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    1. PLATONISME DES PÈRES##


PLATONISME DES PÈRES. LA CONNAISSANCE DE DIEU

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l>. luO), et Plotin : « Jamais l’oeil n’aurait vu le soleil ; s’il n’avait pris la forme du soleil, ni l'âme ne verrait le Beau, si elle n'était devenue belle. Qu’il devienne donc tout semblable à Dieu et tout beau, l’homme désireux de contempler le Bien et le Beau. » Enn., i, vi, 9. Cf. Arnou, Le désir de Dieu dans la philosophie de Plotin, p. 143 sq.

Purification platonicienne et purification chrétienne.

Ainsi, pour affirmer la nécessité d’une purification, les Pères se trouvent d’accord avec les

philosophes platoniciens et empruntent même souvent leurs formules, mais, quand il s’agit d’exprimer la nature de cette purification, bien qu’ils portent encore parfois la trace des mêmes influences, c’est, peut-on dire, par accident : l’esprit est autre.

La marque du platonisme est reconnaissable dans les passages où est recommandée une séparation complète de l'âme et du corps par l’ascèse, et dans ceux, plus nombreux, qui accablent le corps d’injures. C’est une tradition dans cette école — prison, bourbier infect, mur qui cache la vue de Dieu. Séparé de leur contexte, ces passages feraient croire à une conception dualiste de la nature humaine. Origène a été touché par cette influence. Saint Augustin à ses débuts et saint Grégoire de Nazianze.n’en ont pas été exempts. « Quiconque, dit ce dernier, est arrivé par la contemplation à écarter la matière et cette méprisable chair — qu’il faille l’appeler un nuage ou un voile — et a pu ainsi entrer en commerce avec Dieu et se mêler à la lumière très pure, autant qu’il est possible à une nature humaine, celui-là est alors bienheureux. » Il est établi au-dessus de la dyade matérielle grâce à l’Unité qui est dans la Trinité et à laquelle son intelligence s’est élevée. Grégoire de Nazianze, Oral., xxi, 2, P. G., t. xxxv, col. 1084 BC. Mais Augustin se rétracte ensuite et Grégoire de Nazianze explique que, s’il faut travailler à se détacher, c’est sans expoir de séparer jamais complètement du corps l'âme ou l’esprit, car cela est impossible, quel que soit le détachement et le recueillement auquel on est arrivé. Orat., xxviii, 12, t. xxxvi, col. 41 B. Il ne faut avoir avec lui que les relations strictement nécessaires. Clément d’Alexandrie, Strom., VI, ix, t. ix, col. 292 C.

Bien que le rêve d’un surhomme idéal ait parfois hanté la pensée de quelques-uns d’entre eux, nos docteurs ne parlent que d’une séparation relative, dont la nature varie suivant le sens qu’ils donnent aux mots « matière » et « chair », c’est-à-dire suivant qu’ils empruntent le langage de la philosophie ou celui de l'Écriture sainte.

Si l’on entend la matière au sens philosophique, « la dyade matérielle », comme s’expriment les néoplatoniciens et les néopythagoriciens, un homme ne pourrait s’en détacher sans cesser d'être homme ; aussi l’idéal du sage est-il d’en vivre séparé tout en lui restant uni, donc séparé par les tendances de sa volonté et la maîtrise de ses désirs, àuXoç èv ÛXtj. Saint Grégoire de Nazianze, Oral., xxvi, 10-13, t. xxxv, col. 1240-1245 B. Ainsi comprise, la matière corporelle n’est pas sans dignité, car elle est l'œuvre de Dieu, cohéritière avec l’esprit, appelée à partager les mêmes promesses, Orat., xiv, 6, col. 865 A, capable elle aussi d'être purifiée et élevée. « Même si cette poussière (corporelle) entraîne avec elle quelque mal, et si cette tente terrestre fait pencher vers la terre l’esprit qui tend vers les hauteurs et qui est créé pour s’y élever, que du moins l’image (de Dieu) rende pure la boue, qu’elle place sur les hauteurs la chair qui lui est unie, en la soulevant sur les ailes de la raison. » Oral., xvi, 15, col. 953 C ; cf. Pinault, Le platonisme de saint Grégoire de Nazianze, p. 113 sq. Sa destinée n’est donc pas d'être anéantie selon le rêve

platonicien, mais associée à la gloire et aux joies de l’union divine.

