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POLITI. ACTION AU CONCILE DE TRENTE


mais il était l’homme du moment. Sarpi, Histoire du concile de Trente, 1699, p. 193-195.

Ce n’en était pas moins une grosse colère, pour les dominicains, qui s’entendaient sur une interprétation commune, et somme toute très légitime, de saint Thomas, de constater que Catharin, dans ses propos au concile, voire même dans des discours officiels ou dans des mémoires imprimés, rejoignait l’opinion de théologiens jésuites du concile, Lainez et Salmeron. Pour lutter contre la théorie luthérienne, en effet très grave, du serf arbitre de l’homme, les trois théologiens, le dominicain Catharin et ces deux jésuites, refusaient que l’on employât à propos de la liberté humaine l’expression : liberum crbitrium a Deo motum et excitatum ; ils préféraient l’expression : mens mota et excitata. Cette dernière manière de dire, antérieure au molinisme, n’est pas si nécessairement moliniste, encore moins pélagienne, qu’on veut bien le dire ; et, pour ce qui concerne Catharin, elle aurait pu se compléter et se préciser comme suit : mens « omnimodo » mota et excitata. L’expression mens est d’ailleurs fortement augustinienne et traditionaliste pour désigner la cause d’un effet spirituel. Sur la matérialité des faits, voir Serry, Historia congregationum de auxiliis, col. 3-4.

On a pu croire que, pour faire triompher des ambitions personnelles, Catharin s’est comporté alors en habile diplomate. Il manifesta pour le caractère romain de l’Église et pour les points qui étaient le plus agréables à la curie un zèle extrême, en particulier sur la résidence des évêques. Les disputes commencées au concile entre Catharin et son confrère Carranza furent continuées par un traité à la fois d’actualité et de polémique contre Carranza, publié précisément en ces circonstances, à Venise, en 1547 : Tractatus quiestionis quo jure episcoporum residentia debeatur. Catharin y joignit une Censura ejusdem in libellum quemdam inscriptum controversia de necessaria residentia episcoporum. Primitivement, Ambroise Catharin pensait et affirmait que la résidence des évêques est de droit simplement humain. C’est dans le feu de la discussion avec Carranza, qu’il proclamera finalement bien haut que cette résidence est de droit divin, car il veut, contre Carranza, insister sur l’importance de cette résidence. Concilium Tridentinum, t., p. 778, 893 ; t. îx, p. 277. Si la résidence des évêques apparaît à Catharin affaire de droit divin, à fortiori, dans son dévouement au Saint-Siège, donne-t-il à celui-ci les plus grandes prérogatives. Le pape seul lui apparaîtra fondamentalement d’institution divine. Tout ce que les évêques ont, ils le tiennent du pape. C’est le pape qui nomme les évêques, leur donne ou retire la juridiction à sa guise. Catharin se représente le gouvernement de l’Église comme la plus absolue des monarchies autoritaires. Sarpi, Histoire du concile de Trente, p. 201. Cette opinion, poussée à un point aussi radical, était étrangère aux autres membres dominicains du concile.

Catharin s’employa encore à embarrasser ses confrères dominicains et comme à les perdre, dans le difficile problème de la certitude qu’a ou n’a pas le chrétien d’être en état de grâce. C’est l’objet de son livre : Defensio catlwlicorum pro possibili certitudine gratiir, Venise, 1547, dirigé contre Dominique Soto. Alors vivait à Rome un théologien dominicain maître du Sacré Palais, Barthélémy Spina, qui avait osé autrefois s’attaquer au maître général de son ordre, le cardinal Cajétan. Du centre de l’Église, Spina voulut écraser cette théologie particulière renouvelant toutes les questions épineuses et que Catharin osait soutenir au concile. Spina présenta donc au pape Paul III, dont il était, en sa qualité de maître du Sacré Palais, le conseiller théologique officiel, un recueil de cinquante propositions qui lui paraissaient condamnables et qu’il attribuait à son confrère Catharin..Mais ce dernier fut

averti du coup qui le menaçait. Il put se défendre par un ouvrage qu’il rendit plus tard public : De/ensio contra schedulam a F. Bariholomeo Spina summo pontifiai oblatam. Échard, t. ii, p. 146, 148.. Il est a noter que le débat avec Spina portait surtout sur la curieuse théorie des prédestinés et des destinés non prédestinés, théorie bien spéciale à Catharin. Le thomisme strict de Spina s’ellrayait aussi de ce que, avec les scotistes, Catharin assimilait justification et charité. .Mais Catharin se défendait là-dessus par l’autorité de saint Augustin.

