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PLETHON


convaincus, mais d’un dialecticien indépendant de la vérité des principes et seulement soucieux de syllogiser. Pléthon accepte pleinement l’axiome présenté par son adversaire latin, la raison humaine l’a accepté aussi et la théologie païenne s’en est servi pour établir une échelle de valeurs parmi les divinités de l’Olympe, mais l’Église, dit Pléthon, ne l’accepte pas, P. G., t. ci.x. col. 070 BC : et il se fait fort de prouver que le dogme latin est contraire à tout principe admis par l’Église. Ibid., col. 977 A. On voit le caractère de relativité pure de son argumentation. Les preuves antilatines qui se suivent dans ce traité sont de celles que l’on connaît : la distinction en Dieu entre procession d’envoi et procession d’hypostase du Saint-Esprit, ibid., col. 975 BC, l’attribution de la puissance de la procession active non à la substance, mais à l’hypostase, ibid.. col. 977 BC. le danger d’une… fissure dans le Saint-Esprit s’il procédait partiellement du Père et partiellement du Fils, ce qui mettrait bonnement en Dieu quatre personnes, ibid., col. 977 BCD, l’incompréhension des textes patristiques dont font preuve les Latins, ibid., col. 978 CD. Pléthon finit ce traité sur une déclaration qui n’est pas sans importance pour l’examen de son système, ainsi que de ses projets religieux. D’après lui, le danger n’est pas dans les arguments latins, mais dans la conduite de la hiérarchie orthodoxe qui trahit Dieu et tout sentiment religieux pour ne se confier que dans les calculs de la politique humaine (allusion à l’union de Florence). Bien d’étonnant, dès lors, que Dieu abandonne l’hellénisme matérialiste et pragmatiste, pour se tourner vers les mahométans qui, eux, du moins, gardent de Dieu et de sa Providence une idée supérieure et pratique.

Il va sans dire que la tendance nettement païenne de ce traité n’échappa pas aux contemporains de Pléthon et spécialement à Scholarios qui y répondit par une lettre, chef-d’œuvre d’éloquence, où, tout en ménageant son terrible adversaire, il ne craint pas de lui reprocher d’avoir mal défendu la bonne cause. Ibid., col. 599-630. Manuel de Corinthe, dit le grand rhéteur (début du xvie siècle) ne fit, plus tard, que reprendre cette attaque.

3° Œuvres de politique. —— 1. IIspl tcôv èv ilsvo7 : ovvï ; ctoj Tzpy.yy.’i.-Mv, à l’empereur Manuel et au despote du Péloponèse, Théodore. Éditions : Anvers, 1575, avec traduction latine de Guillaume Canter ; Migne, P. G., t. clx, col. 821-840, 841-866.

2. Oraisons funèbres de la princesse Cléopa, femme de Théodore le Jeune ( 1433), et de l’impératrice douairière Hélène, veuve de l’empereur Manuel. La l re édition fut donnée par Georges Gustave Fulleborn, Leipzig, 1793, et reproduite par Migne, P. G., t. clx, col. 939952 ; la 2e est reproduite ibidem, col. 951-958, d’après le Paris, gr. 1760.

III. Doctrine. Si le nom de Pléthon domina le xv c siècle byzantin, c’est grâce au système païen auquel il s’attacha. Pléthon avait, en effet, rêvé de se poser en philosophe, mais en philosophe révolutionnaire, fondateur d’une religion nouvelle et d’un état de choses nouveau. Avant de présenter les motifs qui présidèrent à la formation, chez Pléthon, d’un système philosophique religieux, nous nous efforcerons d’en exposer les grandes lignes.

