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POLOGNE. L'ÉGLISE ET L'ÉTAT


les lois de l'État. Il faut mentionner aussi que la Constitution ne définit pas quel organe doit agir au nom de l'État, pouvoir législatif ou exécutif, et, s’il s’agit du dernier, si c’est le président de la République, le Conseil des ministres ou le ministre de l’Instruction publique. L'Église catholique n’a pas besoin de l’autorisation de l'État pour avoir droit à l’existence ; ce droit elle le possède à priori, alors que les autres associations religieuses doivent faire des démarches pour obtenir cette autorisation de l'État. L'Église catholique de Pologne ne doit pas son existence juridique à la loi publique polonaise, sa personnalité juridique ne dépend pas de l’autorisation de l'État, mais de sa propre souveraineté, comme pour chaque autre État souverain. Partant de ce principe et se fondant sur l’art. 48 qui dit : « Le président de la République reçoit les représentants diplomatiques des États étrangers et envoie les représentants diplomatiques de l'État polonais aux États étrangers », ainsi que sur l’art. 49, § 1 : « Le président de la République conclut des traités avec les autres États et les notifie à la Chambre des députés », les législateurs polonais ont reconnu que « les rapports entre l'État et l'Église catholique doivent être définis en prenant pour base le traité avec le Saint-Siège, soumis à la ratification de la Chambre des députés » (art. 1 1 4). Les rapports entre l'État et les autres confessions seront définis seulement quand l'État aura pris connaissance de leurs statuts et « après accord avec leurs représentants légaux ». Le cas n’est pas prévu où, l'État n’arrivant pas à un accord avec ces représentants, l’avis de ceux-ci pourrait être pris en considération. Au contraire, il semble résulter du texte de la loi qu’en cas d’opposition de leur côté, l'État est en mesure de régler les choses en dépit de leur volonté. Ceci est impossible dans les rapports avec l'Église catholique. Par cela même est marquée une entière indépendance de l'Église catholique par rapport à l'État et, jusqu'à un certain degré, le haut domaine de l'État sur les autres associations religieuses, chrétiennes ou non.

c) Collectivités religieuses non reconnues. — L’art. 116 dit : « La reconnaissance d’une confession nouvelle, ou non encore reconnue par la loi, ne saurait être refusée aux associations religieuses dont l’organisation et la doctrine ne sont pas contraires à l’ordre public ni aux bonnes mœurs. » Cet article est formulé de manière trop élastique. Rien n’y est dit de la nature de cette collectivité, ni du nombre des membres nécessaire pour qu’elle puisse avoir reconnaissance par l'État. Rien n’y est dit non plus du pouvoir qui doit accorder cette reconnaissance : Chambre des députés, président de la République, Conseil des ministres ou ministre de l’Instruction publique ? Les droits, mentionnés dans l’art. 113 ne sont pas assurés à ces associations religieuses qui existent de facto en territoire polonais. Elles pourraient exister juridiquement non comme associations religieuses, mais comme associations ordinaires (art. 108).

La Chambre vient de voter (26 janvier 1934) le nouveau projet de Constitution. Rien n’est changé dans les paragraphes de la Constitution de 1921 en ce qui concerne les questions religieuses et les affaires ecclésiastiques. Toutefois, le nouveau texte omet, au début, l’invocation du nom de Dieu et modifie la formule du serment à prêter par le président de la République. Par ailleurs, elle introduit l’idée que le président « est responsable devant Dieu du sort de l'État ».

2° Le concordat polonais du 10 février 192j. — Ce traité contient des dispositions qui sont en même temps lois d'Église et lois d'État.

Comme lois d'Église, portées par le souverain pontife, elles sont particulières, obligatoires seulement pour les citoyens polonais catholiques et ne peuvent être abolies ni par les Ordinaires, ni par les conférences

des évêques, ni par les synodes diocésains, provinciaux, généraux ou nationaux. Leur mise en vigueur dépend en grande partie des Ordinaires et surtout de la commission des évêques, après entente avec le gouvernement. Comme lois d'État, elles s’appliquent exclusivement aux personnes et aux affaires dont elles traitent. Le fait qu’elles sont" enregistrées dans une convention internationale les garantit contre l’abolition en bloc faite par l'État de manière unilatérale ou contre une annulation partielle.

Le concordat polonais s’est tracé un but très noble : « déterminer la situation de l'Église catholique en Pologne et établir les règles qui régiraient, d’une manière digne et stable, les affaires ecclésiastiques sur le territoire de la République ». Bien que l’on n’y lasse pas mention des lois matrimoniales, de l’Action catholique — sujets qui sont traités et réglés en d’autres concordats — bien que certaines affaires, comme celle du patronat, du droit d'étole, de la dotation du clergé par l'État, n’y aient pas été définitivement réglées, mais renvoyées « à un nouveau traité », ce concordat est de la plus haute importance ; il pénètre profondément dans la vie politique et ecclésiastique, éloigne maint désaccord entre les deux autorités et contribue au plus haut point à une coopération harmonieuse de l'Église et de l'État pour le bien de la nation.

Comme nous l’avons vii, l'Église catholique jouit, dans une certaine mesure, d’une situation privilégiée, et possède une entière liberté de développer sa vie religieuse dans les cadres de sa juridiction. L’art. 1 er du concordat constate cette liberté en ces termes : « L'Église catholique, sans distinction de rites, jouira dans la République de Pologne d’une pleine liberté. L'État garantit à l'Église le libre exercice de son pouvoir spirituel et de sa juridiction ecclésiastique, de même que la libre administration et gestion de ses affaires et de ses biens conformément aux lois divines et au droit canon. » L’art. 2 précise davantage cette liberté : « Les évêques, le clergé et les fidèles communiqueront librement et directement avec le SaintSiège. Dans l’exercice de leurs fonctions, les évêques communiqueront librement et directement avec leur clergé et leurs fidèles et publieront de même leurs instructions, leurs ordonnances et leurs lettres pastorales.

Ainsi, toute censure est abolie dans la correspondance du clergé avec le Vatican et dans celle des évêques avec les fidèles, censure qui fut si pénible pour l'Église, surtout au temps de l’ancienne domination russe. Il y a aussi l’abolition du regium placel des deux autres États qui exigeaient le consentement et la confirmation de l'État pour la publication des bulles, des encycliques et, en général, de tous les actes de l’autorité ecclésiastique.

Le concordat est une convention entre l'Église et l'État. Toute convention de ce genre est un compromis entre les deux autorités qui se font des concessions réciproques. Ainsi, après que l'État a reconnu en principe la pleine liberté de l'Église (art. 1 effet 2), le concordat s’occupe, dans les autres articles, de certaines concessions que l'Église fait en faveur de l'État et qui constituent des dérogations partielles à ce principe. Il faut reconnaître néanmoins que l'État agit ici avec une grande modération, qu’il n’exige rien et que l'Église n’est nullement obligée de faire des concessions qui empiéteraient sur le terrain de la discipline ecclésiastique. Les concessions faites par l'Église, aussi bien que l’aide que l'État est obligé de lui accorder, ont pour unique but d'étendre et de perfectionner la sphère d’action des deux autorités pour leur bien et celui de leurs subordonnés. Il est inutile d’exposer dans cet article toutes les questions traitées par le concordat, il suffit d’en faire connaître la portée. Pour plus de clarté, divisons ces questions en deux