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POLITI. ACTION AU CONCILE DE TRENTE


horreur. Si 1)ieu se soucie peu des bœufs « , en an sons. on peut dire qu’il s’en soucie assez dans sa science créatrice pour créer chacun doux et chacun de ses

actes. A fortiori lorsqu’il s’agit des hommes.

ibr ::i :.c t itharin a ton pairs tonsidtlï sa doctrine personnelle sur la prédestination comme acquise, définitive. Moins de deux ans avant sa mort, en 1551, il l’expose à nouveau, en termes si nets, que nous pouvons être assurés qu’il n’y a pas eu de glissement dans ses opinions, à partir de la prémotion divine universelle selon saint Thomas, dans la direction des doctrines théologiques qui seront bientôt celles de Molina. Catharin conserve son vocabulaire qui restreint l’emploi du terme prédestination » au cas de quelques privilégiés de la grâce.. Il s’exprime comme suit :

Cum igitur ita sit ut et salvari et damnari possit liomo non prsedestinatus, duo hic dicimus : primum non esse in providentia Dei determinatum numerum eorum qui salutem consequentur, licet in prsescientia sit determinatus. Ouamvis enim, ut recte et vere ait S..loannes Damascenus, omnia Deus sua pra>scientia prsevideat, non tamen sua providentia pra ? determinavit omnia : alioqui nihil posset evenire contingenter, sed omnia necessario.si cunctos et singulos effectus ipse prsedeterminaret. Aliqua ergo permittit evenire, qusv, ut sic evenirent, non sunt certa determinatione ab ipso provisa, ut in his maxime contingit, quæ, ut sic eveniant vel non eveniant, ex libero nostro pendent arbitrio. Échard, Scriptores…, t. ii, p. 149.

Bref, pour que cette liberté laissée à l’homme au de la de la causalité finale divine surnaturelle soit une libellé moliniste, il faudrait renoncer à cette efficience créatrice qu’avec saint Thomas et saint Jean Damascène Ambroise Catharin maintient partout à Dieu jusqu’en chaque acte libre de l’homme. Sans doute, il reste que Catharin a poussé le thomisme dans le sens de l’humanisme œuvrant réellement pour le salut. Mais il reste dans une voie que saint Thomas lui-même avait contribué à ouvrir au sein de Paugustinisme traditionnel. On peut bien dire aussi que Catharin a poussé les choses jusqu’au point que, [jour passer de son opinion au molinisme. il suffira de moins insister sur l’universelle science de Dieu, cause des choses jusqu’en leurs plus menus détails. Notons encore que, jusqu’en ce terme de son activité doctrinale, Catharin continuait à appuer sa théorie de la prédestination par une thèse formelle, explicite sur le très grand nombre des âmes sauvées, thèse qui lui paraît conforme à l’évidente bonté de Dieu.

Catharin s’est certes éloigné davantage de la tradition de son ordre en déclarant que la rédemption n’est pas le motif de l’incarnation. Comme Scot, il pense que l’incarnation concerne Dieu d’abord, l’homme ensuite et que la rédemption de l’homme n’est qu’une cause accessoire en comparaison de la glorification de Dieu. Il eut contre lui. à ce sujet, l’animosité de ses confrères, comme le 1’. Spina. maître du Sacré Palais. I). Searamuzzi, art. cité, p. 11)8-212. Comme les scotistes encore, il identifie la grâce sanctifiante avec la vertu théologale de charité. Il se fait dénoncer là-dessus par ses confrères dominicains. Ibid.. p. 213-217.

