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PLATONISME. APRÈS PLOTIN

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lui prend tin la période romaine <ie ce qu’on a fort inexactement appelé la philosophie alexandrine.

La seconde période (syrienne), avec Jamblique I | vers 330), multiplie les étapes de l’émanation divine et les dispose en triades subordonnées ; elle accentue l’orientation vers la piété syncrétiste : le polythéisme y est considéré comme partie intégrante de l’héllénisme et. comme tel. on veut à tout prix le défendre et le restaurer. Jamblique affirmait aussi, plus clairement que Plotin et Porphyre, que l’âme ne se fixe pas toujours là où la porte sa tendance, soit en haut soit en bas, mais qu’elle descend et remonte périodiquement en vertu d’une loi nécessaire et, contre Plotin, il soutenait que lorsqu’elle descend, c’est l’âme tout entière et non une de ses parties qui entre en relation avec le monde. Les œuvres qui restent de lui appartenaient à un vaste traité, Huvavio— ; —7’, tôv Truflayopsicov Soyimctcov. Sa philosophie était donc placée sous le signe de Pythagore : le Protreptique ou Exhortation se termine par l’explication des 39 « symboles » pythagoriciens, dont l’obscurité recèle une vérité profonde. Whittaker, The neo-platonists, p. 121 sq.

L’école de Pcrgame. en Mvsie, qui avait les mêmes tendances, fut réunie à l’école de Syrie par ^Edesius, son fondateur, qui lui-même était un disciple de Jamblique. C’est de ce milieu que sortira l’empereur Julien.

A la fin du ive siècle, les successeurs de Platon (SuxSoxoi —ÀaTwvixoL) deviennent eux-mêmes néoplatoniciens : alors commence la troisième période (athénienne), à laquelle le décret de Justinien, en 529, mettra fin. Proclus (| 485) en fut le principal représentant. S’il faut en croire Marinus, son historien, il possédait toutes les vertus, naturelles, morales, civiles, purifiantes, contemplatives, théurgiques (avec les vertus exemplaires, qui sont au-dessus du pouvoir de l’homme, cela fait sept degrés, trois de plus que chez Plotin. Yita Procli, c. ni…, xiv, xviii, xxii…). Très avancé dans les sciences théurgiques, Proclus était aussi très attaché aux rites de l’ancienne religion et, en général, à toutes les religions car, disait-il, le philosophe doit être comme le hiérophante de l’univers. Ibid., c. xxviii, xxix. Ses principaux écrits sont des Commentaires, en particulier sur le Time’e, la Théologie platonicienne, trois traités sur la Providence, le destin, le mal, conservés dans la traduction latine de Guillaume de Mœrbeke, les Éléments de théologie, modèle de cette présentation plus méthodique ou — comme dit Zeller — scolastique, qui est caractéristique de l’époque.

(Sur Proclus, son accord foncier avec Plotin et les divergences de détails, voir H. —F. Millier, Dyonisios, Proklos, Plotinos, dans les Beitrâge de Bàumker, t. xx. fasc. 3-4, 1918, p. 1-36. Cf. Bréhier, Histoire de la philosophie, t. i, p. 449 sq. : Développement du néoplatonisme ; Whittaker, The neoplatonists, p. 157 sq.)

Ce que dans l’Église on remarqua davantage, comme traits nouveaux ou plus accusés de ce nouveau platonisme, ce fut, avec un paganisme plus militant et fies tendances théurgiques, l’usage qu’on y fait du » ternaire ».

1° Recrudescence du paganisme et de la théurgie à l’intérieur du néoplatonisme. — 1. Le grand péché des plulonici, déclare Augustin — et il cite Plotin, Jamblique. Porphyre, Apulée — c’est que, ayant connu le vrai Dieu, : ls ne l’ont pas honoré comme ils devaient, mais, par une faiblesse coupable, ont admis les cultes et les sacrifices populaires, De civit. Dei, VIII, xii ; X, m. Le même reproche revient fréquemment sous la plume d’autres Pères de l’Église.

