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    1. PLATONISME##


PLATONISME. LES INFLUENCES FUNESTES

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incompréhensible, la parfaite spiritualité de l'âme, l’horreur de la matière, de tout ce qui est corporel et des phantasmes mêmes, l’emploi de la méthode dialectique, un réalisme exagéré, le bonheur dans une contemplation, qui, par l’extase, arrache, pour ainsi dire, l’homme à lui-même.

c) Lutin, coordonnant les thèses particulières, une certaine conception générale et systématique des choses ; Dieu, principe et fin, et, dans ce cadre, tous les êtres ordonnés, selon les degrés d’une hiérarchie où l'être va de pair avec la simplicité.

C’est de tout cela qu’est fait l’esprit platonicien, sous la note dominante qu’au delà de ce qui se voit et se palpe, il y a autre chose, un monde immatériel qui donne aux êtres sensihles leur valeur, et sans lequel la. vie ne vaudrait plus la peine d'être vécue. Ce trait est platonicien ; il est chrétien aussi. Là se rencontrent deux esprits. Ainsi s’eXplique que beaucoup de platoniciens soient passés au christianisme (saint Augustin, De vera religione, iv, 7, P. L.. t. xxxiv, col. 126), et que la plupart des docteurs chrétiens aient préféré à toute autre la philosophie platonicienne. Qu’on ne croie pas pourtant que pour ces derniers Platon et l'Écriture fussent des sources d'égale valeur.

La véritable autorité.

Même pour les théologiens

platonisants, la véritable autorité reste toujours la révélation. D’elle, et non de Platon, ils reçoivent leur règle de pensée, les premiers apologistes, aussi bien qu’Origène et que saint Augustin.

1. Pour Augustin, la chose est évidente, dès le temps où il écrivait le Contra academicos, voir III, xx, 43, P. L.. t. xxxii, col. 957 : if. De Genesi ad litt., F, i, 1, t. xxxiv, col. 247. « Tant que sa philosophie concorde avec ses doctrines religieuses, saint Augustin est franchement néoplatonicien ; dès qu’une contradiction se présente, il n’hésite jamais à subordonner sa philosophie à la religion… » Grandgeorge, op. cit., p. 155. Mais lorsque les Livres saints parlent de façon obscure et que le magistère ecclésiastique n’en donne pas une explication autorisée, force est de l’interpréter. Choqué par certaines explications paresseuses, qui excitaient les sarcasmes des infidèles, Augustin se donne pour lâche de résoudre les difficultés exégétiques, de façon à satisfaire aux exigences des doctes tout en restant fidèle à la règle de foi catholique. Cf., par exemple. De Gen. ad litt., i, xix, 39 ; I, xix, 41, t. xxxiv, col. 261262 ; Gonjess., XII, xxiii, 32, t. xxxii, col. 838. C’est pour trouver ces explications plausibles ou, comme il dit, « plus tolérables », qu’il recourt aux « platoniciens ». Apud platonicos me intérim quod sacris noslris non repugnet reperturum esse confldo. Gontr. acad., III, xx, 43, t. xxxii, col. 957. Il s’adresse à eux non dans un esprit de coterie, parce qu’il est de leur école, mais parce qu’il les trouve plus proches de la vérité chrétienne : cette affinité est la raison de sa préférence. D’ailleurs, il se dit prêt à faire la même confiance à tous les philosophes qui parlent de même, à quelque secte ou nation qu’ils appartiennent. De cio. Dei, VIII, vi, 9 et 10, t. xli, col. 231-235. Bref, même quand il parle en « platonicien », Augustin est chrétien avant tout.

2. Il faut dire la même chose des premiers apologistes et des alexandrins ; quand ils traitent du Logos ou de la Trinité, quelles que soient les inexactitudes, les erreurs, où ils se laissent ensuite entraîner, leur point de départ est non pas la philosophie, mais la doctrine traditionnelle dans l'Église. Ce que prêche saint Justin, ce sont « les enseignements qu’il a reçus du Christ et des prophètes qui l’ont précédé » ; il veut être écouté, parce qu’il se présente comme le messager de la vérité totale, tandis que les philosophes ne possèdent qu’une vérité partielle et participée. Apol., i, 23, P. G., t. vi, col. 364 A ; cf. art. Justin, t. viii, col. 2250 sq., et Lebreton, Histoire du dogme de la

Trinité, t. ii, 1928. p. 181-185 : Les sources de Justin ; Puech. Histoire de la littérature grecque chrétienne, t. n. p. 231, 321 : sur Clément d’Alexandrie, Meifort, lier Platonismus bei Clemens Alexandrinus, p. 9.

