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    1. PLATONISME DES PÈRES##


PLATONISME DES PÈRES. LA TRINITÉ

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éternité qu’il contemple son Père et que, par suite, il est Dieu.

Ici. l’on ne peut s’empêcher de penser aux passages où Plot in décrit le second dieu « qui s’est tourné vers l’Un, afin d'être intelligence, irpôç èxsïvo, tva f] voCç, Enn., V. i. 0. éd. Volkmann, t. n. p. 169. 1. 10, qui est devenu intelligence parce qu’il s’est tourné vers son Principe et l’a contemplé : STuaTpaçèv èv -rr t 6éa, Enn., VI, vu. 37, t. ii, p. 471. 1. 10-12, et qui est ainsi engendré de toute éternité, yswr^zi àïSîco ». Enn., VI, vin. 2(i, t. ii, p. 5C5, 1. 26 ; V, i. 6, t. ii, p. 108, 1. 31. Si ce qu’engendre le Père n’est pas chez Origène comme chez Plot in. Enn., V, m. 11. une matière informe qui se complète ensuite par sa conversion vers son Père, il reste pourtant que le Fils, Dieu, sans aucun doute, et même principe de déification, ne possède de divinité que ce qu’il en prend à son Père par le fait qu’il le regarde, et qu’il cesserait d'être Dieu s’il cessait de le contempler. C’est marquer bien fortement son infériorité.

Il faut noter aussi qu’on ne sauvegarde pas ce qu’il y a d’essentiel dans le mystère, si l’on compare la génération du Fils à une action ad extra. La seule analogie recevable est celle des opérations immanentes qui constituent notre vie intellectuelle ; encore l’analogie est-elle lointaine, puisqu’en Dieu l’immanence est totale. Le Fi s s’oppose au Père comme à l’esprit qui se pense s’oppose le verbe qu’il conçoit, mais le Verbe et son principe n’ont qu’une seule essence, qui est l'être même de Dieu. Yerbum erat apud Deum.

Or, ce n’est pas ainsi que, dans le texte qui nous occupe. Origène comprend les choses. Certes, il parle de contemplation, mais chez lui quel est le sujet qui contemple ? C’est le Logos ; quel est l’objet vers lequel il se tourne ? C’est le premier Principe qui est le Dieu véritable, tandis que le Logos n’est Dieu que parce qu’il contemple. Il contemple donc un autre que lui. Supposons même que cette contemplation l'égale à celui qu’il contemple (et cette supposition accorde trop), comment pourrait-elle jamais le conduire à n'être numériquement qu’une même nature avec lui ?

Des observateurs superficiels ont pu s’y tromper :

D’après le Timée, l’Intelligence contemple le Bien, principe d'être et de pensée ; d’après le christianisme le Verbe contemple son Père » ; Alfred Fouillée voyait là, dans le christianisme comme dans le platonisme, l’origine d’une multiplicité, de part et d’autre très idéale ». La philosophie de Platon, t. i, t. IV, nouv. éd., 1922, p. 304. Non, la théologie catholique s’exprime tout autrement que le platonisme, autrement qu’Origène lui-même dans le texte cité.

D’un côté Dieu, en se pensant lui-même, se reproduit dans un Verbe intérieur : Ex hoc… quod seipsum intelligit ; oportel quod Yerbum ipsius in ipso sit. VA ce Verbe, en tout égal à son Père, n’a qu’une même nature avec lui. C’est l’explication de la théologie chrétienne ; cf. S. Thomas. Summa cont. gent., i. IV, c. xi. Au contraire, dans l’interprétation d’Origène, c’est le Logos qui contemple son Père, et qui, grâce à cette contemplation, devient lui-même Dieu ; il est Dieu parce qu’il contemple le Principe de la divinité. C’est encore la conception néoplatonicienne, bien qu’il ait voulu la corriger. De plus, une question se présente invinciblement : Comment le Logos peut-il contempler s’il n’existe pas ? Ft s’il est quelque chose avant d'être Dieu, nous voici ramenés de force à ce qu’on avait voulu passer sous silence, à ce premier stade du second dieu, désir informe, avant d’avoir reçu son achèvement de la contemplation. Origène n’en parlé pas, mais les éléments qu’il retient, la conversion, la contemplation en deviennent inintelligibles et, lout en n’expliquant rien, compromettent tout.

