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PLATONISME. INFLUENCE DE PLATON


Qdèles à Platon ; les Cappadociens et surtout saint Augustin marqueraient l’avènement de Plotin ; saint Thomas celui d’Âristote. C’est oublier que le platonisme connu des premiers Pères n’était déjà plus la pure doctrine des Dialogues, mais un syncrétisme où se mêlaient des éléments divers, surtout stoïciens, péripatéticiens et pythagoriciens. Ce fut ce syncrétisme très accueillant, qui agit sur les chrétiens curieux de philosophie. Lorsque, plus tard, i Aristote » arrivera à supplanter, dans la métaphysique de l’École, les tendances qui y régnaient jusqu’alors, c’est encore un syncrétisme qui s’abritera sous son nom, le syncrétisme qu’avaient élaboré les commentateurs grecs, arabes et juifs.

Aussi, de même que sous le règne du Stagyrite quelques doctrines néoplatoniciennes devaient continuer à s’infiltrer, de même, sous le couvert du néoplatonisme, l’influence péripatéticienne ne fut pas tout à fait absente. Sous le bénéfice de cette remarque, il reste vrai qu’à l’époque patristique le « platonisme » fut en spéciale faveur. Comment se fit sa rencontre avec le christianisme et dans quelle mesure la théologie se laissa-t-elle pénétrer, c’est ce qu’il faut maintenant examiner.

II. Comment les premiers écrivains chrétiens

ONT-ILS EU CONNAISSANCE DU PLATONISME ? Ont-ils

connu les œuvres de Platon directement ou par intermédiaire ? Ont-ils eu sous les yeux le texte même ou seulement des traductions ? — 1. L’influence directe de Platon. 2. L’influence des platoniciens postérieurs et des néoplatoniciens (col. 2288). 3. La transmission du « platonisme > au Moyen Age et à la scolastique (col. 2290).

I. L’INFLUENCE DIRECTE DE PLATON. — 1° Saint Justin cite plusieurs dialogues : la République, v, 473 de (Apol., i, 3) : vi, 509 b (Dial., 4) ; x, 615 a (Apol, i, 8) ; le Timée. 28 c(Apol., ii, 10), 36 be (Apol., i, 60), 41 ab (Dial.. 3) : le Phédon, 65 e-66 a (Dial., 4) ; le Philèbe, 30 d (Dial.. 4) : la Lettre ii, 213e (Apol., i, 60) ; le Phèdre, 249 a et le Gorgias, 523 a-524 a (Apol., i, 8). .1. Geffcken, Zwei griechische Apologeten, Leipzig, 1907, p. 103, ne voit pourtant là que des emprunts à un florilège. Faut-il donc penser que Justin n’a jamais eu entre les mains les livres mêmes de Platon ? L. Puech ne le croit pas. car « il n’y a aucune raison sérieuse de contester qu’il ait lu V Apologie, qu’il prend souvent pour modèle, ou le Timée qui l’intéressait au premier chef par une cosmogonie où il retrouvait l’influence mosaïque ». Histoire de la littérature chrétienne grecque, t. ii, p. 141.

Sa connaissance de Platon reste malgré tout sommaire. Celle d’Athénagore aussi, bien qu’il cite de façon un peu plus précise le Timée, le Gorgias, le Phèdre. Cf. Puech, op. cit., p. 200. On peut étendre à tous les premiers apologistes le jugement de J.-M. Pfàttisch sur saint Justin : s’il y a eu sur eux influence directe de Platon, elle a été très réduite, Der Einfluss Philos auf die Théologie Justins des Mârtyrers, Paderborn, 1910. p. 16.

2° Sur le Didascalée d’Alexandrie l’influence directe de Platon est beaucoup plus sensible. Clément cite souvent, surtout dans les Stromates, de longs passages tirés du Ménexène, du Cralgle, de la République, du Phédon, du Phèdre, du Théétète, du Sophiste, du Timée. des Lois, des Lettres, de la i grande lettre » en particulier, c’est-à-dire de la vir (Strom., 1. Y, c. xi) ; voir J. Meifort, Der Platonismus bei Clemens Alexandrinus, Tubingue, 1928. Origène, au contraire, ne le cite d’ordinaire que par allusions brèves (cf. de Paye. Origène, t. i. p. 218. n. 1. et les Index de l’édition Kœtschau), mais il le connaît.

