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    1. PLATONISME DES PÈRES##


PLATONISME DES PÈRES. LA CRÉATION

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qui venait d'être traduit, concevra le procédé d'émanation créatrice comme un intelligere : Quidquid est ibi, lotum est aclivum redundans extra in aliud et hoc per intellectum suum, in quo est virtus aelivi principii, et hoc est quod dicit Proclus propositione 17 1 : Sic omnis intellectus in intelligendo instituit quæ sunt post ipsum, et Jactio intelligere et intelligentia facere. De intellectu et intelligentia, i, 3. Proclus disait en effet : xai. tj tcoît]aiç Iv toi vosïv, xai. 7) vÔTjaiç èv Tto ttoisîv (prop. 174 de l'édition Didot).

/II. ANALYSE DB L’ACTE CRÉATEUR, CHEZ PLOTIN ET CHEZ SAINT AUGUSTIN. LES POINTS DE CONTACT.

— C’est à propos de la « créature spirituelle ou intellectuelle », faite par Dieu in principio, que saint Augustin détaille le mécanisme de l’acte créateur et, ce faisant, se rapproche de Plotin d’une manière frappante.

Les Confessions, les Commentaires sur la Genèse nous apportent l'écho de discussions à ce sujet, qui portaient plutôt sur l’interprétation de l'Écriture, Conjess., XII, xvii, 24 ; xxii, 31, P. L., t. xxxii, col. 834, 837 ; Moïse pensait-il à cette créature spirituelle et à cette matière informe, quand il parlait du ciel et de la terre ? Quoi qu’il en soit, saint Augustin regarde comme acquis les points suivants : 1. Il est certain que Dieu a créé le ciel et la terre, et que le Principe dans lequel il a fait toutes choses est sa propre Sagesse ; 2. il est certain que tout ce qui est soumis au changement implique un manque de forme, informilas, par quoi il est capable de prendre une forme et d'évoluer ; 3. il est certain que les vicissitudes des temps n’affectent pas ce qui adhère à la forme immuable, bien que, par sa nature, il soit soumis au changement ; 4. il est certain que, par manière de dire, on peut donner le nom d’une chose à ce dont elle vient et ainsi appeler ciel et terre le manque de forme dont a été fait le ciel et la terre, quælibet informitas unde jactum est cœlum et terra ; 5. il est certain, ô mon Dieu, que vous êtes le créateur de tout ce qui est, non seulement de ce qui est créé et formé, creatum et (ormatum, mais encore de tout ce qui est créable et formable, creabile et formabile… Confess., XII, xix, 28, t. xxxii, col. 836.

De ces prémisses, certaines se déduisent les conditions dans lesquelles fut produite la première créature intellectuelle.

Les deux moments de la création.

Parce qu’elle

est créée, la première nature est sujette au changement. Cette disposition, neutralisée, il est vrai, par l’union constante à l’immutabilité divine, suppose pourtant une informitas, qui est une espèce de matière, c’est-àdire une possibilité de changement et la capacité de recevoir une forme. Donc, bien qu’il n’y ait pas eu de temps où « le ciel » fût informe, la nature des choses exigeant pourtant que tout ce qui ex informi formatur soit d’abord informe et ensuite formé (Confess., XII, xix, 28), on doit distinguer dans la production de cette créature comme deux étapes : l’une où elle n’est qu'ébauchée in informitate imperfectionis, l’autre où, par sa conversion vers l'être véritable et éternel, elle prend la forme qui l’achève : formam capit et fit perfecta creatura.

Ce développement est présenté dans le De Genesi ad lilteram, par exemple I, iv, 9, t. xxxiv, col. 249, comme une explication possible du texte sacré et, dans les Confessions, comme l’expression de la vérité. Cf. Gilson, Introduction à l'étude de saint Augustin, p. 253 sq. Or, il s’inspire manifestement des Ennéades, dont quelques formules sont à peine modifiées. La créature spiritualis et intellectualis vel ralionabilis, qui paraît être, dit saint Augustin, la plus rapprochée du Verbe, et qu’il identifie avec le ciel des anges est une transposition de l’Intelligence plotinienne. De part et d’autre, le produit de l’action divine ad extra n’est une créature achevée, que parce qu’il est com DICT. DE THÉOL. CATHOL.

piété et « formé », lorsqu’il se tourne vers son Principe et le contemple (Enn., V, iii, 1 1 ; V, ix, 4), tandis qu’au premier moment il était un je ne sais quoi indéterminé, une matière par rapport à ce qui l’a créé : ûX ?) icpôç t6 7roùjaav tô 7vpa>fov, une quasi-matière, comme, après Plotin, dit aussi saint Augustin. In principio fecit Deus cœlum et lerram, secundum maleriæ quamdam, ut ila dicam, formabilitatem quæ consequenter verbo ejus formanda fuerat, præcedens formationem suam non tempore sed origine. De Gen. ad litt., V, v, 1C, t. xxxiv, col. 326.