Catharin soutient en outre une théorie du péché originel tout à fait particulière.. Il pense en effet que la volonté de chaque homme est directement impliquée dans le péché originel comme directement contenue dans la volonté d’Adam ! Il estime que les enfants morls sin^ baptême jouissent d’une sorte fie véritable paradis : et il y a là encore une tendance moderne de sa théologie. Dans l’extension qu’il veut au culte des saints. Catharin croit que saint Jean l’Évangéliste a bénéficié, a l’égal de la vierge Marie, d’une assomption miraculeuse dans le ciel. Pour défendre le culte des saints contre les attaques protestantes, il est amené à insister sur l’infaillibilité de

la cour de Rome dans les procès de canonisation. 11 englobe naturellement dans le culte des saints celui des images et des reliques. A une époque où la théologie protestante tourne à l’exégèse biblique, il est, lui aussi, conduit à instituer une théologie biblique. Mais il suppose que la lecture des textes sacrés n’est pas chose simple pour les laïques et qu’une clef y est nécessaire pour en ouvrir l’intelligence. D’où son écrit : (’.laves duse ad aperiendas intetligendasve sacras Scripturas…, Lyon, 1543. C’est une curieuse introduction à l’Écriture sainte. Catharin y oppose, bien entendu, les obscurités de l’Écriture aux interprétations simplistes de Luther.. Il essaie de donner une idée de l’inspiration divine des textes bibliques et de ce que représente la Vulgate pour le catholicisme.

De retour en Italie, il y éprouve encore l’utilité de combattre l’influence persistante de Hernardin Ochin et des luthérianisants, d’où son Rimedio a la pestilente dottrina de frate Bernardino Ochino, Home, 1544, ouvrage formé de dialogues fort piquants en langue italienne. L’auteur y reprend finalement ses arguments habituels contre les luthériens. Il attaque d’ailleuis, dans un autre livre en langue italienne, Luther, le maître d’Œhin : Compendio d’errori ed ingami Luterani corrfenuti in un libreto senza nome dell’autorc intitolato : Tratlato utilissimo del bene/icio di (’risto croci/isso, Rome, 1544.

III. Catharin au concile de Trente.

L’activité doctiinale de Catharin ne s’était pas seulement employée à réfuter des hérésies luthériennes qui s’attaquaient à l’Italie elle-même. Catharin avait conçu toute une théologie catholique nouvelle conservant ses attaches augustiniennes et thomistes, y accueillant aussi les thèses les plus chères à Duns Scot. Cette ubiquité, plutôt que cet éclectisme, disposait le Saint-Siège’à introduire Catharin au concile de Trente, dés les premières sessions. Tout de suite Catharin s’y imposa par la vigueur de sa pensée comme par l’indépendance de ses opinions et par son habileté à les défendre.

Sous les affirmations contradictoires des historiens du concile, qui traitent Catharin tantôt comme un personnage dangereux et processif, tantôt comme un esprit doux et pondéré, nous devinons en Catharin, au service de sa liberté de pensée, un mélange de hardiesse et de courtoisie qui ne devait pas plaire à tout le monde. Tout de suite, son humeur et sa doctrine frondeuses le mirent en conllit aigu, public, avec les autres théologiens dominicains : Carranza, Dominique Soto, Barthélémy Spina. Ces théologiens l’attaquèrent notamment sur sa théorie de la prédestination. Une attaque de cette importance, qui ne visait rien de moins que son orthodoxie, était de nature à compromettre sa carrière ecclésiastique et, plus simplement, son repos religieux. Les thomistes de stricte observance s’effaraient de voir Catharin enseigner que chacun des nombreux simples appelés, non prédestinés, avait le soin de faire son ciel ou son enfer sans que, au point de vue humain, rien fût fixé quant au nombre des hommes sauvés. C’eût été en effet bien autre chose que du molinisme, du pélagianisme, si, toujours fidèle à Paugustinisme essentiel, Catharin n’avait ajouté : Ce nombre (des hommes sauvés) n’est pas fixé : sinon en tant que les œuvres d’un chacun sont prévue : Catharin avait d’ailleurs la partie belle au concile contre des esprits excellents, mais parfois trop liltéraux. Les circonstances le favorisaient. Dans ce moment où il s’agissait de condamner la thèse luthérienne : Dans la prédestination et la réprobation, il n’y a rien de la part de l’homme, mais tout vient de la volonté divine », seule la souplesse orthodoxe d’un Catharin apportait la solution opportune. Catharin n’avait peut-être pas la puissance doctrinale d’un Soto,