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PLATONISME DU PSKUDO-DKN YS

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les thèmes chers aux néoplatoniciens : la beauté, comme Plotin, comme Proclus, il cite presque textuellement un passage du discours de Diotime dans le Banquet. 2Il ab ; l’amour, où son vocabulaire fait penser à Proclus comme à sa source immédiate (H. Koch, op. cit.. c. i et n) ; la métaphysique de la lumière (H.-F. Millier, Dionysios, Proklos, Plotinos, dans les Beitrâge de Bàumker, 1918, p. 41 sq., compare à ce sujet la pensée de Denys avec celle des néoplatoniciens : cf. Bâumker, Wîtelo, dans Beitrâge…, 1900, p. 357-514) ; la transcendance de Dieu, exprimée en hyperboles dont Plotin et Proclus restent fort éloignés : àp-/_r, ç àTrâoTjÇ yTiepouaUùç ÙTtepâpxioç àpyr, … …ô àp/iOsoç xai û— spŒoç Ô7?epouat<i)ç eïç Geoç. De div, nom., ù 1, 3 et 5 ; ii, 11, P. G., t. iii, col. 649 C.

D’ailleurs, la théodicée de Denys est pour une bonne part d’inspiration néoplatonicienne.

Dieu est la simplicité suprême, la monade, l’hénade : ûç u.ovâ8a [zsv xal èvàSa Six tt ( v à^XÔT^Ta xai, êv6*n)Ta rrjç ÛTTSpçuoùç àjispîaç. De div. nom., i, 4. col. 589 D ; cf. ii, 11, col. 649 ; principe du multiple, comme l’unité l’est du nombre, ibid., v, 6, col. 820 ; xiii, 2, 3, col. 977980 (cf. Proclus, Inst. theol., c. v, xxi sq.) ; tkxvtcov )T : 6aTxat, ç, De div. nom., i, 5, 7, col. 593 D, 596 C (cf. Proclus, 7nsI. theol., c. xxv : èxeïvo Se 7ràvTtov y}v JrroaTaTtx.ôv).

Selon Denys, Dieu est même l'être de toutes choses, tÔ vàp elvat 7 : àvTCov èaTt.v.De ciel, hier., iv, l, col. 177 D ; cf. De div. nom., v, 4, 5, col. 817 D, 820. Il est tous les êtres, car il en est le principe, et, pour la même raison, il n’est aucun des êtres : TrxvTa ko-.'w… oùSév soTt twv — àv-rcov. /Je rff’y. nom., v. 8, 10, col. 824 B825 B. Cf. ce qui a été dit plus haut à propos de Marius Victorinus et de Plotin.

En s'éloignant de l’Un, la perfection diminue de degré en degré, depuis les dieux ou anges déiformes jusqu'à la matière seule entièrement inactive et inféconde. De cxl. hier., vii, col. 206 sq. ; De div. nom., iv, 28, col. 729 A (cf. Proclus, Inst. theol., c. xxv, xxvi). Mais tout ce qui en procède tend à y revenir. Il y a ainsi une immense « circulation » du Bien aux êtres et des êtres au Bien. De cœl. hier., i, 1, col. 120 B (cf. Proclus, Inst. theol., c. xxxiii, xxxvii).

Sur le problème de la limite et du mal, le De divinis nominibus, iv, 18-34, col. 713 sq., reproduit un extrait du De malurum subsistentia de Proclus. Voir J. Stiglmayr, Das Aufkommen der pseudo-dionys. Schriften und ihr Eindringen in die christliche Lilerutur bis zum Lateran-Konzil ( 649), Peldkirch, 1895.

Sur la connaissance qu’on peut avoir de Dieu, Denys semble parfois professer un complet agnosticisme ; c’est l’opinion de Bit ter, Histoire de la philosophie chrétienne, trad. Trullard, t. ii, p. 476, qui peut invoquer certains textes, comme De div. nom., i, 1 : ou-re aïa6r ( aie a>Tr, ç èctw oùre çavTaaîa ours Sôça o’jt ; âvofia o’jts Xoyoç r/j-rs sroxcpT) o’jte Ètuott^ï ;. Mais, ailleurs, à plusieurs reprises, se trouve décrite, en termes explicites, la triple voie qui conduit à la connaissance de la cause première : « Il faut lui attribuer et affirmer d’elle tout ce qui s’affirme des autres êtres, puisqu’elle en est la cause ou, plus proprement, le nier, puisqu’elle est infiniment supérieure ; et il ne faut pas juger que la négation contredise ici l’affirmation, mais seulement que la cause suprême est audessus de tout, au-dessus de toute affirmation comme de toute négation. » De myst. theol., i, 2 ; v, col. fin iii, 1048 ; Dedn>. nom., i, 5, 6, 7 ; vii, 3. col. 593-596, 869. Ici encore, Denyss’inspirait de formules néoplatoniciennes. Voir IIe part., v, 1, La théologie négative, col. 2372.