Mais, parfois aussi, ce dont il faut se séparer, c’est la chair, aap ;, la nature corrompue et le foyer de la concupiscence dont parle saint Paul ; et celle-là doit être combattue à outrance et crucifiée avec ses passions, non point parce qu’elle est sensible et matérielle, mais parce qu’elle est désordre et tendance au péché. En ce sens, Grégoire de Nazianze dit que le sage attache sa chair à la croix, qu’il désire mourir avec le Christ, pour s'élever vers les hauteurs, Poem. morul., n. vers 565, t. xxxvii, col. 623 A, et se rendre impassible, c’est-à-dire maître de ses passions. Cette purification de la chair de péché s’opère par le baptême, par la pénitence, les jeûnes, l’imitation des vertus du Christ et l’obéissance aux commandements, « par la justice et par la vertu » (Justin), « par l’imitation de la vie des saints » (Athanase) ; elle résulte bien moins de nos efforts naturels que de la puissance du Christ, de qui procède » la vie pure, la vie ressuscitée des morts ». Grégoire de Nazianze, Poem. de seipso, xi.vi, vers 37, t. xxxvii, col. 1380 A. « En toi, Christ, j’ai plus de confiance qu’en l’effort de la lutte. » Ibid., lxxvi, vers 4, col. 1 123. Ainsi éloignement du péché par la grâce du Christ, par ses sacrements, par l’imitation de ses vertus, telle est la purification chrétienne, fort différente, malgré des analogies verbales, de la yAQy.paLç platonicienne.

4° Les analogies sont sensibles surtout lorsque persiste, dans la philosophie des Pères, la même conception réaliste de la composition des choses qui commandait la manière de voir des néoplatoniciens au sujet de la purification.

Il faut considérer chaque nature dans sa pureté, disait Plotin, car toujours ce qui s’est ajouté, to irpooTEÔév, empêche de connaître ce à quoi il s’est ajouté. On dirait d’une statue que le temps a recouverte de rouille, IV, vii, 10 ; cf. I, vi, 9, ou d’un homme qui, tombé dans la boue, est devenu méconnaissable à ses amis. I, vi, 5. Que l’on nettoie la statue ; que cet homme se lave ; et l’un et l’autre retrouveront leur beauté.

Nous avons relevé, en exposant la philosophie de Plotin, le présupposé réaliste suivant lequel nous serions constitués d’entités, on serait tenté de dire de formalités, qui s’enveloppent les unes les autres, l’universel en nous étant devenu particulier dans sa chute, par une addition qui le matérialise et l’alourdit, mais peut être retranchée. En écartant tout ce qui est non seulement sensible, mais multiple, on arrive à cette image de l’Un qui nous constitue dans notre fond et dans laquelle on atteint l’Un lui-même. Telle cette agathe de Pyrrhus qui, au dire de Pline, représentait les neuf muses et Apollon avec sa cithare, non par l’effet de l’art, mais parce que, naturellement, les veines de la pierre étaient ainsi disposées que chacune des muses y figurait avec ses attributs propres.

Chez les écrivains ecclésiastiques qui ont été en contact plus direct avec la pensée néoplatonicienne, il est resté quelque chose de ces expressions et de cette méthode ; ainsi, chez Origène, bien qu’il emprunte le langage de l'Évangile, lorsqu’il compare l’image divine dans l'âme du pécheur à la drachme qu’une femme avait perdue dans sa maison mal balayée. In Gen., nom. xiii, 4, P. G., t.xii, col. 234 C. Grégoire de Nysse parle de même : l’image de Dieu n’est pas disparue mais, comme la drachme, elle est recouverte par les immondices, c’est-à-dire par les souillures de la chair. La purification la fait retrouver. De.virginitate, c.xii, P. G., t. xlvi, col. 373 A. Il dit aussi après Plotin : « De même que celui qui a glissé et qui est tombé dans la fange, a sali sa beauté au point que ses proches eux-mêmes ne le reconnaissent plus », ainsi