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    1. PLATONISME##


PLATONISME. LKS DOCTK1NKS DE PLOTIN’2280

contracte une composition essentielle. « S’il y a plusieurs idées, déclarait Plotin. il y a nécessairement en chaque idée quelque chose de commun et quelque chose de propre, par quoi l’une diffère de l’autre… Cette différence qui la sépare des autres, c’est sa forme particulière. Or. s’il y a forme, il y a quelque chose qui est informé… 1)onc. il y a une matière qui reçoit la forme », Enn.. II. iv. 1. trad. Bréhier. t. n. p. 58. C’est pourquoi, dans le monde intelligible, il faut admettre une matière qui est condition de la multiplicité, sans être un obstacle à la simplicité relative des Idées ou des esprits qui constituent le monde intelligible néoplatonicien. Depuis Avicebron, que le Moyen Age considérait à tort comme le père de la matière spirituelle, jusqu’aux théologiens dits augustiniens, les platonisants retiendront cette doctrine ; ils en feront une application, en introduisant dans les anges une composition substantielle de matière et de forme.

L’Intelligence et le monde intelligible.

1. Si l’Intelligence

n’est pas le premier Principe, c’est qu’elle n’est pas la pure unité : du moins vient-elle aussitôt après le premier. Y. i, 6. Sans discours ni raisonnement, dans un présent éternel, elle se pense, et en se pensant, pense l’Un, en qui elle est, de qui elle vient, vers qui elle tend.

Avide de saisir l’Un, en qui elle a sa fin comme son principe, l’Intelligence est impuissante pourtant à l’embrasser dans sa simplicité ; en le pensant, elle le décompose en quelque sorte. De là vient la multitude des Idées qui ne sont pas seulement objets de pensée, mais puissances spirituelles, esprits et dieux comme l’Intelligence qui les enveloppe, subordonnés à cette Intelligence comme les sciences particulières à la science générale. Au sein de ce monde intelligible, hors du temps et de l’espace, chaque esprit est transparent pour tous les autres, dans sa profondeur, comme la lumière pour la lumière, chacun comprend les autres comme il est compris lui-même, et tous ensemble constituent l’Intelligence universelle qui est impliquée en eux comme ils sont impliqués en elle. V, viii, 4 ; VI, ii, 20 ; VI, vii, 14 ; VI, vii, 17.

6° La multiplicité de l’âme et de l’homme. La matière.

— 1. Intermédiaire entre le monde intelligible dont elle procède et le monde sensible qui lui doit toute sa réalité, l’Ame marque une étape nouvelle dans la voie de la multiplicité. Indivisible par nature, toute en tout et toute en chaque partie, elle a pourtant une affinité pour le corps qui est de sa nature divisible et, en vertu de cette relation, elle devient, elle aussi, sujette à la divisibilité. IV, n. 1.

D’ailleurs, l’Ame universelle est déjà en elle-même multiplicité, car elle contient toutes les âmes particulières qui dérivent d’elle et dont elle ne se sépare jamais. IV, ix : IV. iii, 2-8 ; III. v, 4. Aussi existe-t-il entre les âmes une unité comparable à celle du monde intelligible, une unité qui n’est pas une confusion, une distinction qui n’est pas un morcellement : telle, une même science participée par plusieurs savants. IV, ix. 5.

2. Située entre deux mondes, l’Ame peut faire partie de l’un ou de l’autre. Si, par sa partie plus haute, elle se tourne vers l’Intelligence, elle est elle-même intelligence. Mais si, audacieusement, elle se tourne vers le monde sensible qui est son image et y entre, par le fait elle se détourne de celui qui l’a faite et se perd en devenant sensible : la philosophie devra lui rendre, après l’avoir purifiée, la contemplation du inonde intelligible, et lui faire retrouver sa vraie nature.

Sur la descente des âmes, il ne semble pas qu’on puisse ramener à une parfaite unité toutes les explications de Plotin, I, viii, 14 ; III, ii, 12 ; IV, ni. 13 : IV, iv, 15 ; IV, vin. 7 : tantôt, en effet, s’inspirant de la tradition plus religieuse des mystères orphiques,

elles donnent le son qu’on vient d’entendre et tantôt elles sont influencées par le stoïcisme, pour lequel l’âme est une force solidaire de toutes les autres, jouant le rôle qui lui est dévolu dans l’organisation de l’univers.

