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POLOGNE. SCIENCES SACRÉES, MOYEN AGE
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dionale et occidentale de la Pologne, la plus fertile et la plus riche. La Pologne mit beaucoup de temps à guérir de ses blessures. Ce n’est donc que vers la lin du Moyen Age que les derniers monarques de la dynastie de Piast, Ladislas, surnommé Lokietek (1306-1333), et son lils Casimir le Grand (1333-1370), réalisèrent l’unification et raffermissement politique de l'État polonais. L’année 1301 marque une date importante par la fondation de la première université polonaise à Cracovie. Dès lors seulement, nous sommes en droit de parler d’une certaine activité des sciences sacrées en Pologne.

Cependant, il existait auparavant certaines données éparses sur l'état des sciences sacrées dans ce pays. Depuis l'époque de la formation d’une hiérarchie stable et des évêchés, c’est-à-dire depuis le début du xie siècle, apparaissent les écoles cathédrales, collégiales et monastiques dont le nombre ne cesse de s’accroître. Les plus anciennes données sur l'état des bibliothèques remontent à 1110, à savoir : un catalogue des livres de la bibliothèque cathédrale de Cracovie. Nous y trouvons d’abord des manuels universellement employés pour le < trivium », puis, un seul ouvrage pour le « quadrivium » : les Étijmologies d’Isidore de Séville, dont le 1. III traite de la musique, des mathématiques et de l’astronomie ; pour la théologie il n’y a que quelques livres liturgiques et quelques écrits patrisliques (saint Grégoire le Grand), ainsi que des sermons et une collection de décrétales pontificales. Ailleurs, on rencontre dès le xiie siècle d’autres ouvrages, soit ceux des papes, soit ceux d'écrivains médiévaux, théologiens et canonistes. Par exemple, dans la bibliothèque du chapitre métropolitain de Gniezno se trouve un ms. du xiie siècle : Synopsis totius juris canonici (ms. 511). Dans la même bibliothèque, sous le n. 38 est conservé l'écrit original le plus ancien des sciences sacrées en Pologne, les Excerpta ex theologia et jure canonico de l’archevêque de Gniezno, le savant docteur en décret, Jacques de Znin (1119-1148).

Les choses vont mieux au xme siècle. A partir des dernières années du xiie, apparaissent un grand nombre d’ecclésiastiques possédant des grades scientifiques acquis aux universités étrangères. Les rares écrits de cette époque, chroniques et sermons, démontrent un assez haut savoir en sciences sacrées. Le « Polyhistor » du Moyen Age polonais, le bienheureux Vincent Kadlubek (évêque de Cracovie en 1207-1217, puis cistercien de l’abbaye de Jedrzejôw, t 1223) fait preuve dans sa Chronique d’une haute érudition, sacrée aussi bien que profane. De même, les nombreux statuts des synodes provinciaux de Pologne témoignent d’un savoir étendu dans le clergé supérieur. Nous en avons encore un témoignage dans un assez grand nombre de manuscrits provenant du xme siècle et contenant des ouvrages théologiques et juridiques. Le nombre des écoles s’accroît aussi. Celles-ci se divisent en inférieures (paroissiales) et supérieures : cathédrales, collégiales et monastiques, où l’on enseignait la théologie, le droit et les arts. Nous avons mention, au xive siècle, de l’existence de 119 écoles sur le territoire polonais (y compris les possessions de l’ordre teutonique). Les manuscrits des bibliothèques se multiplient aussi de façon remarquable.

