérance accourt vers elle… toute bonne œuvre vit d’elle… Sans elle, nul ne peut plaire à Dieu ; avec elle, nul n’a jamais pu pécher, nul ne péchera jamais ; sans elle, les hommes ne peuvent qu’errer. » Col. 495. C’est la charité qui rend les justes capables d’accomplir des actions héroïques et extraordinaires. Quant aux vertus cardinales, Pomère reconnaît que les philosophes de l’antiquité ont eu des raisons d’en admettre quatre, ce nombre ayant une grande importance dans la réalité des choses. Le nom d’Adam est composé de quatre lettres ; les éléments de la nature sont au nombre de quatre ; il y avait quatre fleuves au paradis ; quatre évangiles ont été annoncés par les quatre animaux vus par Ézéchiel. Col. 501. Il remarque ensuite que toute perfection morale est contenue dans ces quatre vertus, qu’on ne peut es posséder sans les avoir reçues de Dieu : « Ceux qui vivent de la foi peuvent, par un don de Dieu, devenir tempérants, prudents, justes et forts, mais ceux qui l’ignorent ou le blasphèment, qui vivent sans la foi, n’ont rien reçu de ces vertus et ne peuvent les avoir. » Col. 502. Parlant de la vertu de force, Pomère remarque que, pour la posséder, il ne suffit pas de supporter vaillamment la souffrance, mais qu’il faut souffrir pour la justice, car « ce n’est pas la peine qui produit la véritable patience, mais la cause pour laquelle on endure cette peine », palientiam veram non facit pœna, sed causa. Col. 504. Quant à la justice, elle doit être fondée sur la foi « qu’aucune bonne œuvre ne précède et de laquelle procèdent tous les biens ». Col. 506. La libéralité est une partie de la justice : Pomère fustige en passant les « pasteurs des pauvres » qui gardent pour eux ce qui leur a été donné pour subvenir aux besoins des indigents. Col. 507.

Ayant ainsi exposé la doctrine touchant les quatre vertus cardinales, telle qu’elle était couramment enseignée par les philosophes grecs, mais en la corrigeant dans le sens chrétien, comme nous l’avons indiqué, Pomère aborde la question des passions ou affections de l’âme. Il refuse de voir en celles-ci des vices, comme certains philosophes anciens le voulaient, car elles se trouvent également chez des justes, ainsi qu’il le démontre par des citations bibliques. Col. 514. C’est le mauvais usage qu’en fait l’homme, qui engendre le péché ; en elles-mêmes, elles ne sont pas mauvaises. Col. 515. Contre les stoïciens qui prétendaient éliminer les passions de l’âme, il en appelle à saint Augustin, qui enseigne qu’elles sont inséparables de notre nature mortelle, que même elles sont nécessaires dans notre vie terrestre, qu’elles peuvent se conformer à la droite raison et, par conséquent, qu’elles ne sauraient être appelées < vices ». Toutefois, elles disparaîtront dans la vie future. Col. 515-517. Les vertus cardinales, par contre, subsisteront après la mort, mais sans lutte et sans effort contre le mal. Col. 518.

Pomère termine son traité par ces paroles : « La véritable latinité exprime les pensées d’une manière brève et claire, en se conformant à la propriété des termes, sans chercher à faire de l’effet avec les couleurs et les fleurs de la rhétorique ; les hommes sensés apprécient non ce qui est maniéré, mais ce qui est fort, car les