2° La conversion de la matière informe et la « formalion » qui l’achève. — La matière intelligible, dit Plotin, se retourne vers sa cause, en vertu d’une nécessité métaphysique, car, le principe de tous les êtres étant aussi leur fin, ils trouvent tous leur perfection (et leur béatitude) dans la mesure où ils retournent à leur origine ; ainsi la matière que produit l’Un porte en soi l’amour de celui dont elle procède ; on peut même dire qu’elle est tout désir sepeatç jxovov : aussi s'élance-t-elle vers lui, non pas comme une intelligence qu’elle n’est pas encore, copias [i.èv ère' aù-6 oùj( côç voûç, mais en vertu d’un appétit naturel, dirait un philosophe scolastique. Elle s'élance vers l’Un, qui est aussi le Bien et elle en prend ce qu’elle peut. Avant sa conversion (ÈTn.oTpocpY)), elle n'était pas intelligence ; c’est sa conversion qui lui donne sa forme parfaite. Enn., V, iii, 11. Et ailleurs : « Puisque l’Intelligence est une vision et une vision en acte, 6<iiç ôpcôoa, elle est une puissance passée à l’acte ; il y a donc en elle matière et forme… La vision des yeux reçoit des choses sensibles sa plénitude et comme son achèvement ; la vision de l’Intelligence reçoit sa plénitude du Bien… L’Intelligence a besoin du Bien ; … en atteignant le Bien, elle en prend la forme, elle en reçoit son achèvement. » III, viii, 11. Il y a donc, dans l’Intelligence, un appétit de sa propre forme, un appétit qui sans cesse désire et sans cesse atteint ce qu’il désire. Voir III, ix, 5, des considérations semblables, au sujet de l’Ame.

On retrouve dans saint Augustin et la nature spirituelle informe et ses élans défaillants et vagabonds, spiritualis informitalis vagabunda deliquia (vagabunda est un trait plus platonicien que plotinien), et la conversion qui lui donne sa forme parfaite (Confess., XIII, v, 6, t. xxxii, col. 847). Tali enim conversione, formatur alque perficitur ; si autem non convertatur, informis est. De Gen. ad litt., i, i, 2, t. xxxiv, col. 247. Ipsa pro sui generis conversione… ad Creatorem, formam capit et fit perfecta creatura, De Gen. ad litt., i, iv, 9, col. 249 ; ibid., i, i, 3, à propos du texte : Tenebræ eranl super abyssum : « Par cet abîme ténébreux, ne faut-il pas comprendre la nature vivante qui est informe, aussi longtemps qu’elle ne se tourne pas vers son créateur ? » cf. ibid., i, ni, 7 ; I, ix, 17, col. 248 et 253.

3° Le rôle de la connaissance ou de la contemplation dans cet achèvement. — Ce qui fut créé d’abord, dit Augustin, c’est la première lumière, une lumière en qui devait s’opérer la connaissance du Verbe de Dieu par lequel elle était créée. Pour elle, la connaissance consistait à se tourner de son « informité » vers le Dieu qui forme, à être créée, à être formée : ipsa prima creabatur lux in qua fieret cognitio Verbi Dei per quod creabatur alque ipsa cognitio illi effet ab informitate sua converti ad formantem Deum et creari alque formari. De Gen. ad litt., III, xx, 31, t. xxxiv, col. 292. La création de la première nature est donc ainsi décrite : une lumière (et déjà l’emploi de ce mot pour désigner un être spirituel, est bien néoplatonicien), une lumière informe se tourne vers Dieu et, en le connaissant, prend sa forme et s’achève. Parce que cette lumière est de nature intellectuelle, c’est tout un pour elle d'être et de connaître le Verbe par qui elle est faite :

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