Nous ne rencontrons cependant point d’oeuvres théologiques originales polonaises, tout au plus de courts glossaires, des commentaires et des suppléments ajoutés aux écrits connus de l’Occident. L’unique écrivain qui soit parvenu à quelque notoriété fut un moine dominicain, Martin de Opawa, en Silésie, surnommé le Polonais (Martinus Polonus), qui mourut archevêque nommé de Gniezno en 1278. II est l’auteur d’une série d’oeuvres parmi lesquelles il convient de mentionner la Chronicu summorum pontificum atque

imperalorum et un abrégé canonique, intitulé Margarita decreti ou Summa Martiniana. Ce personnage n’avait guère de polonais que l’origine ; il vivait en Bohème et avait longuement séjourné à Home, où il occupa un poste éminent à la cour de plusieurs papes. Il y eut encore deux autres juristes contemporains de Martin : Nicolas, archidiacre de Cracovie, auteur d’une Summa decretalinm (ms. non édité, disparu) et Laurence le Scolastique, de Breslau, qui écrivit un Memoriale decreti, œuvre totalement inconnue en Pologne.

II. De la fondation de la première université (1364) jusqu'à la Réforme. — Dans l’action qu’il entreprit pour affermir le pouvoir de l'État polonais, le roi Casimir le Grand s’occupa assidûment de la codification des lois, ce qui dura vingt ans (1348-1368). Le manque de bons juristes en Pologne se fit sentir à cette occasion. D’autre part, le roi, homme de haute culture, esprit distingué, aux larges horizons, désirait relever l'état des sciences en Pologne. Guidé par ces deux motifs, le roi commença, en 1362, à traiter avec le Saint-Siège et réussit, en 1364, à obtenir le consentement du pape Urbain V à la fondation d’une université à Cracovie, alors capitale de la Pologne. Le SaintSiège exclut provisoirement les études théologiques, ce qui arrivait fréquemment au Moyen Age, dans les universités de nouvelle fondation. Le roi était guidé dans ses projets par le désir de former des juristes érudits. C’est pourquoi, sur Il chaires qu’il avait établies, 8 étaient dévolues aux sciences juridiques (3 au droit canon et 5 au droit romain), 2 à la médecine et une aux arts. Cette université n’eut pas d’activité bien intense et, après la mort de son fondateur, c’est à peine si elle végétait. Elle ne trouva aucun appui dans le successeur de Casimir le Grand, Louis, de la dynastie d’Anjou, roi de Hongrie et de Pologne (1370-1382), fils d’une sœur de Casimir.

Une véritable amélioration eut lieu en 1384, à l’avènement au trône polonais d’Edwige, fille de Louis, reine de grand esprit et de haute sainteté, qui, deux ans plus tard, épousa le prince lithuanien Ladislas Jagellon (1386-1434). Par ce mariage, la Pologne devint une grande puissance politique. La pieuse reine sollicita le consentement du pape de Rome, Boniface IX, en 1397, en vue de la fondation d’un studium theologicum à Cracovie, ce qu’elle obtint. Peu après la mort d’Edwige (1399), le roi Ladislas Jagellon fonda, en 1400, à Cracovie, une université comprenant quatre facultés. Deux hommes de haute culture étaient les conseillers du couple royal en cette matière : l'évêque de Cracovie, Pierre Wysz de Radolin, ancien professeur en droit à Padoue, et surtout le célèbre théologien et auteur de traités ascétiques, Mathieu de Cracovie (originaire de la famille bourgeoise allemande des Stadtschreiber, établie à Cracovie), ancien professeur à Prague, à Paris, à Heidelberg, d’où Edwige l’avait fait venir à Cracovie pour un séjour de quelques années et qui mourut évêque de Worms en 1410. On fonda la nouvelle école sur le modèle de l’université de Paris, tandis que l’université de Casimir le Grand s'était modelée sur celle de Bologne. C'était donc l'évêque de Cracovie qui était chancelier, l'élection du recteur et des autorités académiques ne revenait pas aux étudiants, comme c'était l’usage à Bologne, mais au corps enseignant avec confirmation du chancelier.

Le premier corps enseignant fut fourni à la nouvelle université par Prague surtout, où, depuis 1347, existait une université, avec faculté de théologie, fréquentée par un grand nombre d'étudiants polonais. C’est donc là que fit ses études le premier recteur de l’université de Cracovie, le célèbre et éloquent pro fesseur en droit Stanislas de Skalbinierz. C’est <le là aussi que l’on fit venir un grand nombre de manuscrits, qui enrichirent la bibliothèque de la jeune