Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/547

Cette page n’a pas encore été corrigée
2525
2526
POLYGÉNISME. LES DONNÉES SCIENTIFIQUES


plusieurs souches humaines ? dans la Revue générale des sciences pures et appliquées, 15 avril 1927, et Les preuves anatomiques de l’origine monophylétique de l’homme, dans l’Anthropologie, 1929, n. 1-2.

Actuellement, on peut dire que tous les naturalistes sont évolutionnistes et ne difïèrent que sur la détermination des barrières infranchissables que pourrait rencontrer la vie, ou sur les trajectoires qu’elle a suivies. Les uns, comme Vialleton, distinguent des groupes irréductibles (il les appelle types d’organisation qui vont de l’embranchement à l’ordre) et des groupes qui peuvent être apparentés (types formels qui comprennent le sous-ordre et au-dessous). D’autres ne voient de limite absolue nulle part, du moins à priori.

Les mêmes, naturalistes admettent l’origine animale du corps de l’homme et cherchent à construire son arbre généalogique, ou, comme l’on dit, à préciser son phylum, c’est-à-dire la liste de ses ancêtres animaux. A ce propos, le P. Teilhard, Revue des questions scientifiques, janvier 1930, cite un texte intéressant de saint Thomas disant que la perspective évolutionniste des Pères grecs et de saint Augustin lui « plaît davantage », suivant qui le corps de l’homme est tiré ex limo jam informato. In II am Sent., dist. XII, q. i, a. 1.

La plupart des anthropologistes s’ont monophylétistes. M. Vallois énumère : Dubois, Elliot-Smith, Giuflrida-Ruggeri, Gregory, Keith, Pilgrim, Schwalbe, WoodJones, etc. Hœckel était pour le monophylétisme et beaucoup le furent à sa suite. Mais un phénomène biologique que l’on a mis en plus vive lumière, a donné à plusieurs l’occasion de revenir à la doctrine opposée. Ce phénomène, c’est la convergence adaptative : quand des animaux de diverses espèces ont besoin de s’adapter à des conditions nouvelles qui exigent d’eux des efforts et des états semblables, ils en viennent à se ressembler plus qu’à l’origine.

On considère donc l’homme comme venant d’un primate arboricole. Un changement climatérique ou une migration l’a obligé à vivre dans la steppe, donc à marcher, à se tenir droit, à devenir en partie Carnivore. Le pied a cessé d’avoir une fonction préhensile pour devenir un organe de sustentation ; les membres postérieurs se sont allongés, la main s’est libérée et développée, l’ensemble du squelette s’est modifié pour s’harmoniser avec ces nouvelles fonctions. Puis le cerveau s’est hypertrophié, tandis que se réduisait le massif facial.

Ces hypothèses s’appuient sur des faits constatés chez des animaux ; ainsi un rongeur, un marsupial et un insectivore en sont venus à se ressembler parce qu’ils se sont, tous les trois, adaptés au saut parachuté. Si, maintenant, on imagine qu’un primate d’Asie s’est adapté à la station bipède et que, de son côté, un primate d’Afrique en a fait autant, on conçoit qu’ils en sont venus à se ressembler par cette adaptation, tout en différant par ce qui leur vient de leur phylum originaire. Ils sont venus, chacun de son côté, à la forme humaine, voilà pourquoi ils se ressemblent ; ils proviennent de souches différentes et voilà pourquoi ils diffèrent.

Ces différences entre les races, M. Vallois les qualifie d’ « extrêmement considérables » ; quand on est monogéniste, on les explique habituellement par « l’action directe des facteurs externes sur l’organisme ; mais cette conception se heurte à de nombreuses difficultés ». Aussi des naturalistes en ont cherché l’explication dans la diversité des souches primitives.

Dès 1865, Vogt distinguait trois races humaines : deux dolichocéphales issues l’une du gorille, l’autre du chimpanzé et une brachycéphale venue de l’orang. Au xxe siècle, le polyphylétisme fut repris notamment par deux Allemands, Klaatsch et Arldt, et par deux Italiens, Sergi et Sera.

