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PLETHON

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système platonicien, inconnu jusque-là en Italie et que sa verve sut présenter sous des couleurs chatoyantes, eurent vite fait de lui gagner la sympathie de tout ce que Florence comptait de plus lettré et de plus mondain. Cosme de Médicis, gagné à la cause du platonisme, poussa l’enthousiasme jusqu’au projet, réalisé plus tard, de la fondation d’une Académie platonicienne. Emporté par le courant qu’autour de lui-même il avait formé, Gémistos en vint à changer son nom contre celui de Pléthon dont l’assonance plus attique, plus distinguée, tout en traduisant le passé, avait l’avantage de rappeler le maître des philosophes Platon (ID.àTcov, HXr)0co->).

Sa plume participa aux mêmes enthousiasmes et c’est de son séjour d’Italie que date son fameux traité sur les différences entre les doctrines d’Aristote et de Platon ; ce traité devait le mettre aux prises avec le chef des péripatéticiens byzantins et fournir l’occasion aux partisans des deux grands philosophes de l’antiquité d’une controverse dont les échos se prolongèrent très avant dans l’histoire du xve siècle. Pourquoi faut-il que l’ivresse de ses succès l’ait poussé plus loin ? Le triomphe du platonisme étant pour lui celui de sa religion, de celle dont il avait rêvé de doter l’humanité, ses succès faciles auprès des intelligences de Florence peuvent donner une vraisemblance à cette affirmation recueillie par Georges de Trébizonde, un ennemi il est vrai… « qu’avant peu d’années une seule religion serait partout enseignée et adoptée, religion qui ne serait ni celle du Christ, ni celle de Mahomet, mais une autre peu différente de celle des anciens Grecs ». Allatius, De Georgiis, dans Fabricius, Biblioth. grœca, t. x, Hambourg, 1737, p. 750-751.

Il serait intéressant de pouvoir marquer exactement l’influence qu’eut le séjour de Pléthon à Florence sur la Renaissance italienne, mais cet article n’autorise pas pareille échappée. Cependant, il n’est pas inutile de savoir que le mouvement donné par l’Académie platonicienne sous Marsile Ficin est due à l’inspiration de Pléthon, et que des savants de renom vinrent allumer leur amour de l’antiquité à l’enthousiasme enflammé de Gémistos. Cet amour fut, malheureusement, moins philosophique que païen, et autour de Pierre de Calabre ou Pomponius Lœtus l’on voit se former la première Académie de Rome, qui proclame, sans rougir de la proximité de Saint-Pierre, la future défaite du christianisme. Cf. Mich. Cannesio, Vie de Paul II, et Platina, Vie de Paul II, cités par Alexandre, op. cit., p. lxxxv, note 2. Il est vrai que Scholarios ne nous présente pas sous un jour très flatteur les milieux italiens fréquentés par Pléthon, cercles d’admirateurs « aussi forts en philosophie que Gémistos l’est en danse ». C. Alexandre, op. cit., p. 292. Mais Scholarios sait aussi bien que Pléthon manier l’exagération et quelquefois l’injure, et il faut se garder de tout prendre à la lettre.

Revenu à Mistra, le maître consacra ses dernières forces à la rédaction définitive de l’œuvre de sa vie, Les Lois, dont nous donnons plus loin les idées maîtresses. C’est de son séjour à Mistra, après le retour du concile, que datent aussi ses discussions philosophoéristiques avec Scholarios et Bessarion, ainsi que sa réponse païenne sur la procession du Saint-Esprit. Et le patriote que le pressentiment de la catastrophe finale avait, croyons-nous, conduit à toutes ces extravagances, mourut sans voir, heureusement, la réalisation de ses craintes, trie adresse au despote Démétrius Paléologue, le dernier écrit que nous ayons de lui, date sûrement de 1451 (cf. S. Lambros, IIaXauôX6yeiot Ly. [IeXo7TOW7)<Ti<x>c<£, t. iv, Athènes, 1030, p. iÇ’-x’de l’introduction de J. Boyatzidès) et une note anonyme du ms. 495 de Munich (fonds d’Augsbourg), fol. 50, fixe sa mort à la première heure du lundi 26 juin 1 1.">2.