3° On le connaît bien aussi au iv f’siècle parmi ces chrétiens cultivés, dont plusieurs devinrent de grands évêques.

Dans la Préparation évungélique (1. XÏ-XV), où il expose les idées des philosophes avec une préférence marquée pour Platon, Eusèbe de Césarée cite de larges extraits de l’Eutgphron, de YApologie de Socrate, du Criton, du Théétète, du Phèdre, de la République, du Timée, des Lois, et même de VEpinomis et des Lettres (surtout au t. XIII, P. G., t. xxi, col. 1060 sq.).

Il y a quelquefois plus que des citations. Méthode, évêque d’Olympe, dans son Banquet des dix vierges, s’inspire, pour la forme de l’ouvrage, du Banquet de Platon (cf. J. Larges, Les idées morales et religieuses de Méthode d’Olympe, Paris, 1929, p. 40 sq.) et Grégoire de Nysse, à la mort de saint Basile, écrit un dialogue sur l’Ame et la résurrection, qui est une imitation du Phédon.

Sur les Cappadociens, cf. C. Gronau, De Basilio, Gregorio Sazianzeno Nyssenoque Platonis imitatoribus, Gœttingue, 1908, en particulier, H. Pinault, Le platonisme de saint Grégoire de Xazianze, La Roche-sur-Yon, 1925, H. F. Cherniss, The plalonism o Gregonj of Nyssa, Berkeleꝟ. 1930.

4° Quant aux Latins, selon le témoignage de saint Jérôme, ils ne connaissaient guère Platon : Quanti Plalonis vel libros novere vel nomen ? Vix in angulis otiosi eos senes recolunt. Comment, in episl. ad Galatas, t. III, c. v, P. L. t. xxvi, col. 428 C. Peut-être faut-il faire, dans un argument polémique, la part de l’exagération ; même s’ils ignoraient le grec, ces vieillards oisifs… et les autres pouvaient connaître le Timée par les traductions de Cicéron et de Chalcidius. Saint Augustin cite aussi le Phédon qu’il avait pu lire dans une traduction d’Apulée. En somme, peu de chose. C’est surtout dans les ouvrages d’Apulée, le De deo Socratis et le De dogmate Platonis, dans les traités philosophiques de Cicéron et dans les Ennéades de Plotin que le grand docteur africain s’est familiarisé avec le « platonisme ». Cf. G. Combes, Saint Augustin et la culture classique, Paris, 1927, p. 14.

II. L’INFLUENCE des platoniciens postérieurs et des néoplatoniciens. — Ce serait en effet une erreur de croire que tout le platonisme des Pères de l’Église tient dans les passages qu’ils empruntent directement à Platon.

1° Les idées platoniciennes de Clément d’Alexandrie sont dues pour une part à Philon ; celles d’Origène à Philon aussi et à ces pythagoriciens éclectiques qui furent les précurseurs du néoplatonisme, Numénius, Cronius, Longin, Modératus, Nicomaque. Cf. Porphyre, dans Eusèbe, Hist. eccl., VI, xix, P. G., t. xx, col. 565. Puis, Origène à son tour, même combattu et heureusement corrigé, devient, dans les milieux scientifiques d’Alexandrie, de la Palestine et de la Cappadoce, un intermédiaire du platonisme. Au désert, où les persécutions le forcent à se réfugier, saint Athanase lit Origène. Saint Basile et saint Grégoire de Xazianze en font une anthologie. A cette époque, bien que déjà discuté, il ne manque pas d’admirateurs : parmi les Grecs, Pamphile, Théognoste, Piérius, Didyme, Grégoire de Nysse, Euzoïus, Eusèbe de Césarée, et parmi les Latins, Victorin de Pettau, Yictorin le Rhéteur, Hilaire de Poitiers, Eusèbe de Yerceil, Ambroise, dont Jérôme dit que presque tous ses livres sont remplis de réminiscences d’Origène (Adv. Rufln., i. 2, P. L., t. xxiii, col. 399), Rufin, et Jérôme lui-même, d’abord fervent admirateur d’Origène, avant d’en devenir le détracteur passionné. Cf. Prat, Origène, appendice m : Origène et la tradition catholique jusqu’à la fin du VIe siècle, surtout p. 192 199.

2° Dans cette transmission des idées platoniciennes, il faut faire’une place spéciale à Philon. Ses idées religieuses et morales, qu’il s’efforçait de retrouver dans la Bible, même quand il hs recevait d’une école philo-