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    1. PLATONISME##


PLATONISME. EVOLUTION DE LA DOCTRINE

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dans un corps, Phédon, 81 e, voire dans un corps de bête, Phèdre, 249 ub. Sur la métempsycose ou métensomatose et ce qu’en ont pensé les Pères de l’Église, voir art. Métempsycose, t. x, col. 157 1 sq.

Il faut pourtant le reconnaître : la séparation des choses sensibles, la préparation à la mort, la crainte des châtiments qui, après la mort, attendent les méchants, l’effort vers la justice et la sainteté qui rend semblable à Dieu, le désir d’une vie plus pure où l’âme pourra satisfaire, dans la contemplation de la vérité, son désir de connaître et calmer enfin l’inquiétude qui l’agite ici-bas, tout cela devait trouver un écho puissant dans des âmes chrétiennes. Et, en effet, le vocabulaire platonicien de la purification et de l’union à Dieu, les analyses qui les décrivent, furent repris, commentés, adaptés par plusieurs Pères de l’Église. Mais, avant d’arriver jusqu’à eux, ce vocabulaire et ces analyses avaient passé par le platonisme moyen et le néoplatonisme, et subi là plus d’une transformation.

3. Dans son admiration pour le platonisme, Constantin Ritter prétend ne plus apercevoir en quoi pourrait consister la transcendance morale du christianisme. Serait-ce parce qu’il prêche la chasteté parfaite ? Mais Platon condamne lui aussi le dérèglement dans la recherche des jouissances sensibles. Est-ce par la doctrine de l’humilité ? Mais les Lois, iv, 716 a, recommandent à qui veut trouver le bonheur de s’attacher à la justice et d’être tocttsivÔç y.xï xexocT[j17) ; i.Évoç. Même l’amour envers les ennemis que l’on tient pour une vertu chrétienne n’est-il pas recommandé dans la lettre vin qui, après le meurtre de Dion, met en garde ses partisans contre l’usage ordinairement reçu de faire aux ennemis le plus de mal possible et les exhorte, au contraire, à faire ce qui tournera à l’avantage de tous, amis ou ennemis, ou ce qui leur causera moins de dommage. Ritter, Platon, t. ii, p. 543-554.

Mais est-ce vraiment l’amour des ennemis qui est ici préconisé, car, en liii, pourquoi convient-il de ménager ceux qui nous ont offensés même gravement ? Platon en donne la raison, que C. Ritter traduit par un pointillé. C’est qu’il n’est pas facile, quand on fait beaucoup de mal aux autres, d’éviter de souffrir beaucoup soi-même. Si l’on s’abstient, c’est donc par crainte des conséquences ; on préfère sa propre sécurité aux satisfactions de la vengeance, calcul prudent qu’il ne faut pas prendre pour de la charité, pas plus qu’il ne faut confondre la tempérance avec la chasteté parfaite ou l’humilité avec une modération des désirs qui se contente d’une situation médiocre parce qu’une fortune plus splendide serait aussi plus exposée aux coups du sort. Gomperz a raison : tout cela est encore fort loin de l’Évangile. Griechische Denker, t. ii, p. 269. Cf. Origène, Cont. Cels., VI, xv, P. G., t. xi, col. 1312 C.

II. LE PLATONISME M’//" SIÈCLE DE L’ÈRE CHRÉ-TIENNE. — 1° L’évolution du platonisme. — Il y avait tant d’imprécision dans plusieurs des « dogmes » de Platon, ses mythes se prêtaient à des interprétations si variées, que chez ses premiers disciples, à partir de Xénocrate, une évolution déjà s’esquisse, parfois eu des sens divergents, au sujet de l’éternité du monde et de la matière, du démiurge et du problème de Dieu. Les uns suivent de préférence le Timée, d’autres le Parmenide, d’autres le Sophiste. En général, on ne fui guère Adèle à sa doctrine religieuse, el c’est encore Aristote qui, dans ces premières générations de disciples, conserva le mieux son héritage spiritualiste. M.-J. Lagrange, 0. P.. Les doctrines religieuses successives de l’Académie fondée par Platon, dans Revue thomiste. 1929, p. 320-331. Cf. Muménius, dans Eusèbe, Prœp. evang., I. XIV. c. v. P. G.. I. xxi, col. 1196 A. Dans la nouvelle Académie, Arcésilas, Carnéade, Clitomaque ne se contentent pas d’étaler les contradic— |

