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    1. PLATONISME DES PÈRES##


PLATONISME DES PÈRES. CONCLUSIONS

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vision de Dieu lace à face dos cette vie pour Moïse et Paul, en d’autres endroits, pour se mettre d’accord avec d’autres passages des saints Livres, Ex., xxiii, 13, et I Joa., iii, 2, il réserve cette vision à la vie future, et se contente de conseiller : Mundemns corda per fidem ut illi ineffabili et, ut ita dicam, invisibiti visione pnvparemur. In Joan., tr. lui, 12, t. xxxviii, col. 1780. Ici-bas, on ne peut donc que se préparer. Cela est vrai, même pour Moïse. Et en effet, si, peu après avoir vu Dieu facie ad faciem, Moïse n’ajoutait pas : « Ostende mihi teipsum manifeste », puis : « ostende milii majestatem tuam », - utcumque jerendi esscnt stulti, qui putant per ea quie supra dicta vel gesta sunt , substantiam Dei oculis ejus fuisse conspicuam : cum vero hic apertissime demonstretur nec desideranti hoc fuisse concessum, quis audeal dicere… De Trinit., t. II, c. xvi, 27, t. xlii, col. 863 ; cf. ibid., t. XIV, c. xiv, 20, col. 1051 ; Relr., t. I, c. iv, 3, t. xxxii, col. 590 ; ibid., t. I, c. xiv, 2, col. 606. Voir M. Comeau, La vie intérieure du chrétien d’après les Tractalus in Joannem de saint Augustin, dans Recherches de science religieuse, 1930, p. Il sq. Sur la connaissance mystique de Dieu chez Augustin, on pourra consulter l’art. Augustin ( Saint), eo. 2334-2337 ; Gardeil, La structure de l'âme et l’expérience mystique, t. ii, p. 238 sq. ; Cayré, La contemplation augustinienne, 1927 ; Butler, Western mysticism. The teaching of SS. Augustine, Gregory and Bernard…, second édition with afterthoughts, 1927 ; de La Taille, Théories mystiques à propos d’un livre récent, dans Recherches de se. relig., t.xviii, 1928, p. 319323 ; Boyer, La contemplation d’Ostie, dans Cahiers de la nouvelle journée, t. xvii, 1930, et Études sur saint Augustin, dans Archives de philosophie, 1930, p. 105141 ; Maréchal, La vision de Dieu au sommet de la contemplation d’après saint Augustin, dans Nouvelle revue théol., février et mars 1930.

y. es RÉSVMÉ. — 1° Quels que soient les points de contact ou les infiltrations qu’on peut reconnaître dans la théorie de la contemplation chez les Pères, on voit que des divergences subsistent très profondes avec les théories néoplatoniciennes.

Si, des deux côtés, on accorde à la purification un rôle important, celui d’une préparation nécessaire, pour un chrétien cette préparation n’est jamais une condition suffisante. Dieu reste toujours maître de ses dons et l’union mystique est un don excellent. On ne peut même pas s’y disposer sans un secours surnaturel. Donc, pas d’entraînement à l’extase, rien de cette marche assurée, aux étapes fixées d’avance, vers un terme qui, si élevé soit-il, n’est point hors de portée.

On dit quelquefois que, pour les néoplatoniciens, la contemplation est un don de Dieu. Il est vrai, en effet, que l’Intelligence, pour contempler l’Un, a besoin de lui, elle se tourne vers lui, elle est illuminée par lui et elle le voit. Avec beaucoup de complaisance, on découvrira là une prière qui implore, la grâce qui élève et l’union qui s’ensuit. Saint Augustin a eu cette complaisance pour Porphyre, De civ. Dei, X, xxix, 1, P. L., t. xli, col. 307.

Et, pourtant, comme on l’a rappelé plusieurs fois, c’est par le jeu nécessaire de la nature que tout se fait, non seulement la conversion de l’Intelligence lorsqu’elle est attirée vers l’Un, mais la condescendance de l’Un qui se communique nécessairement à qui peut le recevoir, et la vision du wjç qui, une fois complété dans son essence, nécessairement contemple. Selon une formule qui a été prononcée à propos de saint Jean de la Croix, mais qui convient non pas au mystique chrétien, mais aux spéculations de Plotin ; » l’union transformante ne peut plus ne pas se produire, lorsque tous les obstacles sont levés, Il suffit pour cela de faire effort pour s'éloigner de tout, afin d'être seul : neipâoOco v.--, n-%z 7T-/VTMV n/'j'/'j'. eïvoci. Enn., VI, ix, 4, fin.

