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PLATONISME DES ALEXANDRINS


emprunts : ô èc ; 'Eôpaîojv cpiXôsocpoç riXârcov. Slrum., i, i, P. G., (. viii, col. 696 ; éd. Stahlin, t. ii, p. 8, 1. 5. Il le connaît bien ; il le cite souvent ; il tient à se trouver d’accord avec lui et, pour cela, il choisit les citations, il interprète avec bienveillance (par ex., Strom., III, n) ; il allégorise. La Trinité, la croix, la résurrection du Christ, le jour du Seigneur, la double issue possible, bonne ou mauvaise, de la vie humaine, il retrouve tout cela dans les Dialogues, et le diable et la création ; lorsque le Timée parle des enfants de Dieu, qu’il faut croire, même s’ils n’apportent pas de preuves, ce qui est signifié, c’est la filiation divine, sur laquelle est fondée la foi chrétienne. Meifort, Der Platunismus bei C.lemens Alexundrinus, p. 10.

Origène est très éloigné de cette bienveillance. Pour s’en rendre compte, il suffit de lire les premiers cha-' pitres i-xxii du 1. VI Contra Celsuni, qui, tout en concédant que Platon a parfois bien parlé, s’efforcent de diminuer son mérite : car, longtemps avant lui, nos prophètes avaient dit les mêmes choses. C. v. Il a eu de grandes lumières, oui, mais il s’en est si peu servi ! Il est de ceux qui retiennent la vérité prisonnière. C. m. Ses belles spéculations sur le premier Bien n’ont fait avancer dans la piété ni lui-même, ni ses disciples ; les divines Écritures, au contraire, inspirent un véritable enthousiasme pour la pratique de la vertu ; c’est que leur lumière est nourrie de cette huile des vierges sages dont parle la parabole. C. v ; cf. Cont. Cels., V, xx.ni. Sans doute, le langage des Dialogues est bien plus élevé que celui des Évangiles ; mais il en résulte que Platon n’est lu que par les lettrés, tandis que nos Livres saints sont à la portée de tous. C. n. Éclairés par la grâce de Dieu, les disciples de Jésus ont discerné beaucoup mieux que Platon ce qu’il fallait dire au peuple et ce qu’il fallait taire. C. vi.

La différence d’attitude, de Clément à Origène, se marque dans un exemple. Marcion, paraît-il, en appelait à Platon en faveur des idées radicales qu’il répandait sur le mariage, mauvais parce que la génération est mauvaise, parce que la nature et la matière sont mauvaises. Clément met Platon hors de cause. En invoquant son patronage, Marcion fait preuve d’ignorance et d’ingratitude. Strom., III, iii, P. G., t. viii, col. 1124 C ; Stahlin, t. ii, p. 205, 1. 13-15. A l'égard de Celse. dans un cas semblable, l’attitude d’Origène est tout autre. Supportant impatiemment que dans le christianisme le monde entier fût ordonné au salut de l’homme, car, pensait-il, « Dieu prend soin du Tout », Cont. Ce/s., IV, xcix, Celse s’efforçait de réagir contre cet anthropocentrisme, et il exaltait les perfections des animaux…, des fourmis, des abeilles… Sur quoi Origène remarque : Peut-être C « lse veut-il insinuer que toutes les âmes sont de même nature, celles des fourmis et celles des hommes. C’est qu’en effet, souvent, il aime à platoniser : xal y^p èv toXXoiç TcXa-rcovî^eiv OsXsr…. Mais des chrétiens ne peuvent partager cette manière de voir. Cont. Cels., IV, lxxxiii, t. xi, col. 1157 B ; Kœtschau, t. i, p. 354. Au contraire de Clément, Origène accuse les oppositions : Celse se trompe ; ce n’est pas étonnant, car il a la manie de platoniser. Platon est rendu en quelque sorte responsable de l’erreur.

Et pourtant, Origène, aussi bien que Clément, a subi l’influence du platonisme éclectique, au milieu duquel tous deux ont étudié et enseigné ; et celui qui l’a subie le plus profondément, parce que son génie l’entraînait plus loin, dans l’espoir d’expliquer l’inexplicable, ce fut Origène. (Cette influence est sous-estimée par J. Denis, De la philosophie d’Origène, p. 59-61, et surfaite par E. de Faye, Origène, t. i, p. 217. Origène luimême nous apprend que, suivant l’exemple d’Héraclas, il a fréquenté les cours du philosophe le plus

renommés d’Alexandrie [dans Eusèbe, Hist. eccl., VI, xix, 12-14j. Porphyre précise que ce philosophe s’appelait Ammonius, ibid., col. 564 B. Était-ce Ammonius Saccas, le maître de Plotin, qui avait eu deux disciples du nom d’Origène [Porphyre, Vita Plotinl, 7J ? Zeller ne le croit pas, Die Philosophie der Griechen, IIP part., t. ii, 4e éd., p. 513, n. 4.)