3. S’il est vrai que chacun de nous n’est qu’un seul homme, à savoir celui selon lequel il agit, VI, vii, 6, il est également vrai que nous sommes « plusieurs », car, Plotin le répète souvent, à celui que nous étions dans le monde intelligible s’en est ajouté un autre ; et c’est ainsi que d’universel, — « ç, que nous étions (car pour Plotin les individus eux-mêmes ont leurs idées dans le monde intelligible) nous sommes devenus particulier, tic ; bien plus, en analysant ce qui s’est ajouté, nous devons dire que nous sommes trois, qui correspondent aux trois parties de l’âme, II, ix, 2 : l’homme sensible, qui est le dernier ; l’homme intelligible, le plus élevé, et entre les deux l’homme raisonnable. Ces trois hommes ne sont pas séparés, car ils dépendent l’un de l’autre ; ils ne constituent pourtant pas une même substance, étant superposés plutôt qu’unis ; le rapport qui intervient entre eux est un rapport d’effet à cause et non de matière à forme. Toujours les philosophes et les théologiens platonisants auront peine à sauvegarder l’unité du composé humain.

4. La matière, à laquelle s’unit l’âme, occupe le dernier degré de la hiérarchie, multiplicité sans unité, absolument informe, pure indétermination, non-être, qui n’est pourtant pas absolument rien. Son extrême éloignement du Principe, qui est le Bien, la fait considérer comme le principe du mal, un mal qui existe nécessairement, comme est nécessaire la dégradation hiérarchique des êtres à partir de l’Un. C’est de ce mal qu’il faut, autant que possible, se séparer par le dur travail de la purification.

5. Ce radicalisme, attirant comme toutes les outrances pour certains tempéraments, n’était pas sans danger ; car, à qui la séparation de tout ce qui est matériel paraît si souhaitable, la résurrection des corps n’offre guère plus d’intérêt qu’aux Athéniens du temps de saint Paul. Origène, quand il admet cette résurrection (Cont. Gels., V, xxii, P. G., t. xi, col. 1216 ; Prat, Origène, p. 87 sql ; comparer la lettre de saint Jérôme à Avitus, Epist., cxxiv, 5 et 7, P. L. t. xxii, col. 1063-1065) commet une heureuse inconséquence, en désaccord avec les idées sur la matière qu’il avait empruntées à son milieu.

Sous l’action des mêmes influences, d’autres considérèrent comme un gain pour l’âme tout ce que perd le corps. Saint Basile ne voyait-il pas dans la maigreur un gage de sainteté, un corps trop bien portant étant, au contraire, le signe d’une âme en mauvais état ? Dans les doctrines mystiques, on exagérera la nécessité et l’efficacité de la fuite des phantasmes pour préparer l’union à Dieu.

De là aussi, une dépréciation excessive de la connaissance sensible et un peu de scepticisme à son égard comme dans quelques textes d’Augustin : A qui veut connaître la vérité, les sens ne sont d’aucun secours, ils sont plutôt un obstacle, par exemple De Gen. ad li/t., vu, 20, et dans le De immortalitale. animée, n. 1 : nec animas auxiliante corpore intelligit, guia, cum intelligere vull, a corpore avertitur ; cf. ibid., n. 27. Augustin avait même écrit dans les Solilogues : penitus esse isla sensibilia fugienda, I, xiv, 24 ; mais, de peur qu’on ne lui prêtât l’erreur de Porphyre : omne corpus esse fugiendum, il se rétracta. Relr.. t. IV, c. iii, P. /… I. XXXII, col. 500 ; cf. De civit. Dei, XII, xxvi ; XIII, xvi et xix : De anima et ejus origine. IV. xi. 31. t. xi.iv, col. 525 : quisquis a naturel humana corpus alienare vult.desipit.

6. Quelques gueulions au sujet de l’âme.

a) V a-t-il au-dessus des âmes une Ame du monde, non point créatrice (cette hypothèse était évidemment contraire