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POISSON (NICOLAS)

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la proposition que Clerselier lui avait faite de composer la vii’de Descartes, lui offrant dans ce but quantité de

matériaux, la proposition même de la reine Christine de Suède qui l’en sollicita fort dans son voyage à Rome : « Il y a toute apparence qu’il l’eût entreprise avec joie sans les fâcheuses affaires qu’on lui suscita à l’occasion do ce voyage qui, l’ayant rendu suspect et odieux à la cour, l’aurait fait chicaner sur tout ce qu’il aurait voulu donner au public sur cette matière alors odieuse. » Batterel, p. 187. Ce fut Baillet qui l’écrivit à sa place.

Voyage ù Rome.

Le 19 avril 1677, le conseil de

l’Oratoire donnait au P. Poisson l’autorisation d’aller à Rome, en apparence pour satisfaire sa curiosité et sa dévotion ; mais, en réalité, il y était envoyé par Pierre de Montgaillard, évêque de Saint-Pons, et Guy de Rochechouart, évêque d’Arras, pour demander au pape Innocent XI la condamnation d’un grand nombre de propositions relâchées, énoncées dans un mémoire secret : « Il lui fallut avoir diverses conférences avec des savants de Rome et ce qu’il y avait de plus distingué dans le Sacré Collège. Ces visites d’un Père de l’Oratoire de France rendues à ces Éminences firent ombrage aux jésuites, qui n’étaient pas alors trop bien dans l’esprit du pape. » Batterel, p. 188. On le soupçonna, de plus, d’avoir répondu avec un peu trop de sincérité aux questions qui lui furent posées par plusieurs cardinaux touchant l’archevêque de Paris, François de Harlay, qui n’était pas en bonne réputation près de la cour romaine. Surtout, il fut trahi par un Espagnol qui copiait les mémoires à présenter au pape sur les propositions de morale relâchée et qui en fit confidence aux jésuites. Le 2 mars 1679, soixante-cinq piopositions furent condamnées « comme scandaleuses et pernicieuses en pratique ». Voir Denzinger-Bannwart, n. 1151-1215. Mais, un ordre du 23 juillet 1678, émané de la cour de France, avait obligé le Père à quitter Rome incessamment et à se rendre à Lyon. Le pape voulait le retenir, mais il obéit, de crainte de nuire à sa congrégation. Étant venu incognito de Lyon à Paris, il dut, par ordre du conseil, pour sa sûreté et le bien de l’Oratoire, repartir au plus tôt. Les lettres de l’Oratoire étaient ouvertes sur la route de Lyon. Fut-il compromis par l’une d’elles ? On ne sait. Toujours est-il que, le 10 janvier 1679, l’archevêque de Paris le reléguait à Nevers ; et, quand en automne il se rendit à Vendôme, il dut déloger au plus vite, dénoncé par les espions qu’il avait toujours à ses trousses. A peine était-il à Nevers, que le P. de La Chaise obligea ses supérieurs à le reléguer à Notre-Dame-de-Grâce, en Forez, avril 1679, malgré les lettres de l’évêque de Nevers, qui l’avait nommé supérieur du grand séminaire et vicaire général, et celles du lieutenant général de la ville qui le justifiaient. Le P. Poisson obtint du P. de La Chaise de rester à Nevers (lettre du 9 mai 1679) ; mais, quand il demande permission d’aller à Paris : > J’espère, répond le confesseur du roi, le 1 1 septembre 1679, faire en sorte que le roi concevra de si bons sentiments de vous qu’il vous rendra bientôt la liberté qu’il a accordée à tous vos autres confrères. » Trois ans après, sur des dénonciations anonymes, le P. de La Chaise le fait expédier en Forez, puis à Vienne et il lui écrit le 22 septembre 1697 : « Sa Majesté dit qu’elle a des raisons pour ne pas vous permettre de retourner à Nevers. ni d’approcher de Paris plus près que de 40 à 50 lieues. „ Un mois après, véritable réquisitoire envoyé par lui au l’ère général contre le P. Poisson ; tout ce que celui-ci obtint fui d’aller à Nevers, mars 1698, terminer en six semaines les affaires dont il s’occupait. Os faits apportent une contribution intéressante à l’histoire des propositions condamnées par Innocent XI.

