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POLITI. ACTION AU CONCILE DE TRENTE


de l’état de grâce, la prédestination, le péché originel. ( rtharm t tait spatialement virulent en mettant en doute, selon une tradition augustinienne, la puissance du libre arbitre dans l’état de nature déchue. La même

année, sur le sujet où il sait triompher le mieux (le Soto an yeux Un publie. Catharin revient encore à des Assertationes quatuordecim circa articulum de certitudine gratiæ.

En toutes ces affaires doctrinales, Catharin obtint largement gain de cause auprès « le la curie romaine. du moins pour ce qui concernait son avancement hiérarchique. 11 fut évêque de Minori, dans le royaume de Naples (et non pas de Minorque ainsi que l’écrivait au xviiie siècle l’érudit P. Richard), (.’est à ce titre nouveau qu’Amhroise Catharin continuait à donner ses soins assidus au concile de 1 rente, avec un prestige accru, contre les tendances des thomistes les plus traditionalistes. En 1551, il allait jusqu’à s’opposer sur toute la ligne de la bataille théologique à Dominique Soto. Il écrivait contre lui un nouveau recueil d’opuscules in 4°. Il y reprenait tous les divers sujets de ses travaux précédents contestés.. Il y disait une lois de plus que le témoignage du Saint-Esprit permet à chaque homme de dire s’il est ou non en état de grâce. C’est peut-être sur ce point, plus que sur tous les autres. qu’Amhroise Catharin aurait introduit dans sa théologie un principe contraire au thomisme authentique. Il semble bien, et c’est normal contre les luthériens, que l’essentiel pour Catharin soit de tirer la grâce du côté de la conscience humaine plutôt que du côté de la primordiale volonté de Dieu. Cette grâce considérée plutôt du côté de l’homme que du côté de Dieu pourra, par une métamorphose nouvelle, devenir la grâce de Molina. Sans aucun doute, la grâce selon Catharin (pas plus que la grâce selon Molina) n’est une liberté humanisée jusqu’au pélagianisme et d’où Dieu se retirerait. Mais, comme la grâce spéciale qu’il attribue à Adam, la grâce, selon Catharin, est un peu comme un pacte où Dieu et l’homme seraient également parties et que l’homme pourrait briser.. Il reste toutefois que, Catharin se faisant de l’action divine une idée très haute, très thomiste et nullement anthropomorphique. il n’est pas à craindre qu’il retire de la causalité divine quelque action humaine que ce soit.

Sexagénaire plein d’entrain et mûri par toute une existence de réflexions et de discussions graves, l’évêque de Minori est en pleine possession de son talent. En 1547, il a encore fait paraître contre le luthéranisme un petit livre, De consideratione et judicio prœseniium temporum a supersatis zizaniis in agro Domini libri I V, Venise, in-12. Une logique pressante, où la manière humaniste et le raisonnement du théologien s’appuient l’un l’autre, montre au lecteur que Luther est d’abord le schismatique orgueilleux, puis l’hérésiarque novateur dont les opinions varient d’année en année. Un an après la mort de Luther, ce petit livre constituait une grave notice nécrologique.

Catharin mûrissait aussi, au concile de Trente, une opinion très pessimiste sur la valeur des œuvres des infidèles. En cela, il savait montrer que son opposition a Luther ne venait pas d’un simple parti pris. En effet, cette thèse que toutes les œuvres sans la foi sont des péchés, thèse soutenue carrément par Catharin, fait partie du nombre des thèses essentielles de la théologie de Luther. Lorsqu’à Trente il fut question de condamner cette thèse, Catharin, nui était bien loin d’être tout simplement le moliniste avant Molina qu’on a tant de fois supposé, prôna ce pessimisme augustinien concernant les infidèles. Il poussa cette primauté de la grâce théologique sur la liberté humaniste jusqu’à ses extrêmes conséquences. Non seulement il prit la défense de la thèse luthérienne, mais il renchérit, y ajoutant spécialement « que toutes les

