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PLATON ISMK DKS PÈRKS


pourtant s'éloigner de lui, en lui devenant dissemblable

D’autres thèses, dans la doctrine néoplatonicienne, surtout la nécessite de la création, étaient incompatibles avec l’orthodoxie. Celles-ci au contraire exprimaient avec exactitude certaines relations de l’univers avec son auteur. Files se trouvaient déjà, pour la plupart, ébauchées par Pliilon le Juif, qui, lui aussi, enseignait que Dieu est partout et nulle part, contenant et non contenu, De eonf. linguarum, 27, à la t’ois très près et très loin (cf. Bréhier, Les idées philosophiques et religieuses de Philon d’Alexandrie, p. 78), en sorte qu’il est permis de reconnaître, dans la vigoureuse netteté qu’elles ont dans les Ennéades, comme un écho de la révélation. En s’en inspirant, les alexandrins, les i appadociens, saint Augustin, plus tard tes scolastiques, reprenaient leur patrimoine.

vi. conclusion. — Les thèmes platoniciens dont on reconnaît la trace plus ou moins accusée chez les Pères de l'Église dans la théologie de la création sont donc les suivants :

1° La Bonté, source de fécondité. — - C’est à la bonté divine que le monde doit l’existence, Û7rep60X7J àya06tt)toç, dira encore Jean Damascène, De fide orthod., t. ii, c. ii, P. G., t. xciv, col. 864-866. On accepte la formule d’enthousiasme, Dieu, selon l'Écriture, n’estil pas charité? on en donne d’ailleurs un commentaire fort peu platonicien, quand on voit comme saint Justin, dans cette bonté, l’amour de Dieu pour les hommes. Le danger était d’entrer dans l’esprit de la formule primitive jusqu'à nier la liberté divine et à faire de la production du monde un rayonnement nécessaire de la souveraine perfection. De là l’erreur d’Origène et, à sa suite, de Didyme, quelques expressions moins exactes même chez des écrivains très orthodoxes, et les équivoques qu’entraîne à la période scolastique l’axiome : Bonum est difjusivum sui.

La nécessité des intermédiaires.

Dieu est si

grand, si parfait, qu’il ne peut immédiatement ni toucher le monde, ni être atteint par notre connaissance : par les intermédiaires, le platonisme postérieur se donne l’illusion de diminuer les distances. La sainte Écriture, de son côté, dit du Verbe que tout a été fait par lui, Joan., i, 3, et que personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et ceux à qui le Fils le révèle. Matth., xi, 26. A la faveur de ces textes, les développements platoniciens pouvaient se glisser. C’est l’origine de formules subordinatiennes chez les premiers apologistes et chez Origène.

La matière amorphe.

Considérée avec le mythe

du Timée comme un principe indépendant que Dieu façonne, tel l’argile du potier, elle s’opposait àla notion de création, produclio ex nihilo sui et subjecti ; chez Justin, chez Athénagore, elle la compromet. Les plalonici de l'école de Plotin, qui font venir la matière, du moins médiatement, de la fécondité du premier Principe, continuent pourtant à la considérer comme une condition nécessaire de son action et de toute production (sans doute sous l’influence d’Aristote, pour qui toute production, étant un fieri, suppose une matière). De là, cette quasi-matière spirituelle, cette informitas, qui a trouvé faveur auprès de saint Augustin et, par lui, s’est propagée dans les spéculations du Moyen Age sur la création des anges. Ici encore, on invoquait des textes scripturaires. Gen., i, 2 ; Sap., xi, 18. Même adaptée par saint Augustin, cette théorie n’a pas été retenue. Un vestige en est resté : la composition hylémorphique des êtres spirituels ; voir déjà chez Origène, De princ, II, ii, 2, et après lui chez saint Ambroise : nos autem nihil materialis compositionis immunc atque alienum pulamus preeter illam solam venerandæ Trinitatis substanliam qate vere pura ac simplex sinceræ impermistœque naturx est. De Abraham, II, viii, 58, P. L., t. xiv, col. 506.

La contemplation créatrice.