tions du stoïcisme ; leurs arguments atteignent l’existence de Dieu et de tout être immatériel. Ces platoniciens dégénérés prétendent même retrouver leurs idées dans le fondateur de l’Académie, dont ils font un douteur comme eux. Cicéron, De oratore, III, xvin, <)7. Mais, par ses outrances et par les conséquences qu’il entraîne dans le domaine moral où il brise les ressorts de l’action, leur scepticisme provoque des oppositions passionnées ; cf. le réquisitoire de Xuménius contre Arcésilas et ses successeurs dans Eusèbe, Præp. evang., t. XIV, c. vi sq., col. 1200 BC sq. On revient au vrai Platon pour lui demander des directions morales et religieuses.

Comment se fit cette évolution ? C’est un problème obscur. « Rien de plus confus que l’histoire de la pensée intellectuelle aux deux premiers siècles de notre ère. » Bréhier, Hist. de la phil. grecque, t. i, p. 415.

1. On a voulu en faire remonter l’origine à l’éclectisme d’Antiochus d’Ascalon (t vers 68 av. J.-C). Un des arguments les plus forts des sceptiques était les dissensions qui opposent entre eux les philosophes des diverses écoles. Pour renverser l’argument, Antiochus voulut effacer les divergences : il posa en principe que, pour qui sait les comprendre, le platonisme, le péripatétisme, le stoïcisme sont au fond d’accord et se résument en une sorte de philosophie éternelle, à laquelle il faut donner son adhésion. Mais la note dominante de ce dogmatisme accueillant restait nettement stoïcienne et fort éloignée de Platon. Appellabatur Academicus, dit de lui Cicéron, erat quidem. si perpauca mutavisset, germanissimus sloicus. Acad. prior., II, xliii, 132. Cependant, la philosophie venait d’entrer dans la voie de l’éclectisme, H. Strache. Der Eklektizismus des Antiochus von Askalon, Berlin, 1921 ; elle y restera ; quand le platonisme reprendra vie, ce sera sous la forme d’un syncrétisme où beaucoup de stoïcisme et d’aristotélisme se sera fixé.

2. On a beaucoup parlé aussi de l’influence de Posidonius d’Apamce en Syrie (t en 51 av. J.-C). C’est par l’intermédiaire de son stoïcisme platonisant, à tendances mystiques, que l’Orient aurait fait irruption dans la philosophie grecque ; et cette rencontre aurait préparé l’avènement du néoplatonisme. Mais il ne reste de Posidonius que quelques fragments, sans proportion avec de si vastes conclusions (Posidonii Rhodii reliquiæ doctrinæ, collegit atque illustravit Janus Bake, Leyde, 1810). S’il naquit en Syrie, Posidonius, qui fit de Rhodes sa patrie d’adoption — c’est là qu’il enseigna la philosophie grecque au jeune Cicéron — reflète l’esprit et les tendances du monde hellénique à son époque ; et l’on n’a pas prouvé qu’il ait introduit dans le stoïcisme, en fait de doctrines orientales, autre chose que ce qui se trouvait déjà dans les traditions platoniciennes et pythagoriciennes. Edwyn Bevan, Stoïciens et sceptiques, trad. de Laure Baudelot, Paris, 1927, c. iii, Posidonius, p. 81-119 ; J. Heinemann, Poseidonios metaphysischeSchriften, Breslau, t. i, 1921 ; t. ii, 1928.

. 3. Philon le Juif. — Quoi qu’il en soit, dans cette renaissance, il faut tenir compte du besoin religieux, que des doctrines de négation et de doute avaient pu refouler mais non détruire et qui se tourne avec inquiétude vers les abstinences et les purifications de la vie pythagoricienne, vers les cultes orientaux, leurs mystérieux rites d’union et leur conception de la destinée. Les Juifs d’Alexandrie jouent alors un rôle important en mettant eu évidence les affinités de l’idéalisme platonicien avec leurs propres conceptions religieuses. Persuadé que la Bible dit clairement ce que les philosophes cherchent à tâtons, Philon (né en 25 après J.-C.) introduit dans ses interprétations du texte sacré une doctrine où le néopythagorisme et le stoïcisme s’allient au platonisme, mais où l’on remarque surtout les