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POLOGNE. SCIENCES SACRÉES, XIX" SIÈCLE


le premier facteur, c’est chose connue que, vers la fin du xviiie siècle, on constatait partout un dédain accentué pour la religion, identifiée à l’obscurantisme. Ce phénomène s’observe également en Pologne. Sous ce rapport, l'état de choses était cependant meilleur en Pologne, car il n’y avait point de haine ni de persécutions religieuses comme ailleurs. En général, on peut dire que les traditions de piété étaient profondément enracinées dans la société polonaise ; le catholicisme fut, pendant toute l'époque de l’esclavage, un facteur puissant pour soutenir le moral de la nation et lui garder l’espoir en un avenir meilleur. C’est pourquoi la Pologne ne suivit point la voie de l’athéisme ; les quelques penseurs polonais qui subirent l’influence des courants nouveaux de la philosophie anticatholique prirent à l'égard de la religion et du catholicisme une altitude plus irénique qu’hostile. L’apologétique polonaise n’eut donc pas lieu de se développer en grand. Quant au développement des autres branches des sciences sacrées en Pologne, l'état de choses était d’autant plus regrettable que la Pologne était restée à l'écart du grand mouvement du xviiie siècle en Europe occidentale, dans le domaine de la théologie positive aussi bien que dans celui de la théologie pratique.

Si nous ajoutons à cet état de choses le joug de l’esclavage, différent dans chacune des trois annexions, et la nécessité continuelle, pour l'Église, de défendre sa liberté contre les persécutions des conquérants, et si nous considérons le fait que les meilleurs cerveaux et les plus nobles cœurs polonais du xixe siècle se proposaient comme but unique le recouvrement de l’indépendance, nous ne saurons nous étonner de la pauvreté relative dans le domaine des sciences théologiques en Pologne, au cours de ce siècle. Néanmoins, malgré des conditions si défavorables au développement des sciences sacrées, la théologie polonaise n’a pas laissé de produire des écrivains de valeur, surtout vers la fin du xixe siècle.

Situation de l’enseignement thco’ogique.


Au cours des dernières années de l’indépendance de la Pologne, pendant le règne de Stanislas-Auguste Poniatowski (1764-1795), un mouvement très vif se développa, qui tendait à la réforme politique et sociale. C’est alors que fut instituée, en 1775, la « Commission d'éducation nationale », qui fut le premier ministère de l’Instruction publique en Europe et qui développa une activité intense dans l’organisation des écoles. L’ancienne université de Cracovie fut réformée en 1780. La théologie y obtint quatre chaires, dont le nombre augmenta avec le temps. En même temps, l’académie des jésuites de Vilna, fermée à la suite du bref Dominus ac Redemptor (1773), fut rouverte sous le nom d'École centrale du grand-duché de Lithuanie. Depuis 1783, cette école possédait des cours de théologie. En 1803, l'École centrale de Vilna, annexée depuis 1795 par les Russes, obtint le titre d’université conférant des grades scientifiques. On fonda le séminaire principal en 1808 pour y loger les étudiants en théologie. La ville de Lwôw se trouvait sous la domination autrichienne depuis 1772 ; en 1784, on y créa une université, qui existe encore aujourd’hui, simple transformation de l’ancien collège des jésuites, avec faculté de théologie. Entre 1805 et 1816, cette université fut abolie et remplacée par un lycée possédant aussi des cours de théologie, mais sans droit de conférer les grades. En dehors de ces trois centres d'études théologiques, les jésuites de Russie-Blanche obtinrent, en 1812, les droits académiques pour leur collège de Polock, avec facultés de philosophie, de théologie et des lettres. Cette nouvelle académie de Polock, qui ne déploya guère d’activité, fut fermée en 1820, après l’expulsion des jésuites de Russie.

