Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/468

Cette page n’a pas encore été corrigée
2371
2372
PLATONISME DES PÈRES. LA f.ONNAISSA NCK I)K DIEU


dieux eux-mêmes qui aussitôt apparus se tournent vers leur principe.

Toutes choses, même les corps, ont ce double pouvoir imprimé comme un sceau dans leur essence, le pouvoir de demeurer dans le divin, et celui de se tourner vers lui. Aussi peut-on dire que « tout prie excepté le Premier ». La prière parfaite et véritable s'élève par degrés, d*abord à la connaissance de la hiérarchie divine, puis, par l’assimilation, dans la pureté, à la familiarité, puis au contact », à l' « accès. enfin à l’union qui établit l’Un de notre âme dans l’Un même des dieux ». C’est la plus haute excellence et le terme de la prière véritable.

Ainsi « la volonté de prier est désir de retour aux dieux, et c’est le désir lui-même qui conduit et rattache au divin l'âme qui désire ». Doctrine élevée, mais insuffisante, car n’y a-t-il pas, dans l'âme humaine, des vouloirs impuissants, des désirs qui s'élancent en vain vers un objet inaccessible, le sentiment de la faiblesse, né de l’expérience des elïorts malheureux ?

Plotin et Proclus décrivent peut-être la prière d’un esprit pur, qui n’aurait point péché et qui ne penserait qu'à s’unir à son Principe. Et encore, devant l’infinie majesté de celui de qui il tient tout, cet esprit devrait être pénétré d’adoration et de soumission. Or, il n’y a point place pour ces sentiments dans la prière néoplatonicienne, encore moins pour le cri confiant de l’opprimé vers son rédempteur, ou la tendre piété du fils envers le Père, ou la confusion du pécheur en face de la sainteté offensée.

Proclus s’en explique clairement. « C’est au juste plus qu'à tout autre qu’il convient de prier… Pour le méchant, c’est tout le contraire ; car il est interdit à l’impur de toucher le pur. »

X’est-il donc pas permis de demander pardon et d’implorer la force pour sortir de l’impureté? car « tout ce qui nous manque, c’est cela qui nous sert à demander. Le saint prie avec son espérance, et le pécheur avec son péché » (P. Claudel). Nec illud mihi placet, dit saint Augustin, quod cum dixissem : « Summa opéra danda est oplimis moribus », mox addidi : « Deus enim noster aliter nos exaudire non poteril ; bene autem vivenles facillime exaudiet. » (De ordine, II, xx, 52.) Sic enim dictum est, tanquum Deus non exaudiat peccalores. Retract., i, iii, 3, t. xxxii, col. 589. C’est une parole, remarque le saint docteur, qu’on trouve dans l'Évangile, mais sur les lèvres de quelqu’un qui ne connaissait pas encore le Christ, bien qu’il en eût reçu la lumière du corps.

En réalité, pour Proclus comme pour Plotin, « la prière… se réduit soit à une concentration intérieure de l'âme qui cherche sa propre essence, soit à une formule magique qui produit nécessairement son effet, non pas parce que les dieux l’ont voulu, mais en vertu de la sympathie qui lie ensemble les parties du monde ». Bréhier, La philosophie de Plotin, p. 115.

Même lorsque Proclus fait une place à la prièredemande, ce qui lui semble conforme à la doctrine exposée dans les Lois, où est le rapport intime avec un Dieu personnel ? Les néoplatoniciens (je parle des philosophes dans l’exercice même de leur spéculation) n’ont pas connu, ou ils ont oublié, l’impuissance de l’homme réduit à ses propres forces et ils n’ont pas eu non plus l’idée d’un Dieu qui entendît les prières de la terre, non seulement principe et fin de son œuvre, mais l’aimant, intimement présent au fond des âmes, percevant leurs soupirs et désirant leur salut.

Il ne faut donc point parler ici d’un « triomphe » du néoplatonisme. Harnack, Dogmengeschichte, 4e éd., t. i, p. 821. Si le néoplatonisme avait triomphé, il eût fait disparaître deux caractères opposés et paradoxalement unis, dont l’accord constitue, dans la vie religieuse, l’originalité de la concept imi chrétienne ; une

ccit aine autonomie de la personne humaine et, tout ensemble, sa dépendance absolue à l'égard de Dieu ; dans l’infinie majesté de ce Dieu, une infinie coudes cendance, un amour paternel pour sa créature ; dans l'âme créée, la conscience de son incomparable valeur jointe au sentiment de son impuissance foncière ; bref, la mystérieuse collaboration de la liberté et de la grâce, et l’humilité vraie, quæ psene una disciplina christiana esl. Saint Augustin, Scrm., cccli, 4, P. L., I. xxxix, col. 1538. Il n’y a point trace de cela dans a les trésors de vie spirituelle » qui, dit-on, « de la philosophie païenne, sont passés dans les écrits théologiques de saint Ambroise et de saint Augustin ». Bréhier, Histoire de la philosophie, t. i, p. 10.