Klaatsch, qui avait été ardent monogéniste, est devenu polygénisle intransigeant après avoir étudié le squelette aurignacien de Combe-Capelle (station préhistorique de la Dordogne). Il en a fait le type d’une race, l’homme d’Aurignac qui différerait de l’homme de Néanderthal, comme l’orang diffère du gorille. Làdessus s’est échafaudée toute une théorie de l’origine des anthropoïdes et des hommes, à partir d’un propithecanthropus hypothétique. Sur ce tronc, tel rameau ne donna rien que des hommes, les Australiens ; tel autre rien que des anthropoïdes, les gibbons et aussi le pithécanthrope de Java ; un troisième rameau a des branches humaines, les hommes de Néanderthal, les négrilles, les noirs d’Afrique et des branches simiennes, les gorilles, les chimpanzés ; un quatrième a aussi au moins une branche humaine, l’homme d’Aurignac, et une branche simienne, l’orang… De celle-là seraient venus les Germains.

Les idées de M. Klaatsch « ne reposent sur aucun argument sérieux », dit M. Boule, s’appuient sur des preuves « tout à fait dérisoires », déclare M. Vallois, « de vagues analogies » de l’humérus, du fémur, du tibia. Par contre, le savant allemand ne tient pas compte de faits importants, ainsi de ce que l’homme d’Aurignac est ultradolichocéphale et l’orang brachycéphale à l’extrême.

Et, cependant, cette théorie a été prise au sérieux par un certain nombre d’auteurs ; on l’a parfois considérée comme un point de départ démontré et on l’a vulgarisée comme telle.

Arldt a donné un autre arbre généalogique plus simple, mais non plus vrai. Cette fois, sur une souche animale, auraient poussé trois rameaux donnant chacun deux branches, l’une humaine et l’autre anthropoïde.

Depuis plus de vingt ans, Sergi soutient le polyphylétisme, mais ses idées ont évolué vers des conclusions outrancières. M. Vallois admire ses études anthropologiques sur les différences entre les races humaines, différences qui pourraient faire distinguer dans l’humanité jusqu’à des genres subdivisés en espèces. Mais « bien faible est la partie purement polyphylétique de la théorie… Au fond, le seul argument de Sergi est l’argument géographique. Or, les données paléontologiques actuelles montrent la faible valeur de cet argument. .. D’ailleurs, après avoir déclaré qu’il fallait s’abstenir de faire appel aux migrations, l’auteur italien se voit obligé de les invoquer. » Et, cependant, il soutient cette thèse formidable que les phylums humains et anthropoïdes n’ont pas de souches communes, mais que, d’emblée, dès l’origine de la vie, ils étaient parallèles et indépendants, comme tous les autres phylums animaux ou végétaux ! Voilà l’évolutionnisme abandonné pour une sorte de créationnisme. .. Il est regrettable que les idées de Sergi aient eu la large diffusion que l’on constate.

L’autre naturaliste italien, Sera, bouleverse le système habituellement admis pour l’ensemble des primates. L’arbre généalogique qu’il dresse a des rameaux, les uns anthropoïdes, les autres humains ; l’aspect général en est assez compliqué. Mais le fondement de la théorie est des plus fragiles : la configuration de l’os lacrymal et des régions voisines de la face. Les différences qu’il mentionne pour distinguer six types sont très faibles ou même imperceptibles. Un savant portugais, Mendès Correa, a soumis les idées de Sera à une épreuve dont le résultat est saisissant. Le squelette du membre inférieur d’un gibbon présente avec celui d’un orang 15 différences ; sur ce nombre, pour la plus grande satisfaction de Sera, " 8 se retrouvent entre les Japonais et les noirs ; mais Il se retrouvent entre deux Portugais… Donc, Sera voit des différences phylétiques là où il n’y a que des variations individuelles.