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POLOGNE. SCIENCES SACRÉES, MOYEN AGE


université. Et ces premiers professeurs placèrent' des le début l'école cracovienne à un niveau élevé. Cette université, nommée « jagellonienne », du nom de son fondateur, largement pourvue par le roi et par les grands seigneurs polonais, acquit, au cours du xv° siècle, la renommée d’une des plus hautes écoles d’Europe, attirant un certain nombre d'étudiants étrangers, surtout des pays voisins : Allemagne, Hongrie et Bohême.

Et, de nouveau, comme par la force de la tradition, les juristes eurent la première place. Ce fait devint évident dès la première moitié du siècle, quand, à l'époque des conciles de Constance et de Bâle, les universités jouèrent un rôle considérable dans les essais qu’on fit pour réformer l'Église après le Grand. Schisme. Au concile de Pise (1409) assistaient des représentants de la Pologne, entre autres le recteur de l’université de Cracôvie, Élie de Wawolnica, qui se prononça pour Alexandre V, l'élu de Pise. Mais c’est particulièrement au concile de Constance que l’autorité des juristes polonais se montra dans toute sa plénitude. Une nombreuse délégation arriva de Pologne, ayant à sa tête l’archevêque de Gniezno, Nicolas Traba ; le rôle le plus important incomba à deux membres de la délégation : le savant juristevndré Lascaris de Goslawice, alors évêque nommé de Poznan, qui devint, au concile, un des représentants de la théorie conciliaire la plus radicale, et le recteur de l’université de Cracôvie, Paul Wlodkowic (PaulusVladimiri) de Brudzewo. Ce dernier est, sans aucun doute, un des meilleurs esprits et le plus grand écrivain polonais de l'époque. Il fit son éducation à Prague, puis à Padoue, où il fut l'élève du célèbre canoniste François Zabarelli, devenu plus tard cardinal. Le premier traité de Wlodkowic, De annatis caméra : apostolicæ solvendis, fut écrit avant le concile (publié dans l'édition des « Monuments du droit polonais », Pomniki prawa polskiego, t. v, p. 299). Dans ce traité, où se manifeste visiblement l’influence de l’aperçu de Mathieu de Cracôvie sur la réforme de l'Église (contenu dans son célèbre traité, De praxi curiæ romanse de 1404), l’auteur envisage les excès de la curie papale de cette époque dans un esprit d’opposition positive et, comme la plupart des partisans de la réforme, il incline du côté de la théorie conciliaire, c’est-à-dire de la suprématie des conciles sur le pape.

D’autres écrits de Paul Wlodkowic se rapportent aux litiges de la Pologne avec l’ordre teutonique, à propos de la conversion des peuples païens, des Lithuaniens surtout. Étant donnée l’union de la Lithuanie avec la Pologne et sa conversion, l’existence de l’ordre teutonique dans le bassin de la Vistule inférieure n’avait plus de raison d'être. L’ordre s’etïorçait pourtant de garder ses privilèges et son droit de répandre le christianisme à l’Orient, ce qu’il faisait généralement à l’aide de l'épée. Cette question fut soulevée pendant les débats de Constance. Paul Wlodkowic écrivit plusieurs traités à cette occasion ; il convient de citer : De potestate papie et imperatoris respect u paganorum (publié dans les Monuments du droit polonais, t. v, p. 161) où il expose une thèse (très moderne pour cette époque), qu’il ne convient pas de « convertir » les païens au moyen de l'épée. A cette occasion, il souligne fortement la suprématie du pape sur l’empereur en cette matière. Les autres traités de Paul concernent l’attaque portée contre le roi Ladislas Jagellon par un libelle d’un dominicain aventurier, Jean Falkenberg, ami des teutoniques. Ce dominicain accusait le roi de manquer de sincérité dans l’acceptation du baptême et lui imputait des erreurs païennes ; manifestant sa haine pour toute la nation polonaise, il faisait appel à une croisade contre la Pologne. La délégation polonaise s'étant vivement

