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POLITL OPINIONS THÉOLOGIQUES SINGULIÈRES

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hasarder que Catharin « corrige » l’augustinisme, ce ne serait que d’une manière très impropre et qui voudrai ! seulement dire qu’il le i complète » conformément aux circonstances du temps où il vivait. C’est même cet heureux opportunisme qui lit qu’Ambroise Catharin fut suivi et non renié, dépassé et non diminué par beaucoup de ses contemporains, qui étaient avant tout des défenseurs zélés du catholicisme orthodoxe. 11 n’en reste pas moins que Cajétan a tonné sa méditation personnelle dans des milieux padouans antérieurs à Luther et qu’il continue en vertu de la vitesse ou plutôt de l’orientation acquise, qu’il prolonge et pour ainsi dire extrapole l’ancienne doctrine traditionnelle, plus soucieuse du primordial monisme divin que du pluralisme humain subséquent. Tout au contraire, Ambroise Catharin, plus jeune de quinze ou vingt ans, postérieur en théologie à l’apparition de Luther, en réaction d’ailleurs bien explicable et légitime contre ce danger nouveau, donne comme un « coup de barre » vers un humanisme. Cet humanisme peut rester théologien et non païen. Il n’en paraîtra pas moins un humanisme qu’accentuent davantage encore, à la lecture, les expressions latines finement tournées, à la fois classiques et spontanées, où parfois Catharin se joue. En vérité, l’intention de Catharin est primordialement théologique, passionnée jusqu’à ne pas admettre un détail d’opinion différent du sien. Il ne laissera jamais rien passer à ceux qui ne sont pourtant pas complètement ses adversaires, puisqu’ils militent pour la même cause catholique, chaque fois que leur doctrine sera un tant soit peu différente de la sienne. Or, toujours ses dénégations iront d’abord contre le chef reconnu de l’école dominicaine, Cajétan. On dirait qu’Ambroise Catharin institue dans ses écrits, par zèle antiluthérien, une véritable chasse à Cajétan. A la date de 1535 qui est celle des Annotationes, il lui en veut non seulement de ses récents commentaires sur les Écritures, qui sont, en elîet, risqués, mais de certaines de ses positions doctrinales plus anciennes et plus traditionnelles, même dans l’Ecole. Il en résulte que, malgré l’opinion brillante qu’on avait jusqu’alors de lui, on commence à se méfier, dans l’ordre de Saint-Dominique, des thèses personnelles d’Ambroise Catharin. On avait bien vu des théologiens, comme Spina, s’opposer dans l’ordre à Cajétan, sur des opinions spéciales, dans la querelle par exemple de l’immortalité de l’âme. Ce que l’on n’avait point vii, c’était une orientation théologique différente. Mais cette désapprobation de ses confrères n’arrêtera jamais Ambroise Catharin, qui éleva toujours plus haut son souci de la recherche de la vérité. Jusqu’à sa mort, il prendra plaisir, dans ses écrits, à harceler Cajétan. Échard, Scriptores, t. ii, p. 145 et 152.

C’est sur ce terrain doctrinal, légèrement modifié par son apport théologique personnel, qu’Ambroise Catharin entend défendre les grandes vérités dogmatiques de l’Église. Il publie : Orcttio de officio et dignitate sacerdoium christianique gregis paslorum in synodo Lugduni habita, Lyon, 1537. Délibérément, depuis cette époque, il abandonne certaines des doctrines traditionnelles de son ordre. Ses confrères dominicains crient à la trahison ! Il est vrai qu’à considérer sa conduite personnelle vis-à-vis de la théologie dominicaine, on constate que son tour d’esprit frondeur prend un caractère systématique. En tout cas, sur une question alors très libre, celle de l’immaculée conception de la sainte Vierge, il est autant en faveur de la nouvelle doctrine que la grande majorité de ses confrères y était hostile. Cependant, il n’y a sans doute pas, dans sa pensée, un simple esprit de contradiction. Ambroise Catharin est en présence d’un fait nouveau, le luthéranisme. Il renchérit en effet, par réaction, contre les protestants, sur tout ce qui concerne le culte des

saints ; d’où son zèle à insister sur les privilèges de la Vierge.