V. La connaissance que nous avons de Dieu. Quelques fexles (voir les références données au chapitre précédent). — Saint Justin, Apol., ii, 13, P. G., t. vi, col. 465 C ; Dial., 4, ibid., col. 484 AB, 485 ; — Théophile, Ad Autol., i, 2, ibid., col. 1025 C-1028B ; — Clément d’Alexandrie, Strom., III, v ; IV, xxv ; V, xi et xii. P. G., t. viii, col. 1145 ACD, col. 1364 BC, t. ix, col. 108 B ; Stahlin, p. 215, 1. 5 sq. ; p. 317, 1. 10 sq. ; p. 370 sq. ; — Origène, De princ, I, i, 7, P. G., t. xi, col. 128 A ; Koetschau, p. 24, 1. 18 sq. ; Cont. Cels., VI, m ; VII, xxxix, ibid., col. 1292 B, 1477 A ; Koetschau, p. 72, 1. 14 sq., p. 189, 1. 19 sq. ; — Saint Athanase, Oraliode incarnationeVerbi, P. G., t. xxv, col. 196, 197 ;

— Pseudo-Basile (Évagre), EpisL, viii, P. G., t.xxxii, col. 257 C ; — Saint Grégoire de Nazianze, Orat., vii, 21, t. xxxv, col. 781 BC ; — Saint Grégoire de Nysse, De bealitudinibus, orat. vi, P. G., t. xliv, col. 1268 CD, 1272 AB ; De vita Moysis, ibid., col. 376 D, 377 A ; In cant., homil. iii, ibid., col. 824 ; homil. xv, col. 1093 : De anima et resurrect., t. xlvi, col. 89 ; — Marius Viclorinus, Adversus Arium, iv, 23, P.L., t. viii, col. 1129 D ;

- Saint Augustin, De ordine, 11, xviii, 47, P. L., t. xxxii, coI. 1017 ; De vera religione, xxxi, 57, t.xxxiv, col. Al ; InJoan., tr. xxiii, 9, t. xxxv, col. 1588 ; Enarr. in psalm. lxxxv, 12, t. xxxvii, col. 1090 ; Liber de diversis quæstionibus Lx.xxiir, q. xlvi, 2 ; q. liv, t. xi„ col. 30, 38 ; De Trinitate, VIII, iii, 4 ; VIII, ix, 13 ; IX. vii, 12 ; XII, ii, 2, t. xlii, col. 949, 960, 967, 999 ;

— Pseudo-Denys, De cœlesti hicrarchia, îi, 3, P. G., t. iii, col. 140 D-141 A ; De divinis nominibus, i, 5, 6, 7 ; xih, 3, col. 593 C sq., 981 B ; De mystica theologia, i, 1 et 3 ; v, col. 997 B., 1001 A, 1045 D ; — Jean Scot Érigène, De divisione natunr, 1, 1 4 ; 1 1 1, 19, P. L., t. cxxi i, col. 462 A sq., 680 D.

L’homme, dépendant de la matière et marqué jusque dans son âme du signe de la multiplicité, peut-il jamais atteindre en lui-même, sans intermédiaire, ce Dieu qui est son principe et vers qui le porte l'élan de son plus profond désir ? Peut-il même le connaître en quelque manière ? et à quelles conditions ? Problème ardu et important entre tous. Il n’est pas étonnant que les solutions platoniciennes aient retenu l’attention des philosophes chrétiens. Bien que s’engageant dans les mêmes voies, ils n’arrivèrent pourtant pas au même terme ; nous allons le constater, en considérant divers aspects de la question : 1. La théologie négative. 2. La purification (col. 2375). 3. La parenté de l'âme avec Dieu (col. 2379). 4. La vision de Dieu (col. 2381) 5. Quelques conclusions.

I. i.a TBÊowaiE négative. - 1° Negationes in divinis verse. - De l’immuable réalité qui se laisse deviner par de la le monde changeant des apparences, nous pouvons savoir ce qu’elle n’est pas, mais non ce qu’elle est. L’idée remonte à Platon ; elle est reprise et appliquée explicitement à Dieu par Philon, Quod Deus immut., 13 ; De post. Calni, 5, 18 ; par Plotin. Enn., V, iii, 14, et par nombre d’auteurs chrétiens, comme Clément d’Alexandrie, Strom., Y, xi, /'. G., t. i. col. 109 ; Athanase. Ilislurin arianorum <"/ monachos