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    1. PLATONISME##


PLATONISME. APRÈS PLOTIN

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et se venger d’un ennemi. Cf. Eusèbe, Prsep. evang., I. V, (. viii, ix, P. G., t. xxi, col. 333 C. Voilà des moyens qu’un peuple superstitieux comprenait plus facilement que la dialectique néoplatonicienne.

Il faut dire plus : si la tendance théurgique se développa au sein du néoplatonisme, c’est aussi qu’on avait abandonné une thèse qui, chez Plotin, la tenait en échec. Il y a dans notre âme, enseignait-il, une partie, l’intelligence, qui reste toujours dans le monde intelligible, IV. viii, 8 ; cf. V, i, 10, et c’est pourquoi nous ressemblons à un homme qui serait dans l’eau mais qui aurait la tête hors de l’eau ; grâce à cette « pure intelligence », nous sommes capables de nous élever jusqu’à l’Un.

Cette thèse était déjà discutée du temps de Plotin.. IV, viii, 8 ; cf. V, ni, 3. Si l’on vient à la nier, si, tout en maintenant la possibilité de l’extase et son caractère strictement naturel, on refuse pourtant d’accorder à l’homme un principe qui, croit-on, devrait penser toujours et le rendre parfaitement heureux, il n’y aura plus d’autre moyen de s’unir aux dieux, puisqu’on ignore le bienfait de la grâce, que la théurgie, non plus par un effort ou une « conversion » de l’âme, mais par l’action mystérieuse de symboles qui ont la vertu de rendre Dieu présent.

C’est la position de Jamblique : il repousse la thèse des Ennéades et accepte les conséquences. C’est également celle du traité sur les Mystères des Égyptiens, qui est d’un de ses disciples. Quant à Porphyre, il est passé par des alternatives diverses ; cf. le livre Sur le retour de l’âme et la lettre De diis dœmonibus ad Anebonem, dont le traité sur les Mystères des Égyptiens veut être une réfutation. Il est resté hésitant, dit Augustin, entre une « curiosité sacrilège » et « la profession de philosophe ». De civit. Dei, X, ix, 2, P. L., t. xli, col. 286.

Dans l’école, cette curiosité fut à la mode. Sopater, disciple de Jamblique et haut dignitaire de Constantin fut mis à mort pour crime de magie. Eunape, dans la vie d’/Edesius, raconte qu’on l’accusait de contrarier les vents et d’empêcher l’arrivée à Constantinople des navires qui apportaient le blé. Maxime, disciple d’/Edesius, un de ceux à qui le vieux maître avait confié l’éducation philosophique de Julien, subit le même sort sous Valens : il aurait été mêlé, paraît-il, à des pratiques divinatoires pour connaître le successeur de l’empereur. La Vie de Plotin par Porphyre, celle de Proclus par Marinus, celle d’Isidore par Damascius montrent aussi combien on était alors préoccupé de divination, de charmes et d’incantations.

Importance du rythme ternaire.

Le nombre

trois avait toujours été en honneur chez les pythagoriciens et les néoplatoniciens. Plotin admet trois principes divins : l’Un, l’Intelligence et l’Ame, qu’on a souvent voulu rapprocher de la Trinité chrétienne (cf. col. 2322 sq.). Ces principes chez Théodore d’Asine et chez Proclus se divisent à leur tour en triades et peuplent d’entités divines le monde d’en haut. Jamblique et Théodore d’Asine affectionnent la division trichotomique qui explique les concepts, en les groupant, pour les comparer, trois à trois. Sur l’extension de ce procédé chez saint Augustin, cf. Schmaus, Die psychologische Trinitâtslehre des heil. Augustinus, Munster. 1927, c. il.

Dans le rythme ternaire qu’il trouvait chez Plotin, Proclus reconnaît la loi de toutes choses, qui explique le développement des essences et le devenir du monde depuis les premières Hénades jusqu’aux derniers degrés de l’être. Relevons quelques points plus importants.