Sous peine d'être injuste, il faut rappeler qu’il y a

autre chose dans Origène : d’abord une adhésion convaincue à la doctrine trinitaire, car c’est une règle de foi clairement contenue dans la prédication des apôtres, qui s’impose même aux initiés de la « gnose » et dont seuls les hérétiques se séparent : « Un seul Dieu qui a tout créé. Jésus-Christ, né du Père avant toute créature, et le Saint-Esprit, associé au Père et au Fils en honneur et en dignité. -Deprinc, procem. 4 ; cf. In Joan., tom. xxxii, 9, P. G., t. xiv, col. 783 AB. « C’est le junis triplex auquel est suspendu toute 1'Fglise. » In Exod., hom. ix, 3, t.xii, col. 365 B.

Pour ce qui concerne le Logos, Origène tient qu’il est coéternel au Père : l'éclat dure aussi longtemps que la lumière. Ainsi la génération du Sauveur, splendeur de la gloire de Dieu, est éternelle : oùyl èyévvYicev ô Ilax'^p to.v Yio’j xal àîisXuæv ocùrôv ô ITaTYjp àno rrjç ysy^ascoç aùxoù, àXK' àel ysvvà aùrôv. // ! Jerem., hom. ix, 4, t. xiii, col. 357 A ; In Joan., tom. i, 32, t. xiv, col. 77 D : De princ., IV, xxviii, t. xi, col. 402 AB. Il dit aussi que le Logos « est né de l’essence du Père », « engendré de la substance de Dieu », « émanation de la gloire du Tout-Puissant ». Ces textes et d’autres semblables enchantaient saint Athanase, De decr. Nie. syn., 25, 27, P. G., t. xxv, col. 460 C, 465 BC ; et, en effet, au regard de la controverse arienne, ils apportaient un témoignage contre l’hérésiarque qui prétendait qu’il fut un temps où le Verbe n'était pas. Mais, sans parler de la comparaison fâcheuse du Fils avec le juste qui, lui aussi, est sans cesse engendré par le Père, In Jerem., hom. ix, 4, ces textes suffisent-ils à distinguer Origène des néoplatoniciens ? Il disait : Le Père engendre toujours le Fils ; mais les Ennéades parlaient aussi de la « génération éternelle du second dieu ». Enn., VI, viii, 20 ; cf. II, ix, 3 ; III, ii, 9 ; VI, vii, 3. Plotin affirmait que to… àel réXeiov àsl xal àtSiov yevvâ, V, i, 6, ce qui ne l’empêchait pas d’ajouter : ëXavrov Se éauToù yevvâ. La génération éternelle laisse subsister le subordinatianisme. Ailleurs, il est vrai, Origène dépasse nettement tout l’horizon platonicien, quand, répondant à une accusation de Celse, il se contente de remarquer : « S’il avait compris ce que dit le Fils. : « Le Père et moi nous ne faisons qu’un », jamais il ne lui serait venu à l’idée que nous adorons un autre que le Dieu suprême. » Cont. Celsum, VIII, xii, xiv, t. xi, col. 1533 A, 1536 BC. Mais, alors, il s’en tient à la sainte Écriture : le Logos est dieu ; il est distinct du Père ; et, pourtant, il n’y a qu’un Dieu. Le Fils tire son origine du Père, mais c’est de l’essence du Père qu’il procède ; il n’est pas, comme les autres créatures, tiré du néant. Que n’en est-il resté là? La philosophie l’a induit en tentation.

b) Un essai d’adaptation chrétienne du néoplatonisme. Saint Augustin. — La genèse de l’Intelligence, telle que la décrivent les néoplatoniciens, ne permet pas d'échapper à ce dilemme : ou bien l’Intelligence se tourne vers son Principe et le contemple pour être complétée et achevée : perficienda se convertit, et son infériorité apparaît clairement puisqu’elle est soumise au devenir ; ou bien elle est parfaite par essence ; mais alors sa conversion vers son Père in quem se perfecla convertit ne nous apprend plus rien sur son origine.

Il faut s’en souvenir en lisant les c. xv et xvi du 1. XV du De Trinitate, sur le Verbe « formable » et " formé ». Même si l’on accorde, conclut saint Augustin, qu’on puisse appeler « verbe » ce quelque chose de notre esprit, quod de nostra scientia (ormari potest, etiam priusqvam jormalum sit, quia jam, ut ita dicam, jormabile est, on ne peut en faire aucune application au Verbe de Dieu, quod in forma Dei sic est ut non antea [uerit jormabile priusquam jormatum…, sed sit forma simplex et simplicité/- œqualis ei de quo est et cui mira bililer coœtema est. Lor. cit., c. xv, n. 25, P. L., t. xlii,