1° Point de vue philosophique de cette doctrine. 1. Métaphysique. S’étant inspiré de Platon et des néoplatoniciens, comme nous le dirons tout à l’heure, rien d’étonnant que sa métaphysique se présente sous les dehors d’une cosmogonie antique à allure d’émanation descendante. La grande idée qui domine le système est celle d’un Dieu suprême se communiquant et s’émiettant en êtres de moins en moins parfaits. En effet, entre Zeus — c’est le nom du dieu

suprême — et la moindre plante, tout un monde s’échelonne. Ce sont : les dieux supracélestes, divisés en olympiens et tartariens, puis les dieux infracélestes, divisés en célestes et terrestres, enfin les êtres infracélestes non divins, divisés en raisonnables et irraisonnables. L’immortalité et l’impeccabilité distinguent les classes des dieux, mais une variété infinie de nature, de puissance et d’élévation les diversifie et les ordonne. Chaque dieu ou déesse se présente avec des attributions propres dont l’importance se mesure au degré occupé sur l’échelle descendante des êtres, car tout vient de Zeus par l’intermédiaire des dieux, qui sont ordonnés à l’action en vue du complément du Tout. Celui qui paraît presque l’égal du dieu suprême est Poséidon, le plus ancien et le plus puissant des fds de Zeus, en qui réside la forme spécifique des êtres, une espèce de NoGç néoplatonicien. Près de lui se tient Héra, sa sœur et épouse, qui, principe de la matière et de la limite, préside à la multiplication des êtres. Nous ne nous attarderons pas à décrire la fonction des nombreux dieux, mais en suivant la dégradation de la nature des êtres et de leur rôle fonctionnel nous arrivons à l’âme humaine ; elle est l’intermédiaire entre l’élément divin et l’élément matériel et procède de Zeus par Poséidon, qui, de concert avec Hadès, emprunte, pour elle, un corps à Héra. Le grand Tout est constitué par cet ensemble d’êtres divins et non divins émanés de toute éternité de la pensée de Zeus. Le grand directeur en est la volonté de Zeus qui, elle-même, liée à la nécessité interne de la nature divine, n’est pas libre. Ainsi, tout se fait comme il doit se faire et le monde, dans sa nature comme dans son mouvement, obéit à la loi nécessaire que lui impose la toute-puissance du destin. Que devient l’âme humaine en tout cela ? Pléthon l’affirme immortelle et soumise comme le reste à la fatalité et, cependant, capable de pécher. Immortelle, mais ne pouvant jamais atteindre à un état supérieur, de peur de la rupture de l’équilibre mondial, elle est à jamais condamnée au système des migrations et de la métempsycose.

Que faut-il penser d’une pareille conception philosophique de l’univers en plein xve siècle ? Il ne semble pas que Pléthon ait cru à l’objectivité de ce monde invraisemblable de dieux et de déesses qu’il met en scène. Derrière des noms plus ou moins arbitraires et des réalisations fantasques il désigne, semble-t-il, les êtres, tous les êtres dans leur essence, leur origine, leurs ressemblances, leurs distinctions, etc., en un mot l’être et ses lois et, peut-être, le grand Scholarios s’est-il trompé en croyant à la résurrection pure et simple du Panthéon olympien. Mais ces figures, qui n’avantagent pas la précision de la doctrine, favorisent cependant l’intelligence de la foule et, dans une philosophie à prétentions religieuses, il faut compter avec cet élément. Cette religion devait, à entendre son fondateur, supplanter toutes les autres et un jour triompher sur la terre ; mais, si des disciples de choix pouvaient se contenter des abstractions de l’être, la foule avait besoin de sensible et ainsi s’explique, semble-t-il, la présentation populaire du système et cette pléthore de prières aux dieux qui, par certaines assonances archaïques, sont faites pour émerveiller les simples.

2. Morale.

Pléthon fondait le devoir individuel sur la nécessité de répondre aux exigences de l’harmonie ontologique de l’ensemble ; l’homme devait rester fidèle au degré d’être que la bonté de Zeus lui avait départie et tenir son poste sur la limite du spirituel et du matériel, se gardant surtout de glisser vers ce dernier. Au fond, cette base était l’importance ontologique de l’homme, c’est-à-dire son orgueil. Dans le chapitre consacré au destin (Lois, ii, 6) est traitée, mais en passant, la troublante question de la liberté. D’après le système, tout obéit aux directions du destin