Dès 1546, dans une des sessions du concile de Trente, Catharin avait repris sa théorie sur le péché d’Adam qu’il avait exposée dans un opuscule. Les préoccupations du concile lui donnèrent le loisir d’exposer à fond sa doctrine. Il trouva des termes fort heureux à l’appui de sa thèse très hardie. Le péché d’Adam ne saurait être notre péché dans un sens banal du mot. Mais Adam avait fait un pacte avec Dieu pour toute la race humaine. « Comme Dieu a fait une alliance avec Abraham et toute sa postérité quand il l’a fait le Père des croyants, de même lorsqu’il a donné la justice originelle à Adam et au genre humain, Adam s’est obligé au nom de tous les hommes à la conserver pour lui. Hien qu’Eve eût mordu dans la pomme avant Adam, néanmoins elle ne connut point sa nudité, ni la peine qu’elle avait encourue, qu’après qu’Adam eut péché. » D’où Catharin concluait finement que, comme le péché d’Adam était devenu le péché d’Eve, il avait passé de même à toute la postérité. Dominique Soto prit naturellement la parole pour réfuter Catharin au nom de la thèse thomiste sur le péché de nature commis par Adam. Sarpi, Histoire du concile…, p. 160-161.

Catharin trouvait encore au concile l’occasion de plaider une cause qui lui était chère. Il voulait qu’on ne vouât pas à un malheur éternel les enfants morts sans baptême ; et il formait en leur faveur la gracieuse conjecture qu’ils seraient visités et consolés par les anges. Sarpi, p. 163. Mais, si les publications antérieures de Catharin trouvaient leur écho dans les séances conciliaires, Catharin ne négligeait pas non plus de fixer ses paroles au concile en de nouveaux écrits destinés à un public plus vaste que celui de Trente. Il éprouvait le besoin de prendre la chrétienté à témoin de son œuvre. Aussi publie-t-il, dès 1548, à Milan, des Orationes habita ; in u sessione concilii Tridentini. C’est qu’il avait à lutter contre forte partie. Meilleur que Dominique Soto dans la discussion orale, il semble bien l’avoir contraint parfois de rester coi, devant sa compétence, sa mémoire et son aplomb. Concil. Trident., t. i, p. 89. Mais Soto risquait de retrouver l’avantage par des écrits mûris après coup. Il était un point particulièrement où Soto croyait avoir élaboré une doctrine plus conforme que celle de Catharin au sens commun des théologiens. C’était en ce qui concernait la certitude de l’état de grâce. Soto’ne voulut pas avoir l’air d’être battu, lorsqu’il avait pour lui, il faut le dire, toutes les apparences et une bonne partie des réalités de la tradition. Soto écrivit donc son Apologia qua episcopo Minorensi (Catharin lui-même ) de certitudine gratiwrespondet, Venise, 1547. Mais Catharin, avec une opinion beaucoup plus personnelle, répliqua avec une extrême vigueur : Expurqatio adversus apologiam F. Dominici Soto, la même année 1547, à Venise, trois opuscules en un volume. Ce volume eut du succès puisqu’il fut réédité en 1551. Mais Catharin, qui prenait trop de plaisir à ces fortes ripostes, n’en resta pas là dans sa dispute longue et pour ainsi dire chronique avec Dominique Soto. Comme un nouveau trait contre le théologien espagnol, il décocha une Summa doctrime de prædestinatione, Rome, 1550, et des Disceptalionum R. P. F. Ambrosii Catharini ad R. P. F. Dominicum Soto…, 1551, où étaient à nouveau discutés la certitude