3° OuvriKjes théologiques. Depuis son retour de

Rome, le Père avait abandonné les études philosophiques pour les sciences ecclésiastiques, surtout celles de la discipline. Il publia Acla Ecclesiir Mediohmensis a Sanclo Carolo, archiepiscopo Alediolanensi condita. Edilio nova et emendalior, in qua quod in aliis ilalice scriptum erat, lalinitate donatum est, 2 vol. in-fol., Lyon. 1682-1683. Même avant que l’ouvrage n’eût paru, le P. de La Chaise chicanait déjà l’auteur : « Il n’aurait pas fallu aisément donner au jour, de notre temps, ce que des gens très sages n’ont pas jugé à propos de faire imprimer en Italie. » Lettre du 14 avril 1680. Bien qu’il n’y eût dans son livre qu’une simple traduction de lettres pastorales, mandements, le Père fut obligé d’envoyer à l’archevêque de Paris le i" volume imprimé et d’ajouter une préface au n c qui était encore sous presse. Faisant allusion à ces poursuites, il écrit, le 20 février 1680, au P. Bahier : « On poussera si loin qu’on voudra son indignation contre moi, qu’on me laisse ici ou ailleurs sans espérance aucune d’être rappelé. J’en serai sans inquiétude, sachant que je ne me suis point attiré cette peine. »

Entre temps, dans le diocèse de Nevers, il fit aux huguenots des missions pour lesquelles il fut très apprécié ; à Autun, il réussit à convertir M. de Montbrun et Mme de Saint-André. Après la mort de M. Vallot, évêque de Nevers, son successeur M. Bargedé, à l’élévation duquel le Père avait contribué, l’écarta, comme un témoin incommode, du diocèse qu’il avait gouverné pendant vingt ans. En 1698, Poisson vint demeurer à Lyon, où il publia Deleetus avtorum Ecclesiæ universalis, seu nova summa conciliorum, epistolarum, decrelorum SS. pontificum, capitularium, etc., quibus Ecclesig fldes, disciplina, niti soient, cum notis ad canones, 2 vol. in-fol., Lyon, Certé, 1706. C’est un abrégé des décisions des conciles destiné à en faciliter la lecture à ceux qui n’ont pas le loisir de les étudier en entier. Cet abrégé est le plus ample qui ait existé de son temps, car les retranchements ne portent que sur les canons répétés en divers conciles et ne sont que des abréviations de considérations trop longues. Pour les premiers conciles, il donne deux versions, l’une de Gentien Hervet, l’autre de Denys le Petit, avec quelques leçons différentes qu’il rapporte parfois avec assez de confusion ; ainsi, il place à la tête des canons de la version de Gentien Hervet, les titres des canons traduits par Denys le Petit ; l’ordre suivi n’est pas le même, de sorte que tel canon qui, dans la traduction de Denys est le huitième, se trouve être le septième dans l’autre. Le principal défaut de l’ouvrage, c’est que l’auteur a omis plusieurs conciles dans le corps du livre et qu’il les a ajoutés après coup, t. ii, col. 2161-3186, à la demande de ses amis, sans pouvoir les insérer à leur place. Il finit sa collection par deux index, l’un de ce qui est contenu dans l’ensemble des conciles, l’autre de ce qui est renfermé dans le concile de Trente. Puis la pagination reprend de 1 à 810 pour des notes dans lesquelles : 1° il ne laisse aucun concile de quelque importance sans éclaircissement ; 2° pour la chronologie, il suit ordinairement Labbe sans s’assujettir ; 3° pour la géographie, il prend pour guide Antoine Baudrand ; 4° il indique ce qui a été l’occasion de réunir chaque concile ; 5° le nombre des évoques qui y assistaient. L’ouvrage se termine par la liste des papes avec les principaux événements de leur ie depuis saint Pierre jusqu’à Innocent XI.

Dans ses voyages à Rome, à Venise, à Padoue, Poisson avait connu des savants de toutes sortes, théologiens, philosophes, médecins, poêles, historiens ; il écrivit en 1676 une Relation circonstanciée de loul ce qu’il avait pu connaître de leurs actions ; elle ne fui pas imprimée/ Il laissa aussi manuscrite la Vie de Char lotte de Harlay-Sancu, sœur « les deux PP. Harlay, de l’Oratoire, une des premières reçues au (’.ai me] de I