Supérieure à cette connaissance de Dieu, il y en a une autre, qui est du ressort de la théologie mystique et symbolique : r, Os'.otxty ; to)z’j~j vvâ>ai.ç, y] Si' àyvwaîaç '{i s j<x>cy. r jy.£vr l xa-rà t)jv 'j—èp voûv evwa'.v. De

div. nom., vii, 3, col. 869-872. Connaissance dans l’ignorance par voie d’union, ûi : èp voepàv èvépY£t.av évcoOsvTSç (Plotin disait de même : fxôvov ôpwaa tcT) aovetvca, Enn., VI, ix, 3), qui suppose que l'âme quitte tout, s’oublie elle-même, est illuminée par les rayons célestes, et ne fait plus qu’un, autant que possible, avec Dieu. De div. nom., vii, 3 ; iv, 11 ; ii, 7 ; i, 2, col. 872, 708, 669, 616.

Il faudrait, pour donner une juste idée du pseudoDenys, à côté de ses nombreux emprunts au néoplatonisme, rappeler ce qui fait de lui, malgré tout, un chrétien. C’est dans les Livres saints qu’il trouve la notion d’un Dieu beaucoup moins impersonnel que le Dieu des Ennéades, amour agissant, pénétré de « philanthropie », salut et rédemption de tous les êtres qu’il conserve ou rétablit dans leur perfection. C’est dans l'épître de saint Jacques qu’il lit : « Tout don excellent, toute grâce parfaite descend d’en haut, du Père des lumières. » Contrairement à ce que disaient les néoplatoniciens, les faveurs divines qui préparent ou consomment l’union sont gratuites ; la « divinisation » est un don de la bienveillance divine (Denys l’appelle parfois Xdtptç, Eccl, hier., iv, 10 ; cf. ibid., i, 5 ; i, 3 ; De ciel, hier., i, 1). Le travail d’unification qui nous « divinise » commence avec « l’illumination » du baptême et s’achève ici-bas par l’eucharistie, qui nous met en communion parfaite avec Dieu, le rôle de tous les sacrements étant d’unifier nos âmes dispersées dans le sensible et, par cette surnaturelle unification, de nous unir ou de perfectionner notre union avec l’Un. Eccl. hier., ni, 1. Il y a là un effort intéressant pour élaborer un néoplatonisme chrétien.

Il est difficile de juger équitablement Denys. Longtemps, bénéficiant de l’autorité que lui conférait son glorieux pseudonyme, il fut considéré comme le mystique chrétien par excellence. Le P. Balthasar Cordier croyait pouvoir écrire : Liquido constat S. Dionysium nil nisie verbo Dei depromplum afjerre. P. G., t. iii, col. 79. C'était une évidente exagération. Denys reste très proche, souvent trop proche de ses sources platoniciennes.

Mais c’est une autre exagération de ne voir en lui qu’un pur néoplatonicien, pour qui la Bible, le dogme, le Christ et l'Église n’auraient été que des symboles et des intermédiaires pour amener les hommes à l’idéal du néoplatonisme. Son but, dit Windisch, était de faire participer les masses au salut de la philosophie néoplatonicienne. Il réussit, et c’est pourquoi, tandis que la branche païenne dépérissait, le néoplatonisme ecclésiastique continua sa carrière brillante… jusqu’au jour où Luther purgea enfin la foi ecclésiastique de cet élément néoplatonicien. Art. Neuplatonismus, dans Die Religion in Gcschichte und Gegenwart, l re éd., col. 759. Cela, c’est du pur roman.

5. A quels traits on reconnaît le platonisme des Pères. — a) D’abord, il y a un vocabulaire commun à tous les disciples de Platon ; bien que le contenu en soit plus ou moins altéré, on y retrouve pourtant non seulement les Idées, le Démiurge, l’Un, la divine Intelligence, l’Ame du monde, mais aussi la philosophie au sens d’amour de la sagesse ; l’assimilation à Dieu qui en est le but ; les âmes alourdies dans leur vol…, la perte des ailes…, la chute…, le corps comparé à une prison ou à un bourbier ; la nécessité de « s'évader d’ici-bas vers là-haut », et, en un certain sens, la purification, la parenté divine, l'œil de l'âme, la contemplation…

b) Il y a aussi quelques doctrines caractéristiques. Contre certaines d’entre elles les chrétiens devaient réagir ; ils en gardèrent pourtant quelque chose, à tout le moins une orientation, des tendances. L’opposition des deux mondes, intelligible et sensible ; Dieu, père de l’univers, sa parfaite simplicité qui le rend