Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/423

Cette page n’a pas encore été corrigée
2281
2282
PLATONISME. APRÈS PLOTIN


à l’enseignement de la foi), mais organisatrice et qui servirait à Dieu d’instrument dans l’administration de l’univers ? La question est difficile, pense Augustin, et il renonce à se prononcer. Decons. evangel., i, xxiii. 35, P. L., t. xxxiv, col. 1058.

b) Quelle est l’origine de l’âme humaine ? La question était fort controversée à la fin du ive siècle et au début du v e. Utrurn lapsa de cœlo sit, ut Pgthagoras philosophus omnesque Plalonici et Origenes pulant ; an a propria Dei subslanlia, ut Stoici, Manichseus et Hispana Priscilliani hæresis suspicantur : an in thesauro habeantur Dei olim conditie, ut quidam ecclesiastici slulla persuasione confldunt : an quotidie a Deo fiant et miltantur in corpora… : an cette ex traduce, ut Tertullianus, Apollinaris et maxima pars Occidentalium. autumant… Jérôme, répondant à une demande de Marcellinus, représentant de l’empereur Honorius à la conférence de Carthage entre catholiques et donatistes, lui conseillait de consulter sur ce sujet Augustin, virum sa.nctu.in et eruditum. Epist., cxxvi, P. L., t. xxii, col. 1085, 1086. Augustin, sans doute, n’aurait pas donné une réponse très ferme. Il inclinait plutôt à croire que l’âme humaine, avant d’être unie à un corps, a été produite « parmi les premières œuvres que Dieu créa toutes ensemble », De Gen. ad litt., VII, xxxiii, 34, cf. X, iii, 4 ; ii, 3 ; VII, xxiv, 35. S’il penche vers cette hypothèse, c’est qu’elle lui semble s’accorder mieux avec le texte de l’Ecclésiastique, creavit omnia simul. Hypothèses qu’il n’avance qu’en hésitant, et où il est permis de reconnaître une influence du milieu philosophique.

7° La tendance du multiple vers l’Un : — Tous les êtres désirent l’Un à cause de la ressemblance qu’ils ont avec lui ; ils se tournent vers lui… Leur but, c’est l’union. Là tendent tous les efforts de purification et de détachement.

Ainsi s’affirma la conception puissante d’un Principe premier qui est en même temps la fin dernière, un principe d’où tout procède par degrés et où tout doit revenir par étapes, la descente se faisant par voie de composition vers une multiplicité toujours plus imparfaite, et le retour s’opérant par voie de purification, c’est-à-dire de simplification, vers le terme ultime, une union bienheureuse où l’esprit qui contemple ne fait plus qu’un avec son principe et sa fin.

On s’accorde à reconnaître que l’union à Dieu dans l’extase, terme de tout désir, est une des principales caractéristiques de cette philosophie. Mais, selon certains, ce serait aussi par là qu’elle aurait exercé sur le christianisme l’influence la plus pénétrante et la plus néfaste. La plus pénétrante, car à partir du ive siècle surtout, l’Église aurait cherché là une initiation à la vie religieuse (cette affirmation sera discutée plus loin). La plus néfaste, car, par là, le néoplatonisme cessait d’être rationnel, comme l’avait été toute la philosophie grecque. Profondément sceptique (car c’est le scepticisme, disent ces auteurs, qui a donné naissance au néoplatonisme), il plaçait le Bien suprême non plus dans une vérité accessible à la connaissance humaine, mais au-dessus du pouvoir de notre raison. et ouvrait ainsi la porte aux révélations, aux inspirations, c’est-à-dire à la fantaisie, à la superstition, à la théurgie ; c’était se précipiter dans l’absurde. Harnack, Dogmengeschichte, 4e éd., t. i, p. 810 ; cf. Zeller, Die Philosophie der Griechen, IIIe part., t. ii, 4° éd., p. 482.

Si l’on considère, non pas les successeurs de Plotin, mais Plotin lui-même, le reproche n’a pas de fondement, ou du moins est fort exagéré. On peut, sur ce sujet, résumer ainsi sa position :

1. Il est certain que pour lui la raison n’est pas le plus haut pouvoir de connaître, ni l’âme raisonnable la plus haute réalité. Il y a un principe supérieur,

l’Intelligence, et même un principe supérieur à l’Intelligence, l’Un.