Premier principe. — Tout processus se fait en trois moments. Dans le premier, le causé est dans la cause ; et il doit y être, car nécessairement ce qui est produit |

ressemble à ce qui le produit. Ce premier moment est la jxoWj. Dans le second. rcpéoSoç, le causé sort de sa cause et s’en distingue, car en lui la dissemblance se mêle à la ressemblance. Le troisième est la conversion, êmoTpocprj : le causé se retourne vers la cause en vertu de sa tendance au Bien, auquel il ne peut participer que par l’intermédiaire de sa cause immédiate. Insl. theol., c. xxx sq.

Ainsi se fait la procession, de degré en degré, mais toujours du plus parfait au moins parfait ; il ne faut pas l’oublier, quand on est tenté de faire un rapprochement avec la dialectique hégélienne. Cf. Plotin, Enn., V, ix, 4 : « Il faut que les premiers principes soient en acte et sans besoin et parfaits. »

Deuxième principe. — « Il n’y a pas de procession sans intermédiaire. » Insl. theol., c. clxxv. Les intermédiaires permettent de passer d’un extrême à l’autre. Grâce à eux, l’action de l’Un peut atteindre les âmes, et l’effort des âmes monter vers l’Un. Ils sont aussi subordonnés entre eux et forment une hiérarchie.

Troisième principe. — Dans les processions où les êtres s’engendrent l’un l’autre, ce qu’il y a de plus élevé dans une série touche ce qu’il y a de plus infime dans la série supérieure. Insl. theol., c. cxlvii.

Quatrième principe. — En tout, sauf dans l’Un premier absolument simple, il y a trois termes : le fini, to Tcspaç, l’infini ou l’indéterminé, to àuetpov, et le mixte, tô j.lx~6v, qui résulte de leur union ; de plus, les éléments composants, manquant eux-mêmes de simplicité, engendrent de nouvelles triades. Ainsi procède de l’Un le monde des Hénades, et de ces Hénades la triade fondamentale du monde intelligible, l’être (le fini), la vie (l’infini), et l’intelligence (le mixte) et toutes les triades qui en dérivent.

Plusieurs de ces principes ont influé sur le pseudo-Denys l’Aréopagite, dont la Hiérarchie céleste utilise à la fois les données de l’Écriture, de la tradition, de la liturgie, et les spéculations de Proclus.

Ainsi, les anges sont par lui distribués en trois groupes, l’un plus proche de Dieu, l’autre plus proche des hommes, le troisième intermédiaire, qui sont eux-mêmes divisés chacun en trois chœurs. Dans chaque triade, les essences inférieures sont purifiées, illuminées et perfectionnées par les essences supérieures vers lesquelles elles se tournent, selon le rythme néoplatonicien. Dé cœl. hier., ni, 2 ; viii, 2, P. G., t. iii, col. 165, 240 C ; De div. nom., iv, 14 ; ix, 6, col. 712 D, 713 A, 913 C ; cf. Enn., VI, ix, 8, et H. Koch, Pseudo-Dionysius Areopagita in seinen Beziehungen zum Neuplalonismus und Mysterienwesen, p. 82.

Une différence considérable est pourtant que, chez Denys, comme dans la Bible, le caractère moral et religieux prend le dessus et supplante la fonction cosmologique ; les anges ne sont plus des moteurs des astres, comme les intelligences subsistantes du néoplatonisme grec et arabe, mais les envoyés de Dieu et les gardiens des hommes. « Cette tendance à la multiplication des termes de la hiérarchie… est le trait distinctif de cette p.ériode ultime du néoplatonisme inaugurée par Jamblique. » Triomphe de la technique et du système au détriment de l’inspiration, « ce vaste classement est vide de la vie spirituelle qui animait les Ennéades, et qui maintenant déchoit d’une part jusqu’à l’œuvre appliquée du théologien, d’autre part jusqu’à la pratique de la théurgie ». Bréhier, Histoire de la philosophie, t. i, p. 473-474. Jugement peu llatteur pour « le théologien ». Leur inspiration profonde, les théologiens chrétiens la cherchaient, on va le rappeler, dans les Écritures et la vivante tradition de l’Église.

Conclusion. — Il arrive qu’on divise commodément l’influence de la philosophie grecque sur la théologie en trois époques : les premiers Pères seraient restés