fl) En ce qui concerne Plotin, le reproche doit être expliqué. Si les Ennéades font une place aux dieux de la mythologie traditionnelle, c’est grâce à d’ingé nieuses interprétations, dans le goût de l’allégorie alexandrine, qui permettaient de les identifier avec l’une ou l’autre des trois hypostases, en qui tout le divin est contenu. Ainsi le mythe théogonique de la naissance de Zeus est une allégorie de la genèse de l’Ame V, viii, 12. Zeus n’a-t-il pas en effet un père et un grand-père ? Il ne peut donc venir que le troisième, comme l’Ame. Son père, Cronos, dont la légende raconte qu’il dévora ses enfants, n’est autre que le voûç, rempli des Idées divines, c’est-à-dire des dieux qu’il a engendrés (saint Augustin fait allusion à cette interprétation qu’il attribue aux recenliores platonici, De cons. evang., i, xxiii, 35, P. L., t. xxxiv, col. 1058), et son grand-père est Ouranos, l’unité supérieure en qui Cronos a introduit l’altérité.

Rien d’ailleurs d’exclusif dans ces interprétations. En un autre endroit, l’Ame du monde trouve son équivalence, non plus en Zeus, mais en Aphrodite, III, v, 8, ou même en Héra ou en Hestia. Évidemment, la chose, pour Plotin, n’avait pas grande importance.

b) Après lui, elle en prend davantage. Dans la lutte contre le christianisme, le syncrétisme néoplatonicien prête son appui : il s’efforce de donner un sens, une vie aux règles du culte païen (Porphyre, La philosophie d’après les oracles, dont la Préparation évangélique d’Eusèbe a sauvé quelques extraits) et, dans une hiérarchie aux multiples étages, de faire place à la multitude des dieux, sans avoir recours aux fusionnements, aux assimilations, à ces divinités myrionymes qui déconcertaient.

Porphyre développe la théorie des démons que le platonisme moyen avait accueillis et qui, dans les Ennéades, sont les intermédiaires par lesquels l’âme du monde administre l’univers. IV, ni, 9 et 11. Mais, à rencontre de Plotin, qui refusait d’admettre de mauvais démons, il distingue, après Plutarqùe, De defectu oraculorum, c. xiv, les bons et les mauvais, ceux qui sont bienfaisants, et ceux qui, sous la conduite d’un chef, cherchent toujours à nuire, tous composés d’un corps et d’une âme, comme les dieux visibles et, pour cette raison, sensibles aux sacrifices qu’on leur offre. De abstin, ii, 42, 43, éd. Nauck, p. 172, 1. 2 sq. Ainsi la philosophie justifiait les pratiques du culte populaire. Jamblique et Julien allèrent plus loin encore dans la même voie.

2. En même temps, la tendance à la théurgie s’accuse.

— C’est sans doute un effet de la contagion des cultes orientaux. Mais, par son développement même, le néoplatonisme devait incliner de plus en plus en ce sens. Car, s’il proposait à l’instinct religieux un but exaltant, l’union à Dieu contemplé sans intermédiaire, les moyens qu’il offrait pour y arriver étaient décevants. Il affirmait : l’homme est capable de s’élever jusque-là, pourvu qu’il se dégage des choses sensibles par une ascèse purifiante. L’union à Dieu se conquiert à force de détachement et de recueillement. C’est difficile, mais c’est affaire de décision et de persévérance dans l’effort.

Vraiment, c’était trop difficile. Ne disait-on pas que Plotin lui-même était arrivé quatre fois seulement à cet instant d’extase bienheureuse ; Porphyre, une fois. Que pouvaite pérer le vulgaire ? — Les « platoniciens », dit saint Augustin, montrent bien le terme, mais de loin et sans indiquer la route. S’ils en indiquaient une, elle était trop ardue et ressemblait à une impasse.

La théurgie possédait des méthodes plus accessibles. Pour s’unir à la divinité ou se la rendre favorable, il n’était que de connaître les formules, les invocations, les caractères, les sacrifices, qui, efficaces par eux-mêmes, mettent la puissance des dieux au service de qui les honore. De même, par la magie, on peut, quand on veut, capter la méchanceté des esprits malfaisants,