Après le congrès de Vienne (1815), une université

avec faculté de théologie fut fondée à Varsovie, en 1817. De plus, à la suite d’une nouvelle circonscription des diocèses, les trop nombreux séminaires subirent aussi une réforme et furent réduits au nombre de un par diocèse. Après l’insurrection du 2'.i novembre 1830, l’université de Varsovie et celle de Vilna furent fermées. La faculté de théologie de Varsovie, devenue, dès 1825, séminaire principal, fut de nouveau transformée, en 1836, en une académie ecclésiastique qui dura jusqu'à 1867, date où elle fut fermée et sa bibliothèque donnée au séminaire de Varsovie. A la place de la faculté théologique de Vilna, on créa, en 1833, une académie ecclésiastique, transférée en 1842 à Pétersbourg où elle demeura jusqu'à la révolution bolchéviste de 1917. Seuls les élèves ayant achevé leurs études ecclésiastiques dans les séminaires diocésains pouvaient être reçus dans ces deux académies.

De tous les séminaires ecclésiastiques de la première moitié du xixe siècle, c'était celui des lazaristes de Varsovie qui avait le niveau le plus élevé. Ce séminaire subsista depuis 1677 près de l'église de la SainteCroix, jusqu'à sa fermeture après l’insurrection de janvier 1863 (il sert aujourd’hui d’internat pour les étudiants de la faculté de théologie). Vers la fin du xixe siècle, c’est au séminaire du diocèse de Cujavie, établi à Wloclawek, que doit être réservée la première place au point de vue scientifique. Les facultés théologiques de l’annexion autrichienne, c’est-à-dire celles de Cracovie et de Lwôw, demeurées longtemps sous l’influence du joséphisme, n’arrivèrent pas à se développer et ce n’est que vers la fin du xixe siècle (l’autonomie de la partie de la Pologne annexée par l’Autriche, ayant été décrétée en 1867) que les sciences sacrées commencèrent à prospérer. A Vilna, la plupart des professeurs subissaient l’influence du fébronianisme. Nous avons une preuve du manque d’esprit catholique de cette faculté théologique dans le fait que les trois auteurs de l’abolissement de l’union, en 1839, sur le territoire de l’ancien grand-duché de Lithuanie, à savoir Siemaszkq, Zubko et.Luzynski. avaient obtenu leurs grades scientifiques à Vilna. L’académie ayant été transférée à Pétersbourg, l'état de choses s’améliora, car la nouvelle institution scientifique était pénétrée de l’esprit vraiment catholique de son premier chef, un des prêtres les plus éminents que la Pologne ait produits à cette époque, l’archevêque de Mohilôw, Ignace Holowinski (1800-1855). Depuis ce temps, l’académie de Pétersbourg ne déserta jamais l'étendard catholique, alors même qu’elle eut pour chef le dominicain Stacewicz (1809-1876), trop conciliant à l'égard du gouvernement russe, en dépit du SaintSiège. Éloignée cependant du centre des courants scientifiques de l’Occident, l’académie ne développa pas une activité scientifique très intense et la plupart des théologiens qu’elle forma ne produisirent rien dans le domaine des sciences sacrées.

Pareil dédain de la production se remarquait aussi chez la plupart des membres de l’académie théologique de Varsovie. Cependant, celle-ci avait atteint, au cours de ses trente ans d’existence, le niveau le plus élevé entre toutes les écoles théologiques polonaises du xixe siècle. Elle fournit un grand nombre de prêtres de haute culture, profondément attachés au catholicisme, et il est juste de dire que c’est surtout aux élèves de cette institution que l'Église doit d’avoir pu maintenir la foi catholique en Pologne, en dépit du joug ennemi et des persécutions cruelles qui s’ensuivirent, surtout après l’insurrection de 1863, quand le gouvernement russe redoubla d’hostilité envers les Polonais et envers leur foi catholique, si uation qui d ra jusqu'à la première révolution russe de 1905. L’académie de Varsovie eut aussi de grands mérites dans le domaine des sciences sacrées. C’est d’elle