3. Cela est vrai même du plus compromis d’entre eux, Origène. On ne peut mettre en doute son profond attachement à la personne du Sauveur ; il en a montré la sincérité par le témoignage du sang. Yolontier. il eût dit avec saint Augustin : « C’est chose décidée, jamais je ne m'écarterai de l’autorité du Christ ; il n’y en a pas de meilleure. Contr. acad., III, xx, 43. Et pourtant, en réalité, ne fut-il pas, comme le prétendait Porphyre, grec et païen par sa manière de penser, autant que chrétien par sa manière de vivre ? N’essayait-il pas de prou ver tous les dogmes par Platon, Aristote, Numénius, et Cornutus, comme saint Jérôme insinue qu’il l’a fait dans ses Stromala ? Epist, , i.xx. /'. L., t. xxii, col. 667.

Bien que la philosophie ait déformé parfois chez Origène le vrai visage du dogme, une pareille intention serait surprenante chez un homme qui a consacré tant de patients et de savants efforts à la pénétration du texte sacré. Le De principiis, qui fait pourtant la plus large place à la spéculation, affirme au contraire que illa sola credenda est verilas quæ in nullo ab ecclesiaslica et apostolica discordât trad.tione. De princ, t. I, proef., 2, P. G., t. xi, col. 116 13 ; la philosophie ne joue donc qu’un rôle secondaire. Et la version de Rufin ici n’est pas suspecte, car saint Grégoire le Thaumaturge, ancien disciple d’Origène à Césarée, décrit ainsi dans son Oralio panegyrica, n. 6-15, P. G., t. x, col. 1068 sq.. ce qu’on peut appeler la méthode de l'école d’Alexandrie. L’enseignement de la théologie y consistait surtout, dit-il, dans l’interprétation des saintes Écritures, et la raison en est qu’en les prenant pour guide, c’est à Dieu qu’on s’en remet et non pas à un homme, fût-il de tous le plus sage (n. 15) ; on expliquait pourtant, par manière d’introduction, la dialectique, la physique, la mathématique et l’astronomie, ensuite eu éthique et en métaphysique, les doctrines des anciens philosophes. Parmi ces doctrines le platonisme, nous le savons, occupait une place de choix ; il n'était pourtant, comme les autres, qu’une propédeutique. De même, dans sa lettre à Grégoire, n. 1, P. G., t. xi. col. 88, Origène conseille à son disciple de prendre « de la philosophie des Grecs ce qui peut servir de T^poTMcs.SE’VjLara au christianisme ».

Par conséquent, présenter Origène comme cherchant sa croyance, ou même prenant son point de départ ou son inspiration dans la philosophie et tâchant ensuite, tant bien que mal, de rejoindre l'Écriture, c’est déformer complètement son attitude fondamentale et fausser l’orientation qu’il donnait à ses recherches.

Sans doute, il s’est laissé impressionner plus qu’il ne convenait, par certains thèmes familiers dans les écoles de son temps, les intermédiaires, le Logos, la contemplation créatrice, la préexistence et la chute des âmes, le retour sans fin des choses. Une connaissance plus exacte du dogme, qu’il eût trouvée sans doute dans un contact plus sympathique avec la foi des simples pour laquelle il avait trop de dédain, l’eût défendu contre la contagion de l’hellénisme qu’il subissait à son insu et préservé de ces défaillances.

Du moins, sa volonté fut toujours entière de n’avoir pour maîtres que Jésus et ses apôtres, les apôtres qui. dit-il, à cause de leur ignorance même, sont plus dignes de créance, car il apparaît mieux que tout ce qu’ils prêchent vient de Dieu. Cont. Cels., i, lxii ; III, xlvii, lxxv, P. G., t. xi, col. 776 A, 981 A. 1017 A.

/II. PLATON, PÈRE DES HÉRÉSIES. — Le pseudoDenys affirme lui aussi qu’il ne faut rien penser ou dire sur Dieu en dehors de ce qui a été divinement