Ce thème se présentait chez les néoplatoniciens sous deux aspects : 1. Dieu

produit le monde en se contemplant lui-même, seuleforme d’activité qui convienne à une pure intelligence et qui n’introduise en elle aucune subordination. Connaître, pour elle, c’est produire. La formule a persisté ; on la retrouve chez les hérétiques dont parle Didyme, De Trinitate, t. I, c. viii, P. G., t. xxxix, col. 277 B, chez Scot Hrigène. Il ne faut pas s'étonner que la liberté de Dieu y soit compromise. 2. C’est en contemplant son principe que la matière informe spirituelle de Plotin se complète et devient intelligence. Saint Augustin a fait usage de ce thème en le transposant. Le Lombard, les augustiniens, l’ont transformé encore davantage ; il n’y reste de platonicien qu’un vocabulaire dont on a changé le contenu.

IV. Le platonisme des Pères dans la conception de la vie intérieure.

1. Le péché et la perfection morale, (col. 2364) 2. Action et contemplation (col. 2365). 3. L’intermédiaire dans l'œuvre du salut et de la grâce (col. 2368). 4. La prière (col. 2369).

Quelques textes. — Clément d’Alexandrie, Slrom.. IV, xxii ; VII, x, xvi, P. G., t. viii, col. 1345 C-1348 A ; t. ix, col. 480, 541 A ; Stâhlin, t. ii, p. 308 ; t. iii, p. 41, 42, 71, 72 ; — Saint Athanase, Contra gentes, c. ii, iii, xxxiv, xli, P. G., t. xxv, col. 8 sq., 68 sq. ; Oralio de incarnatione Verbi, n. 4, 5, ibid., col. 104 A ; — Saint Basile, De Spiritu Sancto, ix, 3, t. xxxii, col. 109 AB ; — Saint Grégoire de Nysse, De virginitate, c.xii, t. xlvi, col. 372 B, 373 A ; De beatitudinibus, oratio vi, t. xlvi, col. 1268 CD, 1272 AB ; De uita Moysis, ibid., col. 376 D, 377 A ; — Saint Grégoire de Nazianze, Orat., ii, 7 ; xii, 4 ; xiv, 4 ; xx, 1 ; xxi, 2, t. xxxv, col. 413 BC, 848 A, 864 A, 1 065 AB, 1 084 BC ; Orat., xxviii, 3 ; xxxviii, 7 ; xxxix, 8, t. xxxvi, col. 29 A sq., 317 B sq., 344 A ; — Marius Victorinus, In epistolam Pauli ad Ephesios, t. I, vers. 7, P. L., t. viii, col. 1243 C ; — Saint Augustin, De civitate Dei. X, xxiii, xxiv, xxvi-xxxii, t. xli, col. 300 sq. ; Confessions, VII, xx, xxi, n. 26-27, t. xxxii, col. 746-748.

Pour un néoplatonicien, la philosophie n’est pas une occupation de dilettante ni même une spéculation séparée, mais l’expression la plus haute de l’activité humaine, orientée vers la connaissance et la possession de Dieu.

Les Dialogues de Platon demandaient au sage de se donner tout entier à la recherche de la vérité. Avec le temps, la note religieuse s’accusa. « La cité platonicienne devenue couvent, a dit M. Bréhier, c’est sans doute la meilleure et la plus plaisante illustration de la différence entre le platonisme et le néoplatonisme. *

Les admirateurs chrétiens du néoplatonisme ne se trompaient donc pas quand ils y voyaient moins un système qu’un idéal de vie ; et cet idéal avait beaucoup pour leur plaire, exaltant l’homme intérieur, car ce qui se voit n’est qu’une ombre d’homme, le progrès de l'âme par le détachement des choses terrestres, l’union à Dieu. Tout le reste, pensait Plotin, n’est qu’enfantillage. Enn., III, ii, 15.

Aussi, quand ils disent que la grande affaire de la vie est de ressembler à Dieu, les Pères alexandrins et cappadociens avouent volontiers qu’ils marchent à la suite de Platon. Strom., II, xix, P. G., t. viii, col. 1044 B ; cf. IV, xxiii, col. 1356 D. Quand, allant plus loin, ils expliquent que cette ressemblance se couronne par la contemplation, leurs descriptions des diverses étapes de l’ascension et de son degré suprême emploient les termes mêmes qu’avait mis en honneur l'école platonicienne de Platon à Plotin : il faut clore ses sens, rentrer en soi, se recueillir, se tourner vers Dieu ; recevoir de lui l’illumination qui permet à l’esprit de le voir sans raisonnement ; s’unir à l'Être auquel on est apparenté et, dans ce contact intime,