II. SCOTISHE, THOMISME, PRÉ-MOLINISME DE CA-THARIN. Nous trouverons qu’en théodicee la pensée

d’Ambroise Catharin restera toute proche de celle de saint Thomas. Mais ce thomisme essentiel ne l’empêchera pas de s’apparenter a Duns Scot pour les questions de théologie dogmatique proprement dites, ainsi que l’a bien vu le P. Diomède Scaramuzzi dans son récent article, Lf idée scotiste di an grande teologo domenicano dcl’500 : Ambrogio Calarino. Il se trouve, en effet, que, contre Luther, la doctrine scotiste offre au théologien comme un secours opportun pour ce qui concerne l’immaculée conception. Catharin, s’en prenant au traité du dominicain Thomas de Torrecremata. revendique absolument le patronage de Scot qui est à la tête des docteurs favorables au privilège mariai. Catharin ne s’étonne pas de voir saint Thomas d’Aquin en dehors de ce groupe de docteurs. Le grand chantre médiéval de la Vierge, saint Bernard, n’en fut pas non plus. Opuscula, p. 47. Catharin blâme l’opinion de Cajétan qui refusait le consentement universel des fidèles à l’immaculée conception, sous prétexte que l’opinion des ignares n’a pas de valeur théologique, p. 49. Catharin reprend donc un grand nombre des arguments de convenance auxquels avait songé Duns Scot. Le moindre de ces arguments n’était pas la liturgie de la fête de F Immaculée-Conception, de plus en plus universelle dans l’Église à la fin du Moyen Age. Isolé dans cette opinion parmi ses confrères dominicains qui la prenaient fort mal, Catharin n’en persévéra pas moins dans sa doctrine, au risque, un moment, de se faire chasser de son ordre. Scaramuzzi, p. 317-319.

Catharin persistait à se dire foncièrement thomiste, dans un sens large, mais réel du mot, en cette querelle même sur l’immaculée conception. Il écrivait : « Hune unum mihi Thotnam præ cœteris libero judieio delegi, atque, quantum mea ferat parvitas sequendum et discendum proposui, judicans itlum multum in bonis litteris profecisse cui Thomas valde placebit. Non tamen despiciens propterea et contemnens alios (dociores prseler Thomam) ; imo vero etiam gaudens quod in vinea Domini Sabaoth non desint varii qui pro gustuum varietate vinum omnibus propinare valeant, modo judieio Arehitrielinii. idest principis Ecclesiie, judicetur bonum. » In omnes divi Pauli apostoli… Epistolas commentaria, lib. I. Et ailleurs : « l’otius doctrinam Thomæ impugnal qui fraternam violons charitatem ideo fratrern sutim odil, quia de bealæ Virginis conceplione aliter doeet quam aliquando Thomas senserit. » Apologia pro veritate, fol. 13.

Conformément à une habitude de publication alors répandue, Catharin publie, dans le format in-4° et sous forme d’un recueil unique, un ensemble de thèses qui lui sont propres, Lyon, 1542 : Opuseula magna ex parle jam édita et ab auctore recognita ac expurgata et a catholicis doclisque viris diligenter expensa atque probata ( I. De præscientia et providentia Dei quod rerum contingentiam non tollat. — II. De prædestinutione Dei. — III. De eximia prædestinatione Christi. —— IV. De angelorum bonorum gloria et lapsu malorum. — V. De lapsu hominis et peccato originali. — VI. Pro immaculata divx Virginis conceptione libri très. — VII. De consummala gloria solius Christi et divse Virginis. — VIII. De universali omnium morte et omnium resurrectione futura ac judieio seterno. — IX. De veritate purgatorii. — A’. De bonorum preemio ac supplicio malorum œterno et vero igné injerni. — XI. De statu juluro puerorum. — XII. De certa gloria, invoealionc ac veneratione sanctorum).

Ce recueil important montre que Catharin, souvent thomiste, parfois partisan à sa manière des autres