Il avait environ 98 ans. Sa dépouille, transportée à Rimini, en 1475, par Sigismond —Pandolphe Malatesta, repose, encore aujourd’hui probablement, sous une arcade près de l’église de Saint-François.

II. Œuvres. — Elles sont nombreuses et s’étendent sur plusieurs domaines scientifiques. Nous nous contenterons de signaler celles qui caractérisent son action ou éclairent sa personne. Pour une liste plus complète cf. Allatius, De Georgiis, dans Fabricius, Bibl. græca, t. x, Hambourg, 1737, p. 741-758.

1° Œuvres philosophiques. — 1. Ilepi’Apexcôv. —Éditions : Bàle, 1552, texte grec avec traduction d’Adolphe Occon ; Anvers, 1575 ; Bàle, 1577, texte grec avec annotations de Jérôme Wolpius ; léna, 1590, texte grec avec traduction de J. Wolpius ; Migne, P. G., t. clx, col. 865-882.

C’est un petit traité philosophique des quatre vertus cardinales et des vertus annexes. Chaque vertu cardinale se subdivisant en trois vertus annexes nous avons en tout douze vertus. La XlioçpoaùvY] (tempérance), qui règle les désirs en leur donnant un objet nécessaire et facile à obtenir, se subdivise en xoajjLiÔTTjç (règle le désir du plaisir), èXs’jGspt6TY]< ; (règle le désir de l’argent), u.£TptÔT7)ç (règle le désir de l’honneur). L’AvSpsîa (force), qui règle la peur et les sentiments analogues et maintient l’homme fidèle à son poste dans la vie, se subdivise en sù^uyta (règle la peur dont l’objet provient de Dieu ou est permis par lui), ysvva[.6T7)ç (règle les sentiments de peur ou de dépression éprouvés devant un but trop difficile à atteindre), Trpaô-ryjç (règle la peur éprouvée devant l’hostilité des adversaires). La AtxatoaûvY) qustice), qui concerne les devoirs de l’homme vis-à-vis de l’extérieur, se subdivise en ôai.6-TTjç, TroXiTeia et xP 7 l a’r ^ T " /)Çe t règle les devoirs de justice vis-à-vis de Dieu, de la société et des individus. Enfin la pôv7]cr(.< ; (prudence), qui s’adresse à la partie la plus noble de l’homme — la raison — se subdivise en Ôeoasêeioc, contemplation et souci de Dieu, source de tout bien, q>ua[.>cy), science du monde physique, eùêouXîa, prudence dans l’usage des moyens pratiques. Cf. J.-W. Taylor, Gemistus Pletho as a moral philosopher. Transactions of the american philosophical association, t. li, 1920, p. 84-100.

2. IIspl div’ApiGTOzskriç npbç nXdcTcova SiacpépeToa.

— Éditions : Bàle, 1574, traduction latine ; Venise,

1540, texte grec et dialogue de Bernardin Donat ; Paris,

1541, texte grec et dialogue de B. Donat ; Migne, P. G., t. clx, col. 889-934..

C’est un ouvrage composé à P’iorence en 1439, à la demande de quelques amis italiens, un résumé comme en savaient faire les Byzantins, qui, en vingt chapitres relativement courts, expose les principaux griefs d’un néoplatonicien convaincu contre les doctrines aristotéliciennes. Les points principaux sur lesquels porte l’attaque de Pléthon, aussi bien dans cet ouvrage que dans ceux qui le complètent, s’expliquent aisément par la différence des points de vue aristotélicien et platonicien et peuvent se ramener aux suivants : Aristote se trompe en donnant la prééminence au particulier sur l’universel, alors que celui-ci est la cause efficiente et même formelle de celui-là, et que le premier n’est que la partie du second ; il se trompe en donnant une cause au mouvement et en la refusant à l’être, isolant ainsi le monde de toute influence divine et les sciences physiques de leurs relations étroites et nécessaires à la théologie ; Aristote pose le monde comme éternel et indépendant de l’action créatrice de Dieu ; c’est en vain que ses partisans cherchent à l’en excuser, l’expression de la dépendance essentielle du créé vis-à-vis de Dieu étant le fondement de toute philosophie ; faut-il ajouter qu’il lait l’immortalité de l’âme ou ne donne sur cette doctrine capitale que des opinions insuffisantes, hésitantes, contradic-