DICT. DE THÉOL. CA TH.

Où la grâce intervient-elle ? Nulle part. Et, pourtant, sans elle rien ne peut se faire ; comme les docteurs de l'Église aiment à le rappeler, le secours divin est indispensable, et l’intervention du Christ médiateur, sans lequel on n’arrive pas à la connaissance du Père (même Scot Erigène, De divisionc naturæ, l.II, 2, 3 ; t. I, 9). Cela est bien loin des principes platoniciens.

2° Le platonisme offre au sage un idéal de pur esprit, élevé dès ici-bas au-dessus de la condition humaine.

La purification du mystique chrétien est à la fois beaucoup plus exigeante et beaucoup plus humaine. Plus exigeante, car elle pénètre plus profondément ; au delà du sensible, par ces épreuves désolantes, par cette nuit de l’esprit dont il n’y a pas trace dans le mysticisme néoplatonicien, elle ruine l’orgueil et livre l'âme abandonnée aux opérations toutes-puissantes de la grâce. Plus humaine aussi, car elle ne rêve pas de supprimer le corps ; la création visible n’y est pas nécessairement le mur qui cache ; elle peut être un signe, un vestige, le miroir de Dieu.

Bien plus, le bonheur parfait, réservé à la vie future, intéressera l’homme tout entier, même son corps qui sera associé à la gloire de l'âme. Saint Augustin ne parlait pas ainsi, quand il suivait sans défiance ses maîtres néoplatoniciens, dans le De beata vita, le Contra Academicos, les Soliloques, le De quantitate animée. Mais, plus tard, dans le De Trinitate, le De civitate Dei, les Commentaires sur saint Jean, les Sermons, il se reprit (cf. Retract., t. I, c. i et n), au grand étonnement de certains critiques qui ne veulent voir en lui qu’un pur platonicien. Harnack, Dogmengesch., t. iii, 4e édit., p. 135, en note : « Voilà le terrestre, le sensible à l’honneur. » Oui, ainsi le voulait l’esprit du christianisme, qui maintient avec intransigeance l’abîme entre l’humain et le divin, qui rappelle à l’homme son impuissance foncière à sortir de son rang, s’il n’y est invité par Dieu lui-même, mais qui sauvegarde aussi pleinement sa personnalité et l’intégrité de sa nature jusque dans l’intimité d’une union transformante. Même élevé et divinisé, l’homme reste toujours un homme.

Conclusions générales. — Le platonisme fut un auxiliaire de la vraie religion (suffragatur religioni verse, a dit Augustin), surtout parce qu’il crut à la métaphysique. Il crut qu’il y a des êtres invisibles qui sont les êtres vrais et que les choses matérielles, si belles soient-elles, ne sont que les infimes degrés de l'échelle dont le sommet se perd dans la nuée mystérieuse, obscure à notre entendement, parce que son éclat nous aveugle.

1° Ce fut le grand bienfait de « Platon » : il donnait ou rendait la foi en un monde supérieur, dont il entr’ouvrait les portes. Pour certaines âmes prisonnières des images, qui cherchaient en vain une consistance en dehors de la matière, c'était une libération. Cogilare nisi moles corporum non noveram. Saint Augustin, Confess., V, x, 19, P. L., t. xxxii, col. 715. LTne fois délivrées, elles prenaient leur essor, car c'était la cause principale et presque unique de tous leurs errements : ea maxima et prope sola causa end ineviiabilis erroris mei. Ibid. Il leur arrivait alors, tout en croyant lui rester fidèle, de dépasser leur maître.

Saint Augustin — aucun témoignage n’est plus autorisé que le sien - est reconnaissant au platonismi non seulement d’avoir compris que Dieu n’est pas un corps et, dans l'échelle des valeurs, d’avoir aux formes sensibles préféré la forme intelligible que peut seul atteindre l'œil de l’esprit, mais encore de tout ramener à Dieu, source de l'être, lumière des esprits et leur véritable bonheur, la félicité parfaite consistant, comme ils l’ont définie, à jouir de Dieu, non pas même sicutumico amicus sed sicut luce oculus. De civ.

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