2. Ce qui est supérieur à la raison n’est pas contraire à la raison. C’est même par la raison et non par voie de « révélation » que Plotin établit l’existence et même la nécessité de cette réalité transcendante ; et il rappelle aux gnostiques que, si l’homme peut s’élever au-dessus de l’intelligence, ce n’est pas en se laissant aller à je ne sais quels songes creux, mais seulement, « dans la mesure où l’intelligence le conduit, s ;.ç ôaov voûç Sysi. II, ix, 9.

Loin d’être un sceptique, ce philosophe, dont on ferait volontiers un rêveur, est un intrépide raisonneur, qui s’efforce de déduire rigoureusement la possibilité et les conditions de l’extase. Car, si la multiplicité existe, elle présuppose nécessairement l’Un. Or, nécessairement l’âme tend vers ce sommet des choses, qui, étant son principe, est aussi sa fin : elle désire donc nécessairement s’unir à lui. Pour s’unir à lui, elle doit lui ressembler, donc ne plus avoir ni mouvement, ni pensée, VI, vii, 35 : il faut donc qu’elle abandonne tout le reste, qu’elle en arrive à tout ignorer et à s’ignorer elle-même ; et, puisque l’Un est au-dessus de tout intelligible, il faut que le contact par lequel elle l’atteint se fasse par une autre puissance que l’intelligence. L’extase est donc la condition nécessaire de cette union qui est la fin de toute son activité. VI, ix, 7, 8 et 9.

3. Bien plus, le néoplatonisme de Plotin, au lieu d’invoquer une révélation reçue du dehors, est plutôt un naturalisme intégral : l’homme purifié est capable, par lui-même, de tout pénétrer, même la simplicité du premier Principe, car, avec cet au-delà, bien que transcendant, il a une parenté naturelle. Les Pères de l’Église qui, avec Plotin, refusent de voir dans la « contemplation » mystique une déchéance de l’être raisonnable, mais la dépeignent, au contraire, comme un retour à l’unité de l’âme dispersée dans le sensible, même ceux qui croient possible, dès ici-bas, une certaine vision de Dieu, se séparent de lui en cz qu’ils requièrent une grâce surnaturelle comme condition d’une connaissance qui dépasse la portée de la nature. Ainsi est efficacement sauvegardée la distinction nécessaire entre le monde et son créateur, la transcendance de l’ordre divin et la gratuité de ses bienveillantes interventions dans le cours de la vie humaine (voir col. 2384 sq).

4. Il est vrai cependant que le néoplatonisme, après Plotin, sombra dans la théurgie. Sous l’influence de quelles causes ? on va essayer de le montrer.

IV. après plotin.

Plotin meurt en 269. Porphyre, après lui, reste fidèle pour l’essentiel à la doctrine des Ennéades et contribue beaucoup à la répandre car, selon la remarque d’Eunape, si Plotin est plus connu des gens cultivés que Platon lui-même, il est presque incompréhensible pour les autres à cause de l’élévation céleste de ses pensées et de la forme énigmatique qu’il leur donne ; Porphyre, au contraire, par sa clarté, semble une chaîne d’Hermès lancée miséricordieusement aux hommes.

Il écrivit, entre autres ouvrages, une Vie de Pythagore : un livre Sur l’abstinence des viandes ; un autre Contre les chrétiens, voir l’art. Porphyre ; la Philosophie d’après les oracles ; l’Antre des nymphes ; la Lettre à Marcella ; une autre lettre au prêtre égyptien Anebon à laquelle répondit, sous le nom d’Abammon, dans le De mysleriis, un disciple de Jamblique ; une Introduction aux catégories d’Arislote (Isagogc) qui eut au Moyen Age un grand retentissement, car La dispute du nominalisme et du réalisme se rattache à la question qu’il y posait : si les quinque voces ont une existence substantielle ou si elles n’existent que dans nos pensées ? Porphyre meurt au début du ive siècle. Avec