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    1. POLYGÉNISME##


POLYGÉNISME. LES DONNÉES SCIENTIFIQUES

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Dans son article de la Revue générale des sciences, M. Vallois s’était contenté d’examiner les arguments apportés par les polyphylétistes. Dans l’Anthropologie, il contrôle leur théorie en étudiant toute une série de caractères que ces théoriciens avaient négligés et que, d’ailleurs, ils ne pourraient expliquer par la convergence adaptative.

Il commence par poser nettement les règles de la démonstration en pareille matière. Appelons l’homme H et l’anthropoïde A. Pour rendre probable que H’et A’ont un ancêtre commun et que H a et A 2 ont un autre ancêtre commun, il faut montrer que les caractères distinctifs de H’se retrouvent dans A’et ceux de H 2 dans A 2 et que A 2 diffère de A’comme H 2 de H’.

Là-dessus, M. Vallois examine 14 caractères indépendants, ou à peu près, de la station bipède et de la locomotion : 1° la forme d’ensemble du crâne ; 2° la conformation du ptérion ou le rapport entre les quatre os : frontal, pariétal, temporal et sphénoïde ; 3° la colonne vertébrale ou le nombre des vertèbres présacrées et sacrées ; 4° le sternum ; 5° un os central du carpe qui se trouve dans la main du gibbon et de l’orang ; 6° diverses articulations et divers muscles ; 7° le cerveau ; 8° l’origine des artères carotides et sousclavières ; 9° la disposition des papilles caliciformes de la langue, en V ou Y, ou T ; 10° la lobation du foie ; 11° la lobation du poumon ; 12° l’appareil génitourinaire (l’orang, le gorille, le chimpanzé ont un os pénien) ; 13° le système pileux ; 14° l.a constitution chimique du sang.

De cet examen, on peut tirer plusieurs conclusions.

1. Il est impossible d’établir entre les races d’hommes et les espèces d’anthropoïdes le parallélisme systématique qui est à la base des théories polyphylétiques. Ainsi, en ne tenant compte que du nombre des caractères communs aux trois grandes races humaines et aux quatre espèces d’anthropoïdes, on obtient le tableau suivant :

Noir Jaune Blanc

Gorille 2 1 1

Chimpanzé 2 2

Orang 1 2 3

Gibbon 1 4 1

Aussi les polyphylétistes ne sont-ils pas d’accord entre eux et rapprochent telle race humaine tantôt de tel anthropoïde et tantôt de tel autre. Les analogies que l’on perçoit peuvent s’expliquer par des possibilités évolutives analogues, plus facilement que par la parenté.

2. Les particularités d’un anthropoïde ne se trouvent pas dans l’homme qu’on dit son parent : ainsi l’os central du carpe, propre à l’orang et au gibbon, n’existe chez aucun homme.

Inversement, les particularités d’un homme ne se trouvent pas, soit dans aucun anthropoïde, soit dans l’anthropoïde auquel on le rattache. Et, cependant, le polyphylétisme a été inventé pour expliquer ces particularités et ne pas se contenter des facteurs lamarckiens. Ainsi, les cheveux laineux des noirs, l’œil bridé des jaunes n’apparaissent chez aucun anthropoïde ; pas davantage la stéatopygie des boschimans, la forme épatée des lèvres des noirs, la saillie du nez des Européens.

3. Les variations des caractères anatomiques sont moins fortes dans l’espèce humaine que dans n’importe quelle espèce d’anthropoïde. Ces variations portent surtout sur les caractères externes, et donc l’argument qu’on en tire est moins probant que s’il s’appuyait sur des variations internes,

4. En somme, « les hommes actuels se ressemblent beaucoup plus entre eux qu’ils ne ressemblent à un

quelconque anthropoïde… Les caractères propres de l’humanité sont déjà marqués bien avant la naissance. .. En réalité, il n’existe absolument aucune preuve sérieuse en faveur des théories polyphylétiques ; (d’après l’anatomie comparée) la seule conception logique pour le genre humain est celle qui en admet l’origine monophylétique. »

3e phase. — Le problème du polygénisme se renouvelle à la suite de la découverte de plusieurs squelettes préhistoriques, assez complets et assez bien conservés pour qu’on ait pu préciser les caractères des hommes fossiles.

Ces découvertes s’échelonnent depuis la seconde moitié du xixe siècle jusqu’à nos jours. Elles ont permis de déterminer plusieurs types d’hommes ou d’êtres semblables à des hommes et qu’on a appelés hominiens. On pourrait ranger ces êtres lointains en deux groupes : ceux qui sont plus ou moins semblables à nous et ceux qui paraissent profondément différents.

Dans le premier groupe, il faut ranger le squelette de La Denise qui, si l’on en croit MM. Deperet et Mayet, serait à la fois fort ancien de date et fort moderne d’aspect. M. Boule et ce qu’on pourrait appeler l’École de Paris n’ont pas, dans ce fossile, la confiance que lui accorde l’École de Lyon. Quoi qu’il en soit, le crâne de Piltdown aurait le front haut comme nous, mais il est accompagné d’une mandibule qui s’adapte à lui par ses dimensions mais qui, par sa forme et sa dentition, est celle d’un chimpanzé ; aussi plusieurs paléontologistes hésitent à les attribuer au même individu. Très anciens également sont les négroïdes de Menton, révélant la race dite de Grimaldi et dont on a les squelettes d’un jeune homme et d’une vieille femme. Enfin, un peu plus récentes en nos régions, apparaissent les races préhistoriques de Cro-Magnon et de Chancelade. Klaatsch a voulu y joindre un homme d’Aurignac, d’après le squelette de Combe-Capelle, mais on ne l’a guère suivi.

Le second groupe a pour centre la race de Néanderthal représentée par les restes plus ou moins abondants d’une quarantaine d’individus ; on la rattache généralement à un homme d’Heidelberg dont on a uniquement une mâchoire très bestiale par la partie osseuse, très humaine par les dents, et qui est très ancienne. En remontant encore et en se déplaçant vers l’Extrême-Orient, on mettrait dans la même famille le sinanlhropus Pekinensis de Chou-Kou-Tien, tout récemment découvert, et aussi, mais plus bas dans l’échelle des êtres, le pithecanthropus ereclus de Java. Ce dernier est appelé erectus, en raison d’un fémur qui accompagne le crâne et qui est bien plus proche de l’humain que lui. Comme pour Piltdown, on se demande si les deux restes appartiennent au même individu et généralement on répond par l’affirmative.

Les publications les plus sensationnelles sur ces matières furent les livres de Marcellin Houle, également admirables de science et de clarté : en 1911, l’homme fossile de La Chapelle-auxSaints ; en 1920, les hommes fossiles, réédité et complété en 1923. De ce dernier ouvrage, M. Vallois déclare qu’il est « fondamental pour tous ceux qu’intéresse le problème de l’origine de l’homme ».

Le squelette de La Chapelle-aux-Saints était très bien conservé et presque entier ; il a permis de réaliser pour la première fois une minutieuse étude d’anatomie comparée. Les trouvailles de M. Peyrony, à La Ferrassie, et du D r Henri Martin, à La Quina, ont fait ajouter des précisions intéressantes que ce dernier auteur a mises en lumière. La rare de Néanderthal est maintenant bien étudiée, non moins que l’industrie qui l’accompagne et qu’on nomme le moustérien. Elle a connu un climat chaud et une faune appropriée, puis une invasion glaciaire et le squelette « le l.a Chapelle-