œuvres des fidèles qui sont en péché sont de vrais péchés quand bien même les hommes les trouveraient héroïques… » car il est dit dans l’Écriture : « le mauvais arbre ne saurait porter de bons fruits ». Sarpi, p. 179180. La théorie complète de la justification que Catharin soutint au concile se ressent de ce souci et de ménager les libertés humaines, et de maintenir la primauté absolue de Dieu, de répondre à Luther qui exagère la tradition de la primauté divine, et de tenir compte de cette tradition. Catharin s’exprima au concile dans le sens suivant : « Justitia Christi nobis impulatur, quia per eam et propter eam Deus laryitur nobis jiislitiam nobis propriam et inluvrentem, qua oere, non imputative, justi suwus et jusii/icamur. » Concilium Tridenlinum, t. v, p. 171. En un sens, il serait vrai de dire que nous sommes justifiés par la foi. Ibid., p. 731. L’homme n’est pas la cause efficiente complète de sa justification, p. 741. Ambroise Catharin publiait d’ailleurs à ce sujet tout un volume : Interpretatio noni capitis synodalis decreti de justi ficatione, Joanni-Maria de Monte episcopo Pranestino nunvupata, Venise, 1517. Cet ouvrage lut réédité à Venise en 1591, ce qui montre le caractère durable de l’influence des opinions de Catharin.

Après des Commentaires sur les épttres de saint Paul, in-fol., Venise, 1551, 1552, et des Enarraliones in quinque priora capila Geneseos, in-fol., Rome, 1552, Catharin revient encore, inlassablement, sur toutes ses opinions personnelles. Il pense, avec les docteurs grecs et orientaux, que Jésus-Christ n’a pas consacré par les paroles : « Ceci est mon corps… ceci est mon sang. » Il pense que ces paroles sont mises dans l’Évangile à cause de la valeur indicative qu’elles représentent pour nous. Il écrit plusieurs fois et soutient avec véhémence, au concile de Trente, que, pour que le sacrement opère, le ministre du sacrement n’a pas à vouloir faire une chose sacrée. Selon Catharin, il suffit que le ministre du sacrement veuille administrer le sacrement de l’Église. Voilà une théorie de l’administration ecclésiastique des sacrements qui, à force, de vouloir sauvegarder la primauté spirituelle de l’Église, finit par aller contre les valeurs spirituelles puisque, selon Catharin, le sacrement opère non seulement par soi, mais automatiquement. Si le ministre du sacrement veut administrer le sacrement de l’Église, et qu’il veuille expressément faire cela rien que par jeu ou par moquerie, le sacrement se trouve, selon Catharin, administré dans toute sa perfection. Cette thèse n’était que l’outrance, à vrai dire notable, d’une réaction contre le caractère « laïciste » du sacrement selon certains réformés protestants. On voulait marquer que les sacrements se rattachent par un côté à l’action de leurs ministres ecclésiastiques comme représentants de l’Église et de sa juridiction. Il arriva ainsi, dès 1547, au concile de Trente, que Catharin eut à exposer sa théorie contre une opinion luthérienne qui ne faisait des sacrements qu’un motif à exciter la foi des fidèles. Il fallait, au contraire, que le sacrement ne dépendît pas des circonstances de personnes, pour être une réalité permanente, toujours la même, en dépit du caractère subjectif et des ministres du sacrement et de ses bénéficiaires. On ne peut admettre, à croire Catharin, que tous les communiants d’une Église soient privés d’avoir reçu l’eucharistie par suite de la malignité ou de la négligence d’intention du desservant. S’il fallait l’intention du prêtre pour le sacrement, < qu 1I( affliction, disait Catharin, serait-ce à un bon père, si, voyant son enfant moribond, il venait à douter de l’intention du prêtre qui l’aurait baptisé ? » Catharin évoquait dans l’histoire de l’Église des cas où un bap tême conféré par jeu aurait été considéré comme valable. Ce jour-là, Catharin fut si convaincant que les théologiens de Trente ne purent rétorquer ses rai-