opposée à Falkenberg, celui-ci publia, en 1417, un second écrit, Liber de doctrina potestatis papx et imperatoris, dirigé contre le traité de Paul et proclamant la suprématie de l’empereur sur le pape. Wlodkowic y répondit par le traité : De ordine cruciferorum et de bello Polonorum 'Monuments du droit polonais, t. v, p. 235). Cette polémique fut terminée par la condamnation de Falkenberg par le concile et la science polonaise remporta une première victoire devant l’opinion. En 1420, Paul Wlodkowic, député à Rome, écrivit le traité : Ad impugnandum privilégia cruci/erorum, publié dans Lites ac res gestæ inler Polonos ordinemque cruciferorum, t. iii, Poznan, 1855, p. 294-337.

Un second début, mais un peu moins réussi, des canonistes polonais, eut lieu au concile de Bâle. Le point de vue des partisans de la suprématie des conciles sur le pape était représenté en Pologne par Mathieu de Cracôvie et soutenu par Paul Wlodkowic. Ce point de vue était le plus répandu parmi les savants polonais. Une nombreuse délégation se renaît, en 1434, de Pologne à Bâle, sous la direction d’un humaniste, l'évêque de Poznan, Stanislas Ciolek, qui réunit plusieurs professeurs de Cracôvie, partisans décidés du concile et de l’antipape Félix V, à l’occasion de la rupture définitive de ce dernier avec le pape Eugène IV, en 1438. Sans aucun doute, c’est le cistercien Jacques de Paradyz qui, parmi ces professeurs, jouissait de la plus grande autorité. Vers la fin de sa vie, il quitta son ordre pour suivre la règle plus austère des chartreux à Erfurt († 1464). On peut affirmer qu’il a été le plus grand théologien moraliste de l'école cracovienne au xve siècle. Il est l’auteur de nombreux sermons et traités concernant surtout l’ascèse religieuse. A l'époque du concile de Bâle, il écrivit le traité : Determinationes theologicse de concilio super papam, où il se montre extrêmement radical, refusant même au pape le droit au titre de caput Ecclesix et de vicarius Christi. Quatre autres professeurs de Cracôvie ont traité à cette époque la même question : Benoît Hesse, Laurence de Raciborz, tous deux théologiens, le célèbre juriste Jean de Lgota (Elgot) et Thomas Strzempinski, plus tard évêque de Cracôvie (les noms en ski commencent à paraître à cette époque en Pologne). Le point de vue des deux premiers traités est plus radical, tandis que les théories d’Elgot et celles de Strzempinski sont plus modérées. Tous ces traités se trouvent dans le ms. 1217 de la bibliothèque universitaire de Cracôvie. On envoya enfin à Bâle le traité de Strzempinski, comme représentant l’opinion de l’université ; il obtint l’approbation générale et le point de vue qu’il exposait fut fidèlement soutenu dès lors par les professeurs de Cracôvie. Il est à remarquer que les rois polonais, fils de Ladislas Jagellon : Ladislas surnommé le Varnénien (il périt dans une lutte avec les Turcs sous Varna en 1444) et Casimir Jagellon (1447-1492) soutinrent constamment, dans ce litige, la cause du pape. Après la mort de l’austère Eugène IV (1447) et l’avènement au trône pontifical de l’indulgent Nicolas V, tous les évêques, indécis jusqu’alors, firent acte d’obédience au pape avec l'évêque de Cracôvie, Zbigniew Olesnicki, homme de grand savoir et qui faisait alors fonction de gouverneur du pays à cause du jeune âge des rois. L’université seule resta dans l’opposition, ayant pris parti pour les conciliaires et ne vint même pas saluer le nonce Et>rici à son arrivée en Pologne en 1448. Ce n’est qu’après l’abdication de Félix V et la dissolution du concile de Bâle que l’université se soumit enfin à Nicolas V.

L’action des autres théologiens et des juristes de Cracôvie, au xve siècle, a un caractère plutôt local. En considérant la question de façon générale, il convient de souligner que, dans les nombreux écrits des