Les jugements portés sur Platon par les deux alexandrins sont, peut-on dire, affaire de sentiment. Mais, quand ils se mettent à systématiser leurs idées sur Dieu, l’homme, le monde, quand ils veulent faire un exposé des dogmes chrétiens à l’usage des gens cultivés, il faut bien qu’ils emploient la langue qu’on parle autour d’eux ; ils n'échappent pas à la contagion, du syncrétisme platonicien qui, depuis le iie siècle, prédominait dans les écoles, à Alexandrie plus qu’ailleurs.

J. Meifort relève avec insistance, à travers les emprunts et les analogies, une distinction fondamentale. Tandis que, pour le fondateur de l’Académie, la philosophie est avant tout le problème de la connaissance, le maître du Didascalée, au contraire, ramène tout à « la divine économie du salut » et à « la connaissance du Fils ». D’un côté, il s’agit d’assurer la valeur absolue de la science ; de l’autre, le problème est d’abord religieux ; il s’agit d’atteindre Dieu. Meifort, Der Platonismus bei Clemens Alexandrinus, p. 14 sq. et passim. La remarque est juste pour Platon, surtout pour le Platon des premiers Dialogues. Mais, depuis le IIe siècle de notre ère, la préoccupation religieuse était une note dominante du platonisme ; c’est même pour cela que Clément le considère comme une vraie philosophie et qu’il subit, sans trop se méfier, son influence.

b) Principaux thèmes platoniciens chez Clément et chez Origène. — a. — La distinction fondamentale du monde sensible et du monde intelligible, et surtout la description qu’ils font de l’autre monde. Clément, Strom., V, xiv, P. G., t. ix, col. 137 AB ; éd. Stahlin, t. ii, p. 387, 1. 21 ; Origène, In Joa., i, 24, P. G., t. xiv, col. 68 B ; ibid., xix, 22, éd. Preuschen, p. 323-324, Noter que pour Origène les Idées ne constituent pas le inonde intelligible ; elles sont dans la Sagesse qui est le Fils de Dieu. Cf. infra, Le monde intelliqible, col. 2340.

b. — La composition tripartite de l'âme. Clément, Pœdag., iii, 1, P. G., t. viii, col. 558 AB ; Stahlin, t. i, p. 236, 1. 4 ; Origène, De principiis, IV, iv, P. G., t. xi, col. 365 A ; Kœtschau, p. 312.

c. — La partie la plus haute de l'âme, de nature intellectuelle, apparentée à la nature divine. Clément, Cohort. ad gentes, x, P. G., t. viii, col. 216 A ; Stahlin, t. i, p. 72, 1. 24 ; Origène, Contr. Cels., VII, xxxix ; VI, m, P. G., t. xi, col. 1477 A, 1232 B ; Kœtschau, t. ii, p. 189-190, 72-73.

d. — Le but de la vie humaine placé dans une certaine assimilation avec Dieu, et la purification qui y prépare, considérée comme une séparation du corps et de la matière. Ici encore, le platonisme est moins dans la doctrine que dans la manière dont on l’expose. Cf. Origène, De princ, III, vi, 1, Kœtschau, t. v, p. 280.

e. — La contemplation, dernier degré de l’ascension des âmes et sommet de la philosophie, atteint, par la pure intelligence, ccÙtco xaôaptTj tw vii, les réalités ellesmêmes et non plus leurs images. Clément, Strom., V, x et xi, col. 101 AB ; Stahlin, p. 370, 1. 20-26 ; III, m ; Origène, De princ, II, viii, 2 et 3, Kœtschau, t. v, p. 155.

f. — La transcendance de Dieu qui le rend ineffable. Platon déjà s’abstenait de donner des déterminations positives à l’Idée suprême. A la suite d’Albinus, de Numénius, de Philon, les alexandrins pensent qu’aucun des noms qu’on donne à Dieu ne lui convient ; il n’est à proprement parler ni le